Toutes nos envies
« Vous n’avez pas à inciter madame à ne pas payer ses dettes »
Claire, Jeune juge au tribunal de Lyon, fait la connaissance de Céline, une jeune mère célibataire victime de surendettement.
Lui rappelant les problèmes de sa propre mère, elle est touchée par la situation de la jeune femme.
Décidée à agir, elle rencontre Stéphane, juge chevronné et désenchanté, qu'elle entraîne dans son combat contre le surendettement. Quelque chose naît entre eux, où se mêlent la révolte et les sentiments, et surtout l'urgence de les vivre.
« Nos clients se foutent d’être informés, ce qu’ils veulent c’est de l’argent »
On croyait sa cause perdue. Il faut dire qu’en près de vingt ans de carrière, Philippe Lioret s’est allègrement compromis dans la réalisation de drames pompeux et tire-larmes, à l’image des infâmes « L’équipier » ou « Je vais bien ne t’en fais pas ». Confondant sensibilité et guimauve, émotions et mièvrerie, l’homme s’était forgé (contre son gré ?) la réputation d’être le spécialiste français du mélodrame sirupeux et lacrymal. Et puis, en 2009, alors qu’on n’y croyait plus, il y eut le petit miracle « Welcome ». Osant pour la première fois se défaire de la naïveté de ses précédents films, Lioret s’emparait d’un vrai sujet de société controversé (les dramatiques conditions de vie des immigrés clandestins bloqués à Calais et l’application par l’Etat du délit de solidarité à l’encontre de ceux qui leur viennent en aide) au terme duquel il délivrait un bouleversant plaidoyer humaniste. Ebranlé par l’engagement du réalisateur (et de son comédien principal, Vincent Lindon), on en venait à revoir un peu les jugements qu’on avait pu émettre sur lui. Forcément très attendu, « Toutes nos envies », son nouveau film, devait permettre de confirmer (ou non) l’évolution du réalisateur vers un cinéma plus engagé et plus politique.
« Le crédit c’est la consommation et la consommation c’est le système. Et le système on y touche pas »
A première vue, le choix d'adapter le roman « D'autres vies que la mienne » (publié en 2009) de l'excellent Emmanuel Carrère, semblait très pertinent. Il faut dire qu'il offrait au réalisateur un vrai grand sujet de société – le scandale du crédit à la consommation et son corolaire, le surendettement – à même de lui permettre de poursuivre dans la voie d'un cinéma plus volontiers social et engagé. D'ailleurs, Lioret ne tarde pas à rentrer dans le vif de son sujet: à peine le temps d'introduire dès les premiers plans le personnage de la mère courage qu'il nous entraine avec elle dans la spirale infernale du surendettement. De là, il s'attaquera de front à son sujet, mettant à jour en l'espace de quelques scènes les abus scandaleux des organismes de crédit – couverts par l'Etat au nom de la sacrosainte consommation – et l'impuissance de la justice à les combattre. Virulente et sans appel, la charge trouve même son point d’orgue le temps d’un savoureux réquisitoire mené par le juge Vincent Lindon, auteur ici d’une nouvelle prestation impeccable. Et puis, alors que la croisade menée par ces deux juges idéalistes s’annonçait passionnante, Lioret abandonne brutalement son sujet principal pour démarrer un autre film, consacré à la maladie incurable de la jeune héroïne et à son issue fatale. Se sabordant lui-même, il se focalise alors exclusivement sur la relation ambigüe que l’héroïne entretient avec son collègue, et plus encore sur la relation malsaine qu’elle noue avec sa protégée surendettée qu’elle impose à sa famille comme une épouse et une mère de substitution à même de la remplacer une fois partie. Et tandis que commence la (très) longue agonie de son héroïne qui n’en finit plus de mourir, on regrette amèrement que Lioret soit retombé dans ses travers mélodramatiques, qui plombent un film qui aurait du être bien meilleur s’il avait eu la rigueur de s’en tenir à son sujet initial.
Commenter cet article