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23 Dec

La nuit nous appartient

Publié par platinoch  - Catégories :  #Films noirs-Policiers-Thrillers

« - On est obligé de les voir ?

   - C’est ta famille, ils ont besoin de toi »

 

New York, 1988. Bobby est le patron d’une boite de nuit à la mode, propriété de la mafia russe. Ayant repris le nom de sa mère, il partage l’existence d’Amada, qui est la seule à connaître ses petits secrets. Bobby vit comme un roi de la nuit, dans un monde d’argent, de fête, et de drogue, que le neveu du propriétaire écoule sous le manteau dans son établissement. Ce que personne ne sait en dehors d’Amada, c’est que le père et le frère de Bobby sont d’éminents officiers de la Brigade des Stups. Méprisé par les siens pour son mode de vie décadent et peu intègre, Bobby est cependant sollicité pour jouer les indics et les taupes au sein de la mafia russe. S’il décline clairement la proposition de son père, l’attentat dont est victime son frère à la suite d’une descente imprévue dans la boite de nuit remet tout en question : Bobby devra choisir entre sa famille ou ses amis…

 

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« Tôt ou tard, soit tu seras avec nous, soit tu seras avec les dealers. C’est la guerre. »

 

En dépit de l’accueil mitigé lors de sa présentation au dernier Festival de Cannes où il était en Compétition Officielle, le nouveau film de James Gray, « La nuit nous appartient », plébiscité par la presse, était attendu comme l’un des meilleurs films de cette fin d’année. Il faut dire que le peu prolifique réalisateur et scénariste s’est taillé en deux films (« Little Odessa » en 1994 et « The Yards » en 2000) une solide réputation. Avec « La nuit nous appartient », on retrouve les deux thèmes de prédilection du réalisateur, à savoir l’univers de la mafia et des ses activités occultes, et le rapport à la famille. Pour la petite histoire, le sujet de son nouveau film lui est venu en regardant la photo dans un journal des funérailles d’un policier new-yorkais tué en service, et le titre du film, « La nuit nous appartient » fait ainsi référence à la devise de la police criminelle de New York. Un film qui marque également les retrouvailles du réalisateur avec son duo d’acteurs fétiches de son précédent film, Joaquin Phoenix et Mark Wahlberg. Un duo particulièrement impliqué dans ce projet, puisqu’ils sont tous les deux producteurs associés du film.

 

« Quand on pisse dans son froc, on n’a pas chaud longtemps »

 

James Gray prouve ici une nouvelle fois qu’il est un très grand réalisateur. Car « La nuit nous appartient » tient toutes ses promesses. Entre film noir classique et polar crépusculaire, Gray a construit un scénario parfait, où la violence et le destin se dessinent de manière sombre et implacable. Comme aux grandes heures des films noirs de l’âge d’or Hollywoodien (on peut penser ici de manière éloignée à la noirceur désenchantée d’un film comme « Quand la ville dort » de Huston), Gray se sert d’une parfaite intrigue policière pour donner une dimension supplémentaire et plus puissante à son film, en s’intéressant davantage au choix cornélien qui se présente à son personnage principal. Un choix digne des drames des tragédies classiques, où celui-ci devra choisir entre sa famille de cœur et de business, ou sauver la vie de sa famille de sang, avec laquelle il a semble-t-il cherché à prendre ses distances, notamment vis-à-vis du modèle paternel. Un cheminement psychologique mené avec la précision d’un horloger, et qui s’apparente à une sorte de Chemin de Croix ou de descente aux enfers en vue d’une hypothétique rédemption. Un parti pris original et intelligent, renforcé par une volonté bien venue de sobriété. Prenant ouvertement modèle sur le style visuel et narratif des cinéastes des années 70 qui ont fait les beaux jours de ce genre (Friedkin, Frankeneimer, Lumet, ou même Cassavetes avec son « Meurtre d’un bookmaker chinois »), Gray refuse clairement la surenchère, comme le prouve un final aussi sobre que puissant. Ce qui ne l’empêche pas de réussir quelques scènes d’action particulièrement réussies et flippantes (la course poursuite en voiture ou la fusillade dans le laboratoire de drogue). Mais celles-ci ne servent qu’à renforcer une atmosphère particulièrement pesante, tendue et stressante, qui est l’atout numéro un de ce film. 

