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08 Oct

Windtalkers - les messagers du vent

Publié par platinoch  - Catégories :  #Films de guerre

« Protégez le code à n’importe quel prix! »

 

Guerre du Pacifique. Suite à une embuscade où ses officiers se sont fait descendre, le Sergent Enders a vu toute son escouade se faire massacrer sous ses ordres. Blessé, sourd d’une oreille, son séjour à l’hôpital ne peut soigner son traumatisme et son sentiment de culpabilité. Un sentiment qui le pousse à demander à retourner au front. Alors que l’Armée vient de développer un nouveau code de communication radio basé sur la langue Navajo, indéchiffrable pour les japonais, Enders a pour mission d’escorter sur le terrain un radio Navajo, Ben Yazhee, de le protéger et de faire en sorte qu’il ne tombe pas aux mains de l’ennemi, quitte à le tuer, pour protéger le code. Ils se retrouvent dans une unité avec un autre tandem du même genre formé par le sergent Anderson et l’ami de Yazhee, White Horse. Mais si les deux hommes doivent face au racisme et aux préjugés de certains de leurs camarades d’armes, ils doivent aussi gérer leur relation avec leur binôme, à la fois garde du corps mais ayant également le pouvoir de les tuer dans certaines circonstances. Dans ces conditions, pas facile d’aborder son baptême du feu alors que se profile la terrible bataille de Saïpan…

 

« - Je n’avais jamais vu autant de blancs de toute ma vie !

   - Je crois qu’ils n’ont jamais vu autant de Najavo non plus ! »

 

Pathé DistributionLa seconde guerre mondiale, et plus particulièrement les batailles du Pacifique connaissent un regain d’intérêt de la part d’Hollywood. Du récent diptyque de Clint Eastwood consacré à la bataille d’Iwo Jima, composé de « Mémoires de nos pères » (2006) et du magnifique « Lettres d’Iwo Jima » (2007), à « La ligne rouge » de Malick (1998), traitant de la bataille de Guadalcanal, certains réalisateurs nous ont proposé le meilleur. Pour autant, Hollywood n’aura pas produit que de la qualité sur le sujet. On se souvient ainsi de « Pearl Harbor », de Michael Bay (2001), très – trop ? – critiqué sur le peu d’intérêt de l’histoire mais qui offrait (comme toujours chez Bay) son lot de gros effets visuels. Avec « Windtalkers – les messagers du vent », il était question de traiter de la bataille de Saïpan, et surtout de rendre hommage aux indiens Navajo, qui, dans un passage méconnu de l’Histoire, ont contribué au succès américain grâce à leur langue servant pour les transmissions et indécodable pour les japonais. La présence de John Woo aux manettes laissait cependant quelques craintes. Si ce « Windtalker » était son cinquième film américain, le réalisateur hongkongais avait jusqu’ici déçu à Hollywood, réalisant dans l’ensemble de gros nanars plus ou moins regardables tels que « Chasse à l’homme » (1993), « Broken arrow » (1996), « Volte/face » (1997), « Black Jack » (2000) et « Mission : impossible 2 » (2000). Impression renforcée depuis avec la sortie de « Paycheck » en 2004.

 

« - Qu’est-ce que tu fous là ?

   - Je suis américain. Je viens me battre pour défendre mon pays »

 

