Chez nous
Un grand merci à Le Pacte pour m’avoir permis de découvrir et de chroniquer le DVD du film « Chez nous » de Lucas Belvaux.
« On ne se bat jamais pour des idées. On se bat pour ceux qu’on aime »
Pauline, infirmière à domicile, entre Lens et Lille, s’occupe seule de ses deux enfants et de son père ancien métallurgiste devenu malade des suites de ses conditions de travail.
Dévouée et généreuse, tous ses patients l’aiment et comptent sur elle. Profitant de sa popularité, les dirigeants d’un parti extrémiste vont lui proposer d’être leur candidate aux prochaines municipales.
« Hier on disait haut et fort ce qu’ils n’osaient pas dire. Maintenant on est là pour libérer leur parole. Exploser les tabous de la pensée unique »
Né au cœur de l’industrieuse Wallonie, le belge Lucas Belvaux grandit dans un milieu où on le sensibilise très tôt à la politique, en lui inculquant les valeurs sociales et l’importance des combats syndicaux. Un enseignement qui le marquera durablement. Toutefois, aspirant à devenir comédien, Belvaux fugue à dix-huit ans pour rallier Paris en auto-stop où il souhaite tenter sa chance. Et le succès est vite au rendez-vous : après un premier rôle dans « Allons z’enfants » d’Yves Robert en 1980, il enchaine les collaborations tout au long des années suivantes chez les cinéastes les plus réputés du moment. Il apparait ainsi chez Losey (« La truite »), Zulwaski (« La femme publique »), Rivette (« Hurlevent ») ou Missaien (« Ronde de nuit »). Mais c’est sans doute chez Chabrol, dans « Poulet au vinaigre » d’abord puis dans « Madame Bovary » que son allure de jeune premier sera le plus remarquée. Mais très vite, Belvaux se lasse de la comédie qu’il délaisse progressivement pour se consacrer à la réalisation. Après deux essais passés inaperçus (« Parfois trop d’amour », « Pour rire ! »), il est salué en 2003 pour sa trilogie « Un couple épatant » / « Cavale » / « Après la vie ». S’en suivront une série de films (et de téléfilms) à résonance sociale (« La raison du plus faible », « Rapt », « Pas son genre »). Il revient avec « Chez nous », son dixième long métrage, inspiré du roman « Le bloc » écrit en 2011 par Jérôme Leroy, qui traitait de façon fictive d’un parti d’extrême-droite.
« Changer de stratégie, c’est pas changer d’objectif »
Sorti en plein milieu de la campagne présidentielle française de 2017, le film a suscité de vives polémiques. Et pour cause, il s’intéresse au fonctionnement d’un parti d’extrême-droit fictif, le « Bloc patriotique » - dont la ressemblance avec un parti bien connu du paysage politique français ne saurait être totalement fortuite - de sa stratégie de communication à ses méthodes d’implantation locale. En l’occurrence, le film prend pour décor une petite ville fictive (ou presque) du bassin minier du nord de la France, en proie à une grande précarité sociale : chômage de masse, anciens ouvriers malades, pauvreté, délinquance, insécurité, immigration... Autant de problèmes que les politiciens de tous bords n’ont pas su gérer et qui se sont transformés au fil des années en une véritable poudrière, faisant de cette ville un terreau idéal pour le développement des populistes de tous bords. Sans jamais porter de jugement sur ces personnages, Belvaux filme avec précision l’évolution sociale d’une ville traditionnellement de gauche sur le point de basculer à l’extrême-droite. Et plus particulièrement ce sentiment d’abandon, doublé d’un ras-le-bol collectif, qui pousse des gens « ordinaires » à se jeter dans les bras des populistes. Souvent plus par opportunité ou par défiance que par véritable adhésion. Avec beaucoup d’acuité, le cinéaste nous montre également les différentes formes de l’extrême droite : celui, policé, des notables et des communicants qui offrent un vitrine respectable au parti, et celui violent et haineux, des groupuscules fascistes qui, historiquement, formaient les deux faces d’un même visage. Mais la force de la démonstration de Belvaux réside avant tout dans son parti réaliste. Ce sont ainsi des gens ordinaires et censés - et non des « beaufs » ou des nazis - qui se laissent convaincre et franchissent le pas du militantisme d’extrême-droite. Ici une infirmière, là une enseignante. Des gens du peuple qui participent de fait à la banalisation du mouvement. Le cinéaste ne signe pas là un film partisan mais cherche à comprendre et à analyser les mécanismes qui mènent l’extrême-droite à croitre de façon exponentielle depuis une quinzaine d’années. Ne se posant jamais en donneur de leçon, il met cependant en garde en rappelant - dans un terrible final - que l’extrême-droite constitue un chemin dont on ne sort jamais totalement indemne. Une partition difficile mais extrêmement subtile, portée par des comédiens au diapason.
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Le DVD : Le film est présenté en version originale française (5.1 et 2.0) ainsi qu’en audiodescription. Des sous-titres français pour malentendants sont également disponibles.
Côté bonus, le film est accompagné d’un entretien avec Lucas Belvaux et Guillaume Gouix.
Edité par Le Pacte, « Chez nous » est disponible en DVD ainsi qu’en blu-ray depuis le 12 juillet 2017.
Le site Internet de Le Pacte est ici. Sa page Facebook est ici.
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