 

« Tout ce qui compte, c’est qu’on en finisse »

 

Non content de développer un scénario parfait et d’un classicisme revendiqué, Gray nous montre qu’il maîtrise également l’art difficile de la mise en scène. Et là encore, sobriété et classicisme sont les maîtres mots du réalisateur. Sans esbroufe, Gray cherche ainsi en permanence à créer une certaine véracité à l’ensemble (parfaite reconstitution de la fin des années 80, et de l’ambiance violente du monde de la nuit, les maffieux sont montrés avec leur vie de famille rangée, n’étant pas réduits à de simples machines de guerre tatouées et torturées comme dans le simpliste « Les promesses de l’ombre » de Cronenberg), et à donner corps à une ambiance des plus sombres et pesantes. Celle-ci est savamment construite grâce à un montage calqué sur le cheminement psychologique du héros, la tension montant crescendo au fil d’un récit où les situations dangereuses se multiplient. En outre, il n’y a aucun gras dans le film de Gray, qui maîtrise parfaitement le rythme. A noter également la formidable photographie du film, tournée principalement vers des couleurs froides, qui contribue également à l’existence de cette ambiance désenchantée et lourde. On notera également la qualité de la bande musicale, constituée par de nombreux tubes de l’époque (notamment le « Heart of glass » de Blondie). Mais l’autre grande qualité de la réalisation de James Gray, c’est aussi son impeccable direction d’acteurs. Un casting de choix dominé par l’époustouflante interprétation de Joaquin Phœnix, qui n’en finit plus de nous impressionner à chaque film. Ici encore, il crève littéralement l’écran par son interprétation habitée, mêlant avec subtilité force et fragilité. Une interprétation digne du grand Brando, qui devrait en faire l’un des favoris aux prochains Oscars. A ses côtés, le grand Robert Duvall brille aussi de tout son talent et trouve dans le rôle de ce père autoritaire et malgré tout aimant un rôle à sa démesure. Complétant le trio, Mark Walhberg semble être un peu dans l’ombre de ses deux partenaires. Pourtant sa prestation est impeccable. Reste une Eva Mendès habituée aux séries B et aux rôles de bimbos un peu creux, qui prouve ici l’étendue de son talent avec ce qui est jusqu’ici son meilleur rôle.

 

« Demain tout dépendra de toi. J’espère que tu frapperas un grand coup »

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Pour son troisième long tant attendu, « La nuit nous appartient », James Gray nous livre un polar crépusculaire, renouant avec le classicisme du genre du film noir. Brillamment écrit, s’intéressant davantage à l’aspect psychologique de l’histoire et à créer une atmosphère tendue, et mis en scène avec virtuosité, « La nuit nous appartient » est à mon sens un authentique chef d’œuvre. Un film qui jouit également d’une interprétation de très grande qualité, Joaquin Phoenix et Robert Duvall en tête. De quoi faire de ce film et de ses interprètes de solides concurrents pour les Oscars. Et si c’était le meilleur film de l’année ?

     



Commenter cet article
M
Un grand film qui meriterait hautement sa place aux oscars. Joaquim Phoenix est impressionant et James Gray un grand réalisateur que je ne connaissais pas. Bravo.
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P
D'accord avec ta critique, un grand film. Par contre concernant les Oscars j'y crois pas trop vu que le film n'est pas nommé aux Golden Globes... (Quelle honte quand on voit qu'ils ont nommé Michael Clayton!) Mais j'espère qu'il fera tout de même partie de la sélection, ce serait une nomination amplement méritée!
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B
Il n'y a rien a redire de ta critique. C'est sans nul doute l'un des cinq meilleurs films de l'année, avec un génialissime Joaquin Phoenix.
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