Faussaire
« Ne me corrige pas, tu nes pas si parfait »
On connaît bien le cinéma du réalisateur Lasse Hallström, metteur en scène suédois qui officie à Hollywood depuis une quinzaine dannées déjà. Sil est capable du meilleur (« Gilbert Grape », en 1993, avec les jeunes Johnny Deep et Leonardo Di Caprio, rien de moins !), comme du pire (« Le Chocolat » en 2001, « Une vie inachevée » en 2006), on sait quon retrouve assez souvent le même problème dans ses histoires, à savoir des sujets qui se veulent originaux et qui ne le sont pas, et surtout une fâcheuse tendance à ne pas exploiter le peu doriginalité que ses histoires pourraient receler. En outre, il oublie souvent de laisser parler sa propre originalité et sa propre créativité dans des mises en scènes et des bons sentiments trop bien appliqués. La sortie de ce « Faussaire » semblait donc marquer un renouveau dans la filmographie du cinéaste scandinave, tant le thème de celui-ci se différenciait de ce quil avait pu faire par le passé. Si ce nest pas son premier biopic (il a réalisé sa version de « Casanova »), ce film sannonçait intéressant à plusieurs niveau : dune part par loriginalité du personnage, auteur raté et mythomane qui a réalisé le plus gros canular de lhistoire littéraire américaine du siècle dernier. Dautre part, le poids, même relatif, de sa fausse « autobiographie autorisée » dHoward Hughes, a quand même eu des répercussions dans une période politique agitée aux Etats-Unis. En cela, le regard dun européen sur ces faits était aussi quelque chose dintéressant. Enfin, il est question dans lhistoire de Howard Hughes, personnage énigmatique a la personnalité des plus complexes, qui a déjà fait lobjet dun biopic (le très bon « Aviator » de Scorsese avec Di Caprio), et quil est toujours intéressant de voir évoquer. Impressions à chaud.
« Il ne sortira jamais de sa tanière pour me dénoncer, ce type est cinglé »
Lhistoire :
Etats-Unis, 1971. Clifford Irving est un auteur raté. Tous les romans quil propose aux éditeurs ne sont jamais publiés. Un jour, il a une idée de génie : écrire la biographie du milliardaire le plus célèbre et le plus énigmatique de lhistoire des Etats-Unis, Howard Hughes. Lhomme qui a lancé lindustrie aéronautique américaine est atteint dune certaine forme de folie et vit reclus dans un endroit caché depuis des années. Il nen est jamais sorti ni ne sest exprimé publiquement depuis si longtemps que plus personne ne sait exactement où il vit. Partant de cette constatation, Irving manigance, faux à lappui, tout un stratagème invérifiable, portant à croire que Hughes la désigné comme auteur de son autobiographie autorisée. La nouvelle est tellement sensationnelle que les éditeurs nhésitent pas à payer grassement pour en obtenir la primeur. Entraînant dans sa combine sa femme et son meilleur ami, Irving doit gérer la pression permanente autour de ce projet en inventant des mensonges toujours plus gros, et en tentant des coups de bluff, au point de croire peu à peu à ses propres mensonges. Et comme toujours dans ces cas-là, plus le mensonge est gros, plus dure est la chute. Dautant quen fouillant dans le passé de Hughes, Irving y trouve des liens financiers occultes avec le président Nixon, dont lAdministration se méfie de plus en plus de son ouvrage.
« Mentir me donne la migraine »
Cest à un film assez peu ordinaire que nous avons droit avec ce « Faussaire ». En effet, réalisé un peu à la manière des « Hommes du président » de Alan J. Pakula (1976), dont la trame, du moins historico-politique est sensiblement le même, cest-à-dire avec un travail en arrière-plan dinvestigations, de découvertes, de témoignages, pour finalement ébranler la classe politique. Mais là où le film porté par Dustin Hoffman et Robert Redford était purement politique et journalistique, le film de Hallström sintéresse également à la personnalité étonnante dun personnage hors du commun, puisque capable de mentir et de bluffer au point de mener le plus gros canular littéraire du siècle, prenant quelques millions de dollar au passage. Et en ce sens, la psychologie de Irving offre un spectacle assez intéressant, tantôt manipulateur, tantôt bluffeur, tantôt mythomane, tantôt convaincu de la véracité de ses propres mensonges, et dans tous les cas toujours sur la fil.
« Il ma offert un pruneau »
Malheureusement pour lui, le film souffre quand même de quelques lacunes. Ainsi, la mise en scène reste assez peu inspirée, Hallström sévertuant à recréer dans les moindres détails la mode de lépoque plutôt que dapporter un peu de personnalité et de vigueur à une réalisation bien mollassonne. Ainsi, il nous gratifie de nombreuses scènes où Gere sidentifie à Hughes, aussi bien physiquement que dans son délire psychologique, mais ces scènes sont placées de manière un peu redondantes et sans apporter grand chose de constructif au film. On pourrait dire quelles sont là pour faire jolies. De même, le personnage assez lâche de son meilleur ami est dans lensemble trop caricatural pour apporter un réel relief à lentreprise énorme que nos héros mènent. Le film pèche par ailleurs par un manque cruel de rythme, Hallström enchaînant des passages riches en rebondissements et en exaltation pour nos deux héros, et des passages tournant plus à vide, quil aurait été bon de réduire.
Enfin, et ce nest pas la faute de Hallström, il se perd dans une foultitude de détails qui, à moins de connaître parfaitement cette partie de lhistoire américaine, risque de désarçonner des spectateurs pas forcément connaisseurs.
« - Que ferait Howard Hughes dans une telle situation ?
- Il achèterait une compagnie aérienne ! »
De manière générale les interprètes sont assez moyens. Richard Gere trouve ici un rôle assez consistant comme il nen avait pas eu depuis pas mal de temps. Mais à ses côtés, les autres comédiens restent quand même assez en marge. Alfred Molina surjoue son rôle de gentil con gaffeur et lâche, Marcia Gay Hayden semble un peu à côté de ses pompes tant jamais elle nest effleurée par lenjeu risqué de la démarche de son compagnon. Les autres personnages sont assez anecdotiques, Julie Delpy napparaissant que quelques minutes. Dans les personnages secondaires, Hope Davis se démarque par sa grande justesse.
Pour conclure, Lasse Hallstrom nous revient avec un film assez inhabituel pour lui, un biopic sur Irving, lhomme qui a réalisé le plus gros canular littéraire des Etats-Unis. Personnage complexe et hors norme, traitant dun personnage et dune période particulièrement trouble politique aux USA, cette histoire incroyable et même improbable étonne dautant plus quelle est vraie. Néanmoins, la réalisation du suédois reste un peu molle et consensuelle, ce qui pénalise un peu le film, qui avait tout pour devenir un grand film. Porté par un Richard Gere en forme, qui retrouve là un rôle digne de son rang, « Faussaire » est un film qui se laisse voir avec un certain intérêt et sans déplaisir. Sans être une uvre impérissable.
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