14 heures
Un grand merci à ESC Conseils pour m’avoir permis de découvrir et de chroniquer le DVD du film « 14 heures » de Henry Hathaway.
« Tout le monde m’étouffe, j’en ai assez ! »
L’agent de police Charles Dunningan effectue sa ronde quotidienne dans les rues de New-York lorsqu’il apperçoit un homme en équilibre sur la corniche du dix-huitième étage d’un gratte-ciel. Comprenant qu’il s’agit d’un candidat au suicide, Dunningan engage la conversation afin de dissuader le désespéré de commettre l’irréparable. Petit à petit, tandis que les secours se mettent en place, les curieux se rassemblent, et télévisions et radios déploient de gros moyens pour couvrir l’évènement...
« Qu’il saute et qu’on en finisse. Il bloque tout le quartier, c’est pas bon pour les affaires. »
Né en 1898 au sein d’une famille d’aristocrates belges installés en Californie après avoir échoué à acheter les îles Hawaii pour la couronne belge, Henry Hathaway nait presque en même temps que le Cinéma. D’ailleurs, sa vie sera intimement liée à l’histoire du Septième Art. En effet, le jeune Hathaway débute en tant qu’acteur à l’âge de 10 ans, en 1908. Après quelques apparitions au cours des années 10 devant la caméra, la Première Guerre Mondiale vient mettre sa carrière entre parenthèses. De retour du front, il retrouve Hollywood au début des années 20 où il exerce alors divers emplois de technicien, acquérant ainsi les bases du métier. Très vite repéré, il monte rapidement en grade et devient assistant-réalisateur, notamment au côté de Victor Flemming. Mais il faut attendre 1932 et l’avènement du parlant pour le voir diriger ses premiers films. Ce sera pour lui le début d’une longue et prolifique carrière (plus de 60 films réalisés sur près de 40 ans), résolument placée sous le signe de l’éclectisme. S’il signe l’un de ses plus fameux succès avec la fable romantique et surréaliste « Peter Ibbetson » (1935), Hathaway avouera cependant une prédilection pour les westerns et les films noirs, genres dans lesquels il signa quelques-uns de ses meilleurs films (« Le carrefour de la mort », « L’attaque de la malle-poste », « Appelez North 777 », « Niagara » avec Marylin Monroe, « Le jardin du diable » ou encore « Cent dollars pour un shérif » avec John Wayne). En cette année 1951 qui compte parmi les plus fastes de sa carrière, Henry Hathaway réalise pas moins de quatre films : un western avec « L’attaque de la malle-poste », un film de guerre avec « Le renard du désert », un film d’espionnage avec « Courrier diplomatique » et un drame à suspens avec « 14 heures ». Ce dernier, inspiré d’une histoire de Joel Sayre, fut d’abord proposé à Howard Hawks avant de revenir à Hathaway.
« Dans la vie, j’ai une philosophie : même les choses les plus horribles nous apportent quelque chose »
Avec « 14 heures », Hathaway signe un drame de l’intime. Celui d’un homme au bout du rouleau qui se retrouve prêt à faire le grand saut à 18 étages au dessus du vide. Sautera-t-il ? C’est à partir de cette idée scénaristique assez minimaliste que le réalisateur imagine un face-à-face psychologique sur le fil entre un personnage suicidaire et son ange-gardien qui tentera de la ramener à la raison. En tout état de cause, il fallait bien là tout le talent de réalisateur du grand Hathaway, qui, sans temps mort et sans afféteries, parvient à tirer le meilleur parti de cette histoire a priori simple et à maintenir une tension dramatique et un suspense au cordeau pendant près de 90 minutes. A l’évidence, le cinéaste bénéficie d’un scénario efficace et bien écrit, qui ménage des rebondissements psychologiques efficaces et qui suit jusqu’au bout une ligne humaniste chère au cinéaste. On y retrouve d’ailleurs les principaux archétypes des héros d’Hathaway, qu’il s’agisse de l’antihéros cabossé et faillible ou du brave idéaliste. Mais au fond, l’essentiel du film se joue peut-être ailleurs, et notamment dans le portrait qu’Hathaway dresse de la société américaine. Une société déshumanisée et dénuée d’empathie qui assiste à ce drame humain comme à un spectacle, sous le regard complice et voyeuriste des médias en quête de sensationnel. Certains même iront jusqu’à souhaiter un suicide rapide, considérant que cet évènement empêche leurs affaires de prospérer. Au milieu de cette foule des secours et des spectateurs lambdas filmés de façons quasi documentaire, et dont on suit avec délectation les sous-intrigues secondaires (une femme en instance de divorce, des chauffeurs de taxi qui prennent les paris sur l’issue de l’évènement, un jeune couple qui se forme), on reconnaitra quelques jeunes acteurs débutants qui signent ici leurs débuts devant la caméra, tels Grace Kelly, John Cassavetes ou encore Jeffrey Hunter. Mais c’est sans aucun doute la performance de Paul Douglas, dans son rôle de policier humain et altruiste, qui vampirise le film jusqu’à sa dernière minute. Pour la petite histoire, une première fin « pessimiste » avait été initialement tournée avant que le producteur du film ne perde sa propre fille dans des circonstances similaires. De quoi le pousser à exiger une nouvelle fin, « optimiste », sous peine de ne pas sortir le film. Un choix qui peut paraitre discutable mais qui permet au final à Hathaway de signer une jolie fable humaniste.
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Le DVD : Le film est présenté en version restaurée HD, en version originale américaine avec sous-titres optionnels français. Côté bonus, il est accompagné de « 14 heures : un pied dans le vide » (8 min.), présentation du film par Jean-François Rouger, Directeur de la programmation à la Cinémathèque Française.
Edité par ESC Conseils, « 14 heures » est disponible en DVD depuis le 6 juillet 2016.
Le film fait partie de la Collection « Hollywood Legends Premium », qui compte également les titres « Le fleuve sauvage » et « Panique dans la rue » d’Elia Kazan, « Courrier diplomatique » de Henry Hathaway, « La maison de bambou » de Samuel Fuller, « L’homme qui n’a jamais existé » de Ronald Neam ou encore « Le voyage fantastique » de Henry Koster, tous édités avec de nouveaux masters HD.
Le DVD de « 14 heures » est disponible ici.
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