Georgia
Un grand merci à Rimini Editions pour m’avoir permis de découvrir et de chroniquer le DVD du film « Georgia » de Arthur Penn.
« Nous sommes des travailleurs. Tu me fatigues avec tes rêves impossibles. Je suis fatigué et de dois aller au travail. C’est ça l’Amérique. »
Etats-Unis, début des années 60. Trois amis, Danilo, David et Tom sont amoureux de la même femme, Georgia. Ils sont jeunes, étudiants, et l’avenir est plein de promesses. Dans les années qui suivent, ils vont, chacun de leur côté, connaître des joies, des drames, des désillusions, tandis que l’Amérique va vivre une incroyable décennie, entre flower power et guerre du Vietnam, libération des mœurs et mouvement des droits civiques, assassinat de Kennedy et la découverte des drogues dures.
« Tu es un lâche. Tu veux te cacher de la vie mais la vie te trouveras. Et elle va te broyer. »
Enfant des classes populaires de la côte est, Arthur Penn se destinait à devenir horloger, comme son père. Jusqu’à ce qu’il découvre le théâtre au collège. S’il considère dans un premier temps cette activité comme un exutoire à ses problèmes familiaux, celle-ci se transforme rapidement en une véritable passion. Il fait ses débuts de metteur en scène durant la seconde guerre mondiale où, enrôlé au sein de l’armée américaine, il monte des spectacles de divertissement à l’attention des troupes stationnées en Angleterre. De retour à la vie civile, il se passionne pour le cinéma et étudie ainsi la mise en scène. Toutefois, c’est à la télévision qu’il débutera sa carrière, réalisant durant plusieurs années de nombreuses dramatiques. Il fera ensuite un détour par Broadway où il mettra ses talents à profit au théâtre avant de pouvoir réaliser son premier film pour le cinéma en 1958 (« Le gaucher » avec Paul Newman). Mais très vite, Penn se heurte à l’autorité des studios qui tentent tant bien que mal de refreiner ses idées progressistes et de brimer ses désirs de liberté artistique. Il faut attendre la fin des années 60 et son « Bonnie and Clyde » produit par Warren Beatty pour que le cinéaste jouisse d’une pleine liberté créative. Considéré à l’époque comme subversif, le film marque les débuts du Nouvel Hollywood. S’en suivront des grands films qui connaitront des fortunes diverses : « Little big man », « Alice’s restaurant » ou encore le western « Missouri breaks ». En 1981, il tourne « Georgia », sur un scénario original et en partie autobiographique signé de l’auteur et romancier Steve Tesich, fraichement auréolé de l’Oscar du Meilleur scénario pour « Breaking away » de Peter Yates deux ans plus tôt.
« Les guerres s’arrêteront le jour où l’on se rendra compte que la Terre n’est qu’une ponctuation, un simple point dans le grand poème de l’univers. »
A l’instar de la célèbre chanson de Ray Charles - qui sert ici de support musical au film - le « Georgia » d’Arthur Penn est une balade jazzy et nostalgique. Une célébration élégiaque et tragique de la jeunesse dans ce qu’elle a de plus pure et d’utopiste. Arthur Penn filme ainsi ses personnages au moment où commence leur vie d’adulte. L’âge de tous les possibles et des décisions cruciales. L’âge des premières désillusions également. Pour son héros, Danilo, il s’agira de prendre son destin en main pour échapper à la difficile condition ouvrière de ses parents. Mais ses choix ne seront pas toujours en adéquation avec la belle et insaisissable Georgia, l’amour de sa vie. Une jeune femme légère et amoureuse de l’amour, qu’il ne cessera de croiser sur son chemin mais qui refusera obstinément toute forme de conventions, synonymes selon elle d’entrave à sa liberté. Mais ce sympathique et touchant chassé-croisé amoureux est surtout l’occasion pour le cinéaste d’une réflexion sur le mythe du rêve américain à l’aune des grandes mutations sociétales des années 60 et 70. A ce titre, le personnage très symbolique de Danilo, fils d’immigrés yougoslaves issus de la classe populaire venus s’installer dans une ville sidérurgique de la « Rust belt » renvoie l’Amérique à ses vieux démons et à ses propres contradictions : racisme, violence, intolérance, souffrance, ascenseur social en panne, sclérose des castes supérieures qui refusent toute ouverture vers le peuple... Arthur Penn signe là une chronique sociale particulièrement acerbe et mordante, brocardant notamment la déliquescence d’un système en bout de course. Le rêve américain s’est ainsi transformé en une amère réalité, une désillusion qui poussera les parents de Danilo à entreprendre le chemin inverse, celui d’un retour au pays pourtant loin d’être idyllique afin de fuir une existence devenue harassante. Quant à Danilo, il devra s’affranchir - littéralement - du poids de son passé (en brûlant la malle de ses parents, qu’il traine tout au long du film comme un boulet), pour envisager la possibilité du bonheur. Bien qu’imparfaite, Penn signe là une jolie fable humaniste et désenchantée sur l’Amérique contemporaine.
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Le DVD : Le film est présenté en version originale américaine (2.0) ainsi qu’en version française (2.0). Des sous-titres français sont également proposés.
Côté bonus, le film est accompagné de « Georgia, une jeune américaine » (35 min.), présentation du film par Antoine Sire, auteur de « Hollywood, la cité des femmes ». Un livret 12 pages « Georgia, ou la rencontre de Arthur Penn et de Steve Tesich » par Antoine Sire est également inclus.
Edité par Rimini Editions, « Georgia » est disponible en DVD depuis le 28 mars 2017.
La page Facebook de Rimini Editions est ici.
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