Nicolas Cage. Il y avait quelque chose d’intrigant et d’intéressant à la base de ce projet. Tout d’abord, c’était l’occasion d’évoquer un fait méconnu de l’histoire de la guerre du Pacifique, et de rendre un hommage à un peuple encore quelque peu marginalisé aujourd’hui par le gouvernement américain. C’était aussi l’occasion de voir un film de guerre retraçant une bataille gagnée par les Etats-Unis filmé par un cinéaste asiatique. Malheureusement, aucune de ces belles promesses n’est jamais tenues. La faute à un scénario bancal, à mi-chemin entre « Il faut sauver le soldat Ryan » (Spielberg – 1998) et les plus grotesques films à la gloire de l’empire Américain. Ainsi, ce sont tout d’abord les personnages qui ne vont pas. Trop caricaturaux, mal dessinés, à aucun moment il n’est possible de s’attacher à eux. Ainsi, le sergent Enders, figure sacrificielle en quête de rédemption, qui ne sait pas désobéir aux ordres et qui reprend le combat même après de graves blessures est l’archétype même de la vision du Marine idéale aux yeux des américains. Face à lui, Ben Yazhee, le Navajo, est une sorte de benêt façon « Forrest Gump », qui possède une conscience et une foi fanatique dans la citoyenneté américaine, allant jusqu’à prénommer son fils George Washington (!), et promulguant toujours les gentils et sages conseils que sa culture indienne lui a inculqué, pardonnant au passage tous les affronts et humiliations qui lui sont ou ont été faites. Leur relation est insipide, se bornant au mutisme teinté de culpabilité de l’un et aux mains tendues spirituelles de l’autre, jusqu’à la rédemption finale. Le deuxième couple sergent/Navajo interprété par Christian Slater et Roger Willie était beaucoup plus juste et crédible (bien que leur façon de s’apprivoiser rappelle trop « Délivrance » de Boorman), et aurait mérité qu’on s’intéresse davantage à eux. Par ailleurs, le scénario ne fait finalement que peu cas du code Navajo, s’intéressant plus largement aux batailles, qui reconnaissons-le sont spectaculaires. Mais là encore, quelque chose ne tient pas la route : entre les marines américains, soldats purs qui protègent et soignent la population japonaise sous leur contrôle contre leur propre armée prête à les exterminer, et l’incroyable adresse des américains qui peuvent tuer sans problèmes 30 japonais sur un seul chargeur de mitraillette, le film pue à des kilomètres la propagande à la gloire de l’Amérique. Enfin, on ne peut que s’insurger de voir que le film ne mentionne jamais la condition des amérindiens avant et après le conflit. Ceux-ci, longtemps humiliés et toujours marginalisés, sont quand même les grands oubliés de l’Histoire et leur sacrifice est resté en cela vain. Bien sûr quelques images sont là pour le rappeler (la médaille qu’on ne donne qu’au sergent Enders et pas à Yazhee, ce dernier est constamment humilié et frappé par un gros blond qui sera sauvé par le deuxième Navajo), mais on aurait aimé qu’il y ai plus de justice et de véracité dans le traitement du sujet, comme dans le « Mémoires de nos pères » de Eastwood (où on retrouve Adam Beach dans un rôle plus juste d’un indien qui une fois de retour du front retrouve sa misère), plutôt qu’une espèce d’image de glorification auto-satisfaiste de l’Amérique.

 

« - Tu penses trop.

   - C’est la première fois qu’on me le dit ! »

 

Pathé DistributionOn reste partagé devant la mise en scène de John Woo. On lui reconnaît forcément un immense talent pour la mise en image des scènes de guerre et de combat. Si on fait abstraction du nombre de japonais tués par soldat américain et de la théâtralité grotesque lors de décès de certains personnages (dans les marais au début notamment), il a véritablement du talent pour mettre en image les explosions, les batailles de tranchées, et autres mitraillages. On lui reprochera en revanche de sombrer dans un certain nombre de lieux communs inhérents au genre et qui plombent considérablement le film. On évite ainsi rien des hommes qui meurent un à un dans les marais au départ en rappelant tout haut avant de mourir la culpabilité de Enders (dommage car la scène de guerre en soit est vraiment très bonne), ni du cliché de l’infirmière amoureuse qui attend en vain son homme blessé, ni des conversations « profondes » entre les hommes de l’escouade (genre « -qu’est-ce que vous ferez après ? – je deviendrais professeur pour m’occuper des enfants » ou encore « tu donneras cette alliance à ma femme si je devais mourir » prononcé par un personnage qui meurt deux scènes plus tard), des clichés sur les indiens (qui jouent de la flûte, ont un sens des vraies valeurs et font des cérémonies à Monument valley, comme tout le monde le sait), ou encore de l’éternelle morale américaine finale. La direction d’acteurs reste bonne si on tient compte que les personnages sont écrits de manière caricaturale. Certains auraient mérité plus de place et leurs interprètes sont d’ailleurs la grosse satisfaction du film : Mark Ruffalo, Roger Willie, ou Christian Slater. La déception vient finalement de Nicolas Cage, pourtant bon acteur, mais qui ne sait pas choisir ses rôles (on se souvient dernièrement de bouses comme « Next » ou « Ghost rider »). Du coup il surjoue en permanence renforçant le sentiment de caricature. Il en va de même pour le trop lisse Adam Beach.

 

« - Je ne veux pas mourir dans ce putain de trou

   - Tu ne mourras pas. Personne ne va mourir. Il y a déjà eu trop de morts… »

 

Christian Slater. Pathé DistributionAlors, finalement, que penser de ce « Windtalker » ? Annoncé comme relatant l’utilisation de la langue et de la culture Navajo pour coder les transmissions américaines pendant la guerre, le film passe finalement à côté de son sujet pour n’être en fait qu’un film de guerre classique. Les amateurs du genre trouveront de scènes de batailles impressionnantes, mais un scénario écrit avec les pieds et jouant profondément sur la fibre patriotique américaine finissent par dégoûter du film plus qu’autre chose. Grosse déception.



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B
Vu comme ça, je n'ai pas de raison d'aller voir une propagande de plus. Merci bien !
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