Les inconnus dans la maison
Un grand merci à Gaumont pour m’avoir permis de découvrir et de chroniquer le DVD du film « Les inconnus dans la maison » d’Henri Decoin.

« Je viens de trouver un macchabé chez moi. Il est encore chaud. Je vous donne de quoi vous divertir. »
Hier avocat célèbre, maître Hector Loursat de Saint-Mars vit retiré dans sa vaste demeure et a sombré dans l’alcoolisme. Abandonné par son épouse, il ne s’est pas occupé de sa fille, Nicole. Une nuit, une détonation retentit dans la maison. Hector voit une ombre s’enfuir et découvre le cadavre d’un homme dans son grenier. La victime est un repris de justice du nom de Gros-Louis. Nicole et les jeunes gens qu’elle fréquente sont interrogés par les enquêteurs…
« Je suis désolé pour vous mais il est impossible d’étouffer une affaire dans laquelle il y a un mort »

Ancien sportif olympique devenu journaliste, Henri Decoin se retrouve à écrire pour le théâtre avant de bifurquer finalement (et définitivement) vers le cinéma à l'aube des années 30, profitant de l'avènement du cinéma parlant qui permet à une nouvelle génération de réalisateurs d'émerger. S'il enchaine les films avec une certaine boulimie, il doit néanmoins en partie sa renommée à sa relation avec l'actrice Danielle Darrieux, jeune première de vingt-sept ans sa cadette alors considérée comme la petite fiancée du cinéma français et qu’il dirige alors dans presque tous ses films. Mais tandis que la France perd la guerre et se voit envahir par l'occupant allemand, Decoin fait partie des quelques cinéastes qui acceptent ouvertement de tourner pour la Continental Films, société de production française à capitaux allemands. C’est ainsi qu’il tourne en 1942 « Les inconnus dans la maison », deuxième des trois films - après « Premier rendez-vous » et avant « Mariage d’amour » - qu’il tournera pour la firme allemande.
« C’est mon fils. Il a l’air malin en habits militaires, mais dans le civil c’est un idiot »

Adapté d’un roman de Georges Simenon, « Les inconnus dans la maison » marque un tournant dans la carrière de Decoin. En effet, s’il était jusqu’ici plutôt habitué aux comédies (« Mademoiselle ma mère », « Battement de cœur »), le film marque sa première véritable incursion dans le registre du drame. Sur le papier, « Les inconnus dans la maison » pourrait n’être qu’un simple whodunit façon Agatha Christie. Mais le film est bien plus complexe que cela : à travers le portrait d’un avocat désabusé qui tente de redevenir l’éminent magistrat qu’il état, il traite d’une certaine bourgeoisie provinciale dont il dénonce les mœurs (étroitesse d’esprit, cynisme, curiosité malsaine, peur du qu’en-dira-t-on) et les pratiques douteuses (impression que la justice est faite par et pour les notables). Mais compte tenu du contexte politique d’alors (occupation de la France par l’Allemagne, collaboration...), le film prend une toute autre dimension, pour le moins douteuse (pour ne pas dire équivoque). Comme si au fond il était ici question de faire un réquisitoire contre la société française (élites défaillantes, jeunesse mal dirigée et livrée à elle-même) et sa responsabilité dans la défaite de 1940. Et comme par hasard, le coupable de l’affaire n’est autre qu’un jeune juif à la représentation très caricaturale (tant sur le physique de son interprète que dans son caractère fourbe). Un film étrange, dont le visionnage rend par moment assez mal à l’aise, mais qui reste traversé par la brillante interprétation de Raimu. A noter que le réalisateur, qui se spécialisera par la suite dans le drame, adaptera encore à deux reprises des œuvres de Simenon avec « L’homme de Londres » (1943) et « La vérité sur Bébé Donge » (1951).

**
Le DVD : Le film est présenté en version restaurée dans un Master Haute-Définition, en version originale française (2.0) ainsi qu’en audiodescription. Des sous-titres français pour malentendants et anglais sont également disponibles.
Côté bonus, le film est accompagné de « La Plaidoirie polémique » : Documentaire inédit de Roland-Jean Charna avec la participation de Claude Gauteur (Simenon et le cinéma) et Christine Leteux (Continental films : cinéma français sous contrôle allemand).
Edité par Gaumont, « Les inconnus dans la maison » est disponible en DVD ainsi qu’en blu-ray depuis le 15 mai 2019.
Le site Internet de Gaumont est ici. Sa page Facebook est ici.
Commenter cet article