Toi, moi, les autres
« Tu veux pas te taire, sil te plait ? Tu me fais mal à la tête »
Gab a une vie rangée : une fiancée, un mariage en préparation, une famille aisée. Leïla ne s'autorise pas de vivre la sienne : des études de droit, un petit frère turbulent, une maman partie trop tôt... Alors, lorsque Gab renverse le petit frère de Leïla, c'est le choc des mondes et le début d'une grande histoire d'amour qui va se heurter violemment à la réalité. Tina, la plus proche confidente de Leïla, est sans papiers, sous la menace d'une reconduite à la frontière et se fait arrêter. Alors que le monde de Leïla s'effondre, Gab est prêt à tout pour elle, même à s'opposer à son père, préfet de police. Qui a dit que rien n'était impossible tant qu'on a de l'amour ?
« Lamour, il ny a que ça qui compte »
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Genre de tradition purement anglo-américaine, la comédie musicale fut en vogue à Hollywood dès les années 40. Les studios ont ainsi pu sappuyer sur une langue particulièrement chantante et adaptée à ce genre, ainsi que sur le savoir faire des metteurs en scène et des chorégraphes de Broadway, de même que sur des acteurs qui, à la différence des nôtres, avaient déjà des formations particulièrement complètes, étant capables de jouer, chanter et danser, le tout avec la plus grande aisance. En France, Jacques Demy tentera bien, bon an mal an, de développer le genre. Mais malgré son enthousiasme et la présence dune pointure comme Gene Kelly à ses côtés, ses films demeureront malgré tout des sommets de kitsch, à limage des « Demoiselles de Rochefort » ou des « Parapluies de Cherbourg ». Et si rares sont les réalisateurs hexagonaux à sy être essayés depuis, la plupart des tentatives de films musicaux français ont donné lieu le plus souvent à des films ratés, frisant même parfois le grotesque (ahhh « Jeanne et le garçon formidable » !). Quatre ans après un premier film passé inaperçu (« Regarde-moi »), Audrey Estrougo se lance donc un sacré défi pour son deuxième film en acceptant de se frotter à un genre aussi casse-gueule, qui, traditionnellement, donc, réussit assez peu aux cinéastes français.
« Comme si javais des amis maghrébins ! »
Pourtant, dans lidée, il y avait quelque chose dintéressant dans le fait de traiter en musique des maux de notre société et den dénoncer les dérives. En effet, la musique adoucie les murs, dit-on. Et puis quoi de mieux que la musique, langage universel sil en est, pour rapprocher des gens de cultures différentes ? Et pour apporter un peu de légèreté à des sujets graves ? Car « Toi, moi, les autres » ne voulait pas se résumer à une simple histoire damour impossible entre deux jeunes gens de milieux socioculturels différents, façon « Roméo et Juliette » ou « West Side Story », vers qui il lorgnait tout de même ouvertement. Audrey Estrougo nourrissait ainsi de vraies ambitions pour son film, qui, au-delà de son apparente légèreté, devait lui permettre daborder des sujets difficiles et sensibles comme le racisme, les préjugés, lexclusion, ou encore de dénoncer le traitement réservé aux immigrés en situation irrégulière. Une intention louable, mais qui se devait de sappuyer sur un scénario intelligent et percutant. Il nen sera finalement rien tant celui-ci se révèle idiot et dépourvu de toute profondeur. Le pire, cest que le film se prend pourtant au sérieux, même quand il aligne les clichés les plus imbéciles (les immigrés corvéables à merci alors que le fils du Préfet est un oisif dédaigneux, lhéroïne qui parle avec laccent de la cité) et ce jusque dans les moindres détails (lautocollant royaliste dans le décor du quartier huppé). Avec ses situations caricaturales et extrêmes, son manichéisme repoussant (les gentils immigrés contre les méchants français) et ses prises de position à deux balles sur des sujets de société, on a limpression dassister à un épisode de « Plus belle la vie » de une heure et demi. Et comme un malheur narrive jamais seul, la partie musicale ne bénéficie pas de morceaux originaux écrits spécialement pour le film. Il faudra donc se coltiner les vieux standards de Michel Delpech et les insupportables chansons de Zazie. Le tout agrémenté de chorégraphies dont la maladresse tient de lamateurisme extrême. Et dire que ce film devait nous interpeler. Non seulement il nous ennuie, mais en plus il nous agace. Au plus haut point.
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