Taken
« Jai promis dêtre là à tous ses anniversaires »
Californie. Bryan, ancien agent des services secrets américains a voué sa vie à des missions secrètes et violentes aux quatre coins du monde. Des absences longues et fréquentes qui lui ont valu de voir sa famille séloigner de lui. Sa femme a ainsi refait sa vie avec un riche affairiste, emmenant avec elle leur fille, Kim. Depuis quelques mois quil a pris sa retraite, Bryan tente de faire tout ce qui est en son pouvoir pour se rapprocher delle, et tenter de renouer les filles dune relation depuis trop longtemps distendue. Aussi, le jour où Kim vient le solliciter pour obtenir lautorisation de sortie du territoire afin de passer lété avec sa meilleure amie à Paris, Bryan ne peut se résoudre à la lui refuser, même sil nest pas franchement emballé à lidée de voir sa fille de 17 ans partir seule à létranger. Dautant quau moment du départ, il se rend compte que celle-ci lui a menti sur tout le périple quelle envisage de faire en Europe durant ses vacances. Mais le pire reste à venir : lorsque Kim appelle son père pour le prévenir quelle est bien installé, un groupe dhommes débarque dans lappartement et enlèvent les deux jeunes filles. Témoin impuissant de lenlèvement derrière son téléphone et à lautre bout du monde, Bryan décide de partir pour Paris afin de retrouver sa fille
« Bryan, tu as sacrifié ton couple pour défendre ton pays. Tu as gâché ta vie pour ton pays. Tu vas faire un petit effort pour ta fille pour une fois ? »
A priori, pas de quoi se réjouir à lannonce dune nouvelle production signée EuropaCorp. La société de production de Luc Besson sest illustré depuis quelques années en produisant systématiquement le même genre de nanars formatés, des pseudos films daction urbains sans intérêts, à grand spectacle pour attirer un public nombreux dans les salles. Tout le monde se souvient ainsi des sagas « Taxi », « Le Transporteur », et des films plus ou moins ressemblant sortis dans la même décennie comme « Yamakasi », « Danny the dog », « Revolver », « Banlieue 13 », ou encore le récent « Hitman ». Avec son dernier né, « Taken », Besson peut même se vanter davoir réussi à attirer un gros poisson dans ses filets, en loccurrence lirlandais Liam Neesson, dont la carrière semble un peu en perte de vitesse depuis quelques années. Et histoire de faire retomber le soufflet tout de suite, la réalisation a été confié à lun des jeunes poulains de lécurie Besson : Pierre Morel. Ce dernier, dabord chef opérateur pour des films produits par EuropaCorp (« Taxi 4 » ou « Danny the dog »), a déjà passé son baptême du feu en réalisant « Banlieue 13 », son premier long, plus quoubliable, et déjà produit par Besson.
« Je sais que tu es venu ici pour te rapprocher de ta fille, mais ce nest pas en létouffant que tu y arriveras. Laisse-la vivre ou tu la perdras pour de bon. »
Ça yest ! On a enfin découvert lhomme le plus fort du monde ! On le connaissait depuis plusieurs décennies sans rien savoir de sa force ! Eh bin voilà, cest dit, Liam Neesson est une véritable machine de guerre, plus forte encore que Terminator ! Car mine de rien, avec un couteau, la force de ses poings, et les revolvers trouvés sur ses victimes, il dézingue bien une cinquantaine de mecs à lui tout seul, quasiment sans recevoir la moindre égratignure. En soit, tout cela aurait pu constitué un film amusant et défouloir si Besson, scénariste du film(!), avait eu la bonne idée dintroduire un peu dautodérision et de distance, comme la fait avec beaucoup de réussite Stallone dans son récent « John Rambo ». Ceci est dautant plus dommageable (pour ne pas dire plus) que les faits quil présente sont particulièrement graves et ne peuvent pas être traités à la légère. Car difficile de traiter de sujets aussi graves que les mafias albanaises qui vivent du proxénétisme, et du commerce dhumains en qualité desclaves sexuels, dans un bon gros film daction de série Z, même pas capable de sassumer comme tel et de ne pas se prendre trop au sérieux. Et lami Besson ny va pas de main morte : Paris devient ainsi une sorte de capitale du crime organisé, où les jeunes femmes touristes se font enlever pour être mises sur le trottoir, par des vilains méchants dont font systématiquement parties les français, avec au passage (forcément !) la complicité d'une police natioale complètement corrompue et sans état d'âme (quel bel argument que les trop bas salaires dans la police pour justifier la corruption!). Avec un aplomb déconcertant et un sérieux à déplacer des montagnes, Besson nous débite ses conneries de discours assez malsain, avec un vieux relent de théorie du complot et de politique sécuritaire, trop content de pouvoir donner une image déplorable de la France et des français, ce qui devrait permettre au film de bien sexporter, confortant lopinion de pays comme les USA dans lopinion quils se font de la France et de linsécurité mondiale.
« - Si vous relachez ma fille, joublierai tout. Sinon, jai acquis des compétences qui feront de moi votre cauchemar. Je vous chercherai, je vous trouverai, et je vous tuerai.
- Bonne chance. »
Côté réalisation, Morel a bien suivi lenseignement EuropaCorp et reproduit à la lettre ce qui a déjà été vu et revu dans les « Taxi » et « Transporteur », cest à dire des grosses courses poursuites en bagnoles, des cascades, des explosions, et des scènes de combats à main nu, rapides et saccadées, où on entend bien les os se casser. Loin dêtre prodigieux, le résultat reste cependant efficace et regardable. On pourra également reprocher à Morel sa vision de Paris : si il évite la carte postale de la Tour Eiffel, il névite pas cependant les Champs-Élysées, et pire, vient renforcer dautres stéréotypes, comme laspect « zone de non-droit » donné à la Porte de Clichy. Côté direction dacteurs, là encore, Morel a bien du mal à convaincre. Il faut dire que le passage dun premier film porté par deux cascadeurs novices en tant quacteurs et une ancienne actrice porno, à un film porté par une star hollywoodienne constitue un exercice de grand écart difficile. A leur décharge, si les acteurs ne sont pas transcendants, on doit leur reconnaître le fait que les personnages sont particulièrement mal écrits, caricaturaux et basiques à souhait. Tant bien que mal, Liam Neesson tente dapporter en vain un peu dhumanité à son personnage, mais celui-ci, tellement caricatural ne peut pas être sauvé. Tout juste samusera-t-on de le voir dans un rôle physique et violent, parfaitement à contre-emploi, dans lequel il nest pas ridicule. Faisant mieux que se défendre, il aura notamment assuré lui-même la plupart des scènes de combat et de cascades. Face à lui, les autres personnages, beaucoup trop caricaturaux et primaires, nexistent pas vraiment, et les performances de Famke Janssen, Maggie Grace, et Olivier Rabourdin sont à oublier très vite. Alors que reste-t-il au final de ce « Taken » ? Pas grand chose. Une sorte dénorme navet boursouflé, incroyablement sérieux, et au discours souvent écurant. Pour autant, il faut reconnaître que bien malgré lui, le film sombre tellement dans le ridicule et le grotesque quil en devient assez risible et marrant. Un bien triste constat malgré tout. Reste également une question en suspens: qu'est venu se fourvoyer ici Liam Neesson? Besoin de payer ses impôts? Toujours est-il qu'il trouve un film qui lui ressemble, c'est à dire à rien. Il ny a plus quà espérer une chose : que Besson arrive enfin à exporter pleinement un de ses navets aux USA, histoire de satisfaire son bon gros ego surdimensionné. Peut-être retrouvera-t-il alors son goût pour les projets ambitieux et audacieux, qui lui ont permis de signer ses plus beaux succès public et critique.
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