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26 Feb

Zabriskie Point

Publié par platinoch  - Catégories :  #Drames

« Je suis prêt à mourir moi aussi. Mais pas d’ennui »

 

Los Angeles, 1969. La contestation grandit dans les milieux universitaires. Marc, un jeune homme solitaire, est prêt à mourir pour la révolution, à condition de mener des vraies actions armées. Révolté par les arrestations arbitraires, il achète un revolver. Témoin d’une fusillade au cours de laquelle un jeune étudiant noir est abattu sans raison valable, il s’apprête à faire feu sur un des policier. Mais ce dernier s’écroule avant qu’il n’ai eu le temps de tirer, sous les coups de feu d’un autre. Ayant peur d’être accusé à tort de ce meurtre, Marc décide de fuir. S’introduisant sur un aérodrome, il vole un petit avion et s’enfuit dans le désert. Une fois posé au milieu de nulle part, il fait la connaissance de Daria, une jeune et jolie secrétaire, ralliant LA à Phoenix via le désert pour y rejoindre son patron. Charmée par l’anti-conformisme du jeune homme, elle accepte de faire la route avec lui…

 

« La loi permet de protéger sa maison, alors un conseil : si vous tuez quelqu’un, ne laissez pas trainer le corps dehors, rentrez-le à la maison »

 

On ne peut plus en phase avec son époque, « Zabriskie Point », sorti sur les écrans en 1970, restera pour toujours un film contestataire et libertaire culte, au même titre que « Easy riders » de Dennis Hopper. Signé du maître italien Michaelangelo Antonioni (« La dame sans camélia », « L’avventura », « Blow up », « Profession : reporter »), connu pour ses idées très ancrées à gauche, ce « Zabriskie point » sera son unique film entièrement financé par des capitaux américains. Néanmoins, le tournage de ce film, perçu comme provocateur par le gouvernement de Nixon et par la frange conservatrice américaine, provoquera de nombreux incidents : le tournage sera ainsi troublé à plusieurs reprises par des manifestations de pro-Nixon, ainsi que par des descentes de police, le FBI étant chargé en outre de ficher tous les participants du film. Dans certaines régions désertiques, la rumeur rattrapera le tournage du film, et les autorités refuseront parfois d’apporter leur soutien au tournage. Les péripéties d’Antonioni ne s’arrêteront pas là, puisque la MGM, qui produisait le film, lui imposera des coupes et une fin totalement différente de celle qu’il aurait voulu. La fin originale, devait se finir moins dramatiquement et de manière plus provocatrice et subversive, le héros devant survoler Los Angeles avec une banderole accrochée à son avion portant l’inscription « Fuck you America ».

 

« - La radio a annoncé le vol d’un petit avion sur un aérodrome de Los Angeles. C’était vous ?

   - J’avais envie de me promener ! »

 

Soyons honnête, ce « Zabriskie point » a quand même beaucoup vieilli, et sans être « ringard », sa vision protestataire de la liberté est quand même très ancrée dans la psychédélie de la période beatnik. Car c’est bien là de liberté qu’il s’agit. Sorte d’anti-« Into the wild »,  Antonioni nous livre une vision contestataire et de rejet envers une société dominée par l’argent, l’ordre, et le consumérisme. Une société futile et déshumanisée symbolisée par la ville, sorte de jungle de béton austère, inhumaine et laide, dominée par la violence, l’ordre, et l’injustice (ségrégation, les forces de l’ordre tirent sur les protestataires d’autant plus facilement s’ils sont noirs) imposée par le pouvoir et l’argent. Seul échappatoire possible pour les derniers idéalistes en quête de liberté : le désert. Sauvage, encore naturel, sans habitants où presque (les seuls habitants – les gens d’un village peu accueillant envers les étrangers, ou encore un flic qui passent et qui amène avec lui une forme de panique), il est le dernier lieu hédoniste, où l’homme peut encore vivre et aimer librement et sans contraintes. Le retour à la civilisation, qui sera fatal au héros, est en cela le parfait symbole d’intolérance envers ceux qui pensent et agissent différemment, et qui en se refusant à entrer dans le moule social, risque de semer le trouble et d’entraver la bonne marche du système. Mais « Zabriskie point » est aussi une belle histoire d’amour, sorte de vision fantasmée et moderne d'Adam et Eve, aussi libre que sensuelle, entre deux êtres en marge et en quête de liberté.

 

« -    Veux-tu venir avec moi ?

-         Où ça ?

-         Là où je vais

-         Est-ce que tu me le demandes réellement ?

-         Est-ce que tu me réponds réellement ? »

 

Cette quête de liberté omniprésente dans le scénario se ressent aussi dans la forme du film. Car Antonioni se réinvente ici un langage cinématographique, rejetant volontairement la plupart des conventions. Ceci se fait d’abord dans le scénario, où le réalisateur ne s’encombre pas de détails et prend des libertés invraisemblablement, comme par exemple l’extrême facilité avec laquelle Mark vole un avion, où même avec le fait qu’il sache le piloter. Antonioni prend également une grande liberté en terme de mise en scène, jouant volontairement l’épure : le film contient ainsi de grandes plages de silence, et des ruptures narratives importantes (comme le coup de l’explosion finale). En outre, il se permet de détourner pas mal de classiques hollywoodiens à travers quelques scènes, comme celle de l’avion qui vient chahuter la voiture en plein désert et qui n’est pas sans rappeler le très Hitchcockien « La mort aux trousses ». Antonioni apporte aussi beaucoup de soin à l’esthétique visuelle de son film, n’hésitant pas à rajouter des scènes fantasmées, comme ces corps recouverts de poussières qui font l’amour en même temps que les deux personnages centraux dans le paysage désert de Zabriskie Point, ou dans l’explosion répétitive de la maison high-tech du patron de Daria, avec tout un tas de produits manufacturés (réfrigirateur, téléviseurs, aliments) qui explosent également. Peut-être un peu ridicules ou clichées aujourd’hui, ces images se retrouvent pourtant mise en valeur par la musique. Et là encore, Antonioni a choisi une bande musicale des plus électriques, rebelles et correspondant à cette époque, puisqu’elle est signée par Pink Floyd. Sans être excellente, la prestation des deux comédiens est assez bonne, sensation renforcée à l’écran par leur beauté là aussi hors des standards. Mark Frechette a ainsi quelque chose d’un James Dean dans son attitude et dans sa beauté fragile. Comble du sort, son destin sera tout aussi tragique, puisque enrôlé aussitôt dans une secte, il fera un braquage de banque raté avec une arme non-chargée à Boston et sera condamné à 15 ans de prison, où il mourra assez vite. Face à lui, Daria Halprin, dont ce sera la deuxième et avant-dernière apparition à l’écran, brille par sa beauté incendiaire.

 

« - Ne prends pas de risques inutiles en rendant cet avion. Sois prudent.

   - J’aime prendre des risques »

.

 Unique film totalement américain et pourtant film le plus anti-hollywoodien d’Antonioni, « Zabrikie point » reste aujourd’hui une œuvre culte de la période contestataire américaine de la fin des années 60. Un aspect contestataire particulièrement virulent, qui n’aurait probablement pas pu être exprimé aussi fortement pas un réalisateur américain. Cette vision assez hippie et  dramatique d’Adam et Eve bénéficie de la mise en scène pleinement anticonformiste et créative du maître italien. Pourtant, malgré une certaine forme de poésie visuelle, le film, un peu surrestimé, prend trop souvent des tournures de trip expérimental et psychédélique qui semblent un peu trop suranné et ennuyeux aujourd’hui pour pleinement convaincre et retenir pleinement l’attention. A voir, en témoignage d’une époque et pour l’exercice de style qu’il représente.

  



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