Tout peut arriver
« On dit que je suis un expert en ce qui concerne les jeunes femmes. Cest sans doute parce que je les courtise depuis plus de quarante ans »
Harry Sanborn, directeur d'une maison de disques new-yorkaise, ne sort qu'avec des filles de moins de trente ans. Durant un rendez-vous romantique avec sa nouvelle petite amie, Marin, il tombe sous le charme de sa mère féministe divorcée, Erica Barry. Mais un médecin trentenaire séduisant veille au grain...
« Tu es digne de lamour qui soffre »
Scénariste réputée, Nancy Meyers sest imposée en dix ans et quatre réalisations comme la reine des comédies romantiques familiales et « grand public ». On lui doit notamment « Ce que veulent les femmes » (2001) et « The holidays » (2006). Pour son troisième long en tant que réalisatrice, Meyers souhaitait mettre en scène une romance entre sexagénaires, avec un casting qui sest imposé dès lécriture. Loccasion pour elle de mettre en scène pour la première fois Diane Keaton, qui avait déjà joué à plusieurs reprises des scénarii écrits par Meyers (« Baby boom », « Le père de la mariée »). Loccasion également de réunir Diane Keaton et Jack Nicholson, 23 ans après leur unique collaboration sur « Reds » (1981) de Warren Beatty. A noter que le film a décroché une nomination aux Oscars 2004 dans la catégorie Meilleure actrice pour Diane Keaton, récompense qui est finalement revenue à Charlize Theron pour « Monster ».
« On aurait pu continuer quelque chose de bien. Pourquoi avec les femmes cest toujours tout ou rien ? Sérieux, tu y crois à ces conneries sur lamitié entre homme et femme après quils aient connu le sexe ? »
Si le genre de la comédie romantique souffre cruellement dun manque flagrant doriginalité et de renouveau, Nancy Meyers semblait avoir trouvé de quoi rafraichir un peu le genre en traitant de lamour chez les sexagénaires, sujet finalement assez marginalisé au cinéma. Mieux, en traitant des couples générationnels, sujet encore largement tabou dans la très puritaine industrie cinématographique américaine, elle avait loccasion de se démarquer en signant un film un peu provocateur, progressiste, et anticonformiste. Cétait sans compter sur le manque de subtilité de la réalisatrice Nancy Meyers, déjà coupable davoir sabordé une bonne idée scénaristique avec le raté « Ce que veulent les femmes ». Rebelote ici, puisque lillusion ne dure quune petite demi-heure, le temps pour la réalisatrice de faire le tour de tous les gags et autres situations comiques que son scénario lui permet. On retiendra ainsi la première confrontation entre Nicholson et la mère de sa copine, pour le coup aussi âgée que lui, ou encore lopposition de la sur de cette dernière, féministe convaincue, qui napprouve pas son mode de vie. Ensuite, alors que la réalisatrice semblait introduire une originale et intéressante concurrence mère/fille pour le cur de Jack Nicholson, celle-ci fait volte-face et décide brusquement de concentrer exclusivement son film sur la romance tourmentée de Nicholson et de Keaton, retombant de ce fait de plein pied dans le piège de la comédie formatée et prévisible. Dès lors, plus rien ne fonctionne, la relation entre les deux personnages principaux est dune extrême fadeur et éclipse aux passages tous les personnages secondaires, y compris le jeune médecin, dont la relation avec Diane Keaton, pourtant scénaristiquement intéressante, est ici totalement occultée. Du coup, la comédie tourne à vide, en accumulant les poncifs grotesques (interminable et ridicule scène durant laquelle Diane Keaton pleure de manière très théâtrale ; Nicholson se ridiculise également en pleurant constamment sur son sort et en versant plusieurs fois sa larmichouille), et en débouchant contre
toute-attente sur un happy-end prévisible et un poil moralisateur et conservateur. Un gros gachis qui nest pas rattrapé par linterprétation décevante de ce casting pourtant prometteur. La faute notamment à Jack Nicholson et Diane Keaton, qui, en cabotinant jusquà linsupportable, livrent une prestation indigne de leur rang. Contrairement à Keanu Reeves et Frances McDormand, qui malgré leurs petits rôles, tirent leur épingle du jeu. Pas suffisent pour relever le niveau de cette comédie romantique particulièrement fade et boursoufflée. « Tout peut arriver ». Même de telles désillusions.
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