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24 Jun

Faussaire

Publié par platinoch  - Catégories :  #Biopics

« Ne me corrige pas, tu n’es pas si parfait »

 

On connaît bien le cinéma du réalisateur Lasse Hallström, metteur en scène suédois qui officie à Hollywood depuis une quinzaine d’années déjà. S’il est capable du meilleur (« Gilbert Grape », en 1993, avec les jeunes Johnny Deep et Leonardo Di Caprio, rien de moins !), comme du pire (« Le Chocolat » en 2001, « Une vie inachevée » en 2006), on sait qu’on retrouve assez souvent le même problème dans ses histoires, à savoir des sujets qui se veulent originaux et qui ne le sont pas, et surtout une fâcheuse tendance à ne pas exploiter le peu d’originalité que ses histoires pourraient receler. En outre, il oublie souvent de laisser parler sa propre originalité et sa propre créativité dans des mises en scènes et des bons sentiments trop bien appliqués. La sortie de ce « Faussaire » semblait donc marquer un renouveau dans la filmographie du cinéaste scandinave, tant le thème de celui-ci se différenciait de ce qu’il avait pu faire par le passé. Si ce n’est pas son premier biopic (il a réalisé sa version de « Casanova »), ce film s’annonçait intéressant à plusieurs niveau : d’une part par l’originalité du personnage, auteur raté et mythomane qui a réalisé le plus gros canular de l’histoire littéraire américaine du siècle dernier. D’autre part, le poids, même relatif, de sa fausse « autobiographie autorisée » d’Howard Hughes, a quand même eu des répercussions dans une période politique agitée aux Etats-Unis. En cela, le regard d’un européen sur ces faits était aussi quelque chose d’intéressant. Enfin, il est question dans l’histoire de Howard Hughes, personnage énigmatique a la personnalité des plus complexes, qui a déjà fait l’objet d’un biopic (le très bon « Aviator » de Scorsese avec Di Caprio), et qu’il est toujours intéressant de voir évoquer. Impressions à chaud.

 

« Il ne sortira jamais de sa tanière pour me dénoncer, ce type est cinglé »

 

L’histoire :

 

Etats-Unis, 1971. Clifford Irving est un auteur raté. Tous les romans qu’il propose aux éditeurs ne sont jamais publiés. Un jour, il a une idée de génie : écrire la biographie du milliardaire le plus célèbre et le plus énigmatique de l’histoire des Etats-Unis, Howard Hughes. L’homme qui a lancé l’industrie aéronautique américaine est atteint d’une certaine forme de folie et vit reclus dans un endroit caché depuis des années. Il n’en est jamais sorti ni ne s’est exprimé publiquement depuis si longtemps que plus personne ne sait exactement où il vit. Partant de cette constatation, Irving manigance, faux à l’appui, tout un stratagème invérifiable, portant à croire que Hughes l’a désigné comme auteur de son autobiographie autorisée. La nouvelle est tellement sensationnelle que les éditeurs n’hésitent pas à payer grassement pour en obtenir la primeur. Entraînant dans sa combine sa femme et son meilleur ami, Irving doit gérer la pression permanente autour de ce projet en inventant des mensonges toujours plus gros, et en tentant des coups de bluff, au point de croire peu à peu à ses propres mensonges. Et comme toujours dans ces cas-là, plus le mensonge est gros, plus dure est la chute. D’autant qu’en fouillant dans le passé de Hughes, Irving y trouve des liens financiers occultes avec le président Nixon, dont l’Administration se méfie de plus en plus de son ouvrage.

 

« Mentir me donne la migraine »

 

C’est à un film assez peu ordinaire que nous avons droit avec ce « Faussaire ». En effet, réalisé un peu à la manière des « Hommes du président » de Alan J. Pakula (1976), dont la trame, du moins historico-politique est sensiblement le même, c’est-à-dire avec un travail en arrière-plan d’investigations, de découvertes, de témoignages, pour finalement ébranler la classe politique. Mais là où le film porté par Dustin Hoffman et Robert Redford était purement politique et journalistique, le film de Hallström s’intéresse également à la personnalité étonnante d’un personnage hors du commun, puisque capable de mentir et de bluffer au point de mener le plus gros canular littéraire du siècle, prenant quelques millions de dollar au passage. Et en ce sens, la psychologie de Irving offre un spectacle assez intéressant, tantôt manipulateur, tantôt bluffeur, tantôt mythomane, tantôt convaincu de la véracité de ses propres mensonges, et dans tous les cas toujours sur la fil.

 

« Il m’a offert un pruneau »

 

Malheureusement pour lui, le film souffre quand même de quelques lacunes. Ainsi, la mise en scène reste assez peu inspirée, Hallström s’évertuant à recréer dans les moindres détails la mode de l’époque plutôt que d’apporter un peu de personnalité et de vigueur à une réalisation bien mollassonne. Ainsi, il nous gratifie de nombreuses scènes où Gere s’identifie à Hughes, aussi bien physiquement que dans son délire psychologique, mais ces scènes sont placées de manière un peu redondantes et sans apporter grand chose de constructif au film. On pourrait dire qu’elles sont là pour faire jolies. De même, le personnage assez lâche de son meilleur ami est dans l’ensemble trop caricatural pour apporter un réel relief à l’entreprise énorme que nos héros mènent. Le film pèche par ailleurs par un manque cruel de rythme, Hallström enchaînant des passages riches en rebondissements et en exaltation pour nos deux héros, et des passages tournant plus à vide, qu’il aurait été bon de réduire.

Enfin, et ce n’est pas la faute de Hallström, il se perd dans une foultitude de détails qui, à moins de connaître parfaitement cette partie de l’histoire américaine, risque de désarçonner des spectateurs pas forcément connaisseurs.

 

« - Que ferait Howard Hughes dans une telle situation ?

   - Il achèterait une compagnie aérienne ! »

 

De manière générale les interprètes sont assez moyens. Richard Gere trouve ici un rôle assez consistant comme il n’en avait pas eu depuis pas mal de temps. Mais à ses côtés, les autres comédiens restent quand même assez en marge. Alfred Molina surjoue son rôle de gentil con gaffeur et lâche, Marcia Gay Hayden semble un peu à côté de ses pompes tant jamais elle n’est effleurée par l’enjeu risqué de la démarche de son compagnon. Les autres personnages sont assez anecdotiques, Julie Delpy n’apparaissant que quelques minutes. Dans les personnages secondaires, Hope Davis se démarque par sa grande justesse.

 

Pour conclure, Lasse Hallstrom nous revient avec un film assez inhabituel pour lui, un biopic sur Irving, l’homme qui a réalisé le plus gros canular littéraire des Etats-Unis. Personnage complexe et hors norme, traitant d’un personnage et d’une période particulièrement trouble politique aux USA, cette histoire incroyable et même improbable étonne d’autant plus qu’elle est vraie. Néanmoins, la réalisation du suédois reste un peu molle et consensuelle, ce qui pénalise un peu le film, qui avait tout pour devenir un grand film. Porté par un Richard Gere en forme, qui retrouve là un rôle digne de son rang, « Faussaire » est un film qui se laisse voir avec un certain intérêt et sans déplaisir. Sans être une œuvre impérissable.



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B
J'avoue sans honte que le synopsis ne m'emballait déjà pas outre mesure et qu'en plus, d'une manière générale, je n'aime pas Richard Gere avec ses éternels rôle de vieux beau, gentil, zen, le boudiste militant dans toute son horreur de froideur morbide d'une pseudo philosophie de négation de la vie. Ta critique me conforte donc dans l'idée de ne pas aller le voir. en plus, les histoires de canulars ne m'ont jamais passionnée. Le reflet sans doute de ce que voudrait nous vendre Gere ?
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