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19 Apr

L'étang du dragon

Publié par Platinoch  - Catégories :  #Drames, #comedies dramatiques, #fantastique

Un grand merci à Carlotta Films pour m’avoir permis de découvrir et de chroniquer le blu-ray du film « L’étang du démon » de Masahiro Shinoda.

 

L_étang_du_démon

« La lune est belle ce soir. Eteins le feu et ferme la porte à clé »

 

Province d’Echizen, été 1913. En route vers Kyoto, le professeur Yamasawa traverse un village frappé par la sécheresse, perdu au milieu des montagnes. À proximité se trouve l’étang du Démon, objet de superstitions de la part des habitants. En effet, si la cloche du village ne sonne pas quotidiennement, le dragon retenu au fond de l’eau serait libéré et provoquerait un déluge mortel. L’arrivée de Yamasawa chez Akira et Yuri, le couple chargé de faire respecter cette tradition immuable, va bientôt mettre en péril cet équilibre…

 

« Je sacrifierais ma propre vie par amour »

 

L_étang_du_démon_Tsutomu_Yamazaki

Ancien assistant du grand Ozu, Masahiro Shinoda entame sa carrière de réalisateur au tout début des années 60. Avec ses films centrés sur les problèmes sociétaux de la jeunesse, il s’impose comme l’une des figures majeures de la Nouvelle Vague japonaise – courant cinématographique qui apporta un regard critique assez nouveau sur la société nippone des années 60 qui délaisse alors brutalement le modèle traditionnel pour celui de la société de consommation – aux côtés de ses collègues Nagisa Oshima (« L’empire des sens », « Furyo »), Yoshishige Yoshida (« La source thermale d’Akitsu ») ou encore Shohei Imamura (« La balade de Narayama », « Pluie noire »). Mais contrairement à ses camarades, ses films peineront à franchir les frontières du marché européen. A quelques rares exceptions près, comme « Silence » (1972, dont Scorsese proposera quarante ans plus tard une relecture), « Himiko » (1974) et « Sharaku » (1995), tous trois sélectionnés en compétition au Festival de Cannes, ou encore « Gonza le lancier » (1986), lauréat d’un Ours d’argent au Festival de Berlin. Avec « L’étang du démon » - sorti en 1979 au Japon mais resté depuis inédit sur nos écrans – Carlotta Films nous propose donc de découvrir une véritable rareté.

 

« Elle n’est pas humaine, elle a des écailles dans le dos : c’est un serpent ! »

 

L_étang_du_démon_Go_Kato

S’il se révéla grâce à ses chroniques sur la jeunesse japonaise, Masahiro Shinoda est avant tout un grand passionné de littérature et, surtout, théâtre kabuki dont il a déjà porté plusieurs pièces à l’écran (« Buraikan », « Double suicide à Amijima »). Une expérience qu’il réédite avec « L’étang du démon », adaptation d’une pièce de Kyoka Izumi, grande figure de la littérature japonaise du début du vingtième siècle dont les écrits ont alors déjà inspiré de nombreux cinéastes et notamment Kenji Mizoguchi (« Le fil blanc de la cascade », « La cigogne en papier »). On y suit le périple d’un professeur à l’esprit aventurier à travers une région reculée et inhospitalière (du fait de sa grande sécheresse) du Japon. Surtout, cet homme de la ville y retrouvera par hasard un ancien ami porté disparu et sa mystérieuse épouse, tous deux gardiens de la forêt et de ses traditions ancestrales. Mais passé le cap de cette troublante rencontre (qui offre de loin les meilleures scènes du film), le récit va prendre une tournure fantastique, faisant coexister le monde réel et celui céleste des croyances. Une dualité symbolisée par le principal personnage féminin, la douce et fragile Yuri n’étant en fait que l’incarnation humaine de la princesse Shirayuki, gardienne de la forêt dans le monde des esprits. Un personnage au destin tragique, que les hommes n’auront de cesse de vouloir bafouer en espérant par ce biais ramener la clémence et la prospérité dans leur vallée. Reste que pour le spectateur occidental peu coutumier des légendes nippones, les scènes surréalistes du monde céleste, peuplé de créatures fantasmagoriques, de même que leur symbolique resteront sans doute un peu obscures, pour ne pas dire un peu kitsch. Il conviendra néanmoins de saluer la mise en scène et les effets spéciaux ingénieux du cinéaste ainsi que l’interprétation étonnante du célèbre onnagata Bando Tamasaburo qui est pour beaucoup dans le trouble suscité par ce film. Une ballade au pays de l’étrange un peu déroutante mais formellement plaisante.

 

L_étang_du_démon_Bando_Tamasaburo

 

**

Le blu-ray : Le film est présenté dans un nouveau Master restauré 4k et proposé en version originale japonaise (1.0). Des sous-titres français sont également disponibles.

 

Côté bonus, le film est accompagné de « Introduction de Masahiro Shinoda » : le cinéaste a enregistré cette lettre à l’occasion de la présentation de son film à Cannes Classