Battement de coeur
Un grand merci à Gaumont pour m’avoir permis de découvrir et de chroniquer le blu-ray du film « Battement de cœur » de Henri Decoin.
« On m’a appris à prendre. Pas à rendre. »
Aristide enseigne dans une drôle d’école « l’art de la fauche », élevant de jeunes malheureux au rang de pickpockets professionnels. Yves et Arlette, tous deux à la rue et sans famille, y postulent en même temps. Mais si l’un présente de réelles aptitudes, l’autre éprouve les plus grandes difficultés à dépasser son honnêteté. C’est pourquoi Arlette se tourne vers le mariage blanc et jette son dévolu sur Pierre de Rougemont rencontré à l’ambassade…
« Premier bal, premier danseur, premier baiser... Vous me permettez de vous faire danser encore ? »
Decoin – Darrieux, ou le couple légendaire du cinéma français des années 30. Avec d’un côté, la figure du héros aux milles vies d’aventures - il fut tour à tour sportif olympique, héros de guerre, pionnier de l’aviation ou encore journaliste - arrivé sur le tard à la réalisation, et de l’autre la jeune première en vogue, considérée comme la petite fiancée du cinéma français. Leur rencontre, en 1935, sur le film « J’aime toutes les femmes », se conclura par leur mariage et par une fructueuse collaboration, puisque Decoin la dirigera systématiquement dans tous ses films suivants jusqu’en 1941 et son film « Premier rendez-vous ». Ainsi, après « Le domino vert », « Abus de confiance », « Mademoiselle ma mère », « Retour à l’aube » et même un détour par l’Amérique où elle jouera pour Henry Koster, Decoin dirige Darrieux pour la sixième fois à l’occasion de « Battement de cœur » en 1940.
« En sortant du bal je me demande qui vous avez embrassé : mon titre, ma dot ou mes lèvres ? »
Tourné juste avant l’invasion et l’occupation de la France par l’Allemagne, « Battement de cœur » marque le retour du cinéaste et de sa muse à la comédie trois ans après « Mademoiselle ma mère », alors même qu’ils évoluaient jusqu’ici davantage dans le registre du mélodrame. A l’évidence, marqué par son séjour en Amérique, Decoin tente d’insuffler à son film un peu de l’esprit de la screwball comedy alors très en vogue outre-Atlantique (avec des films « L’impossible M. Bébé » de Hawks ou « Indiscrétions » de Cukor). On sent ainsi dans ce « Battement de cœur » une énergie, un rythme et un humour sophistiqué très « américain » et jusqu’ici assez inédit dans le cinéma français. On s’amuse ainsi de l’école de la rue et de la débrouille, matérialisée par les leçons du truculent professeur interprété par Saturnin Fabre ou par la série de quiproquos qui mèneront notre jeune orpheline apprentie pickpocket jusque dans les bras d’un attaché d’ambassade aristocratique. Surtout, tout le sel de cette comédie réside dans le jeu de manipulations auquel se livrent tous les protagonistes ainsi que dans les dialogues qui fusent. Derrière ses traits de jeune oie blanche et innocente, Danielle Darrieux n’est pas en reste, se révélant être à son tour une redoutable intrigante doublée d’une femme de caractère. Si l’ensemble parait peut-être désuet, il n’en demeure pas moins délicieusement charmant. Surtout, si Claude Dauphin parait un peu fade, la grande Darrieux peut compter sur une série de seconds rôles de haute volée (Saturnin Fabre, Jean Tissier, Julien Carette) pour lui donner la réplique et lui renvoyer la balle. Ultime témoignage de la fugace insouciance de la France avant les heures sombres qui se profilent, « Battement de cœur » offre un parfait contrepoint à « Premier rendez-vous », premier film à la légèreté forcée que le duo tournera sous l’occupation.
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Le blu-ray : Le film est présenté en version restaurée dans un nouveau Master Haute-Définition, en version originale française (2.0) ainsi qu’en audiodescription. Des sous-titres français (pour malentendants) et anglais sont également disponibles.
Côté bonus, le film est accompagné de « La Dernière danse », un documentaire inédit de Roland-Jean Charna (2019, 56 min.) et du module « Battement de cœur restauré » (2 min.).
Édité par Gaumont, « Battement de cœur » est disponible en DVD ainsi qu’en blu-ray depuis le 15 mai 2019.
Le site Internet de Gaumont est ici. Sa page Facebook est ici.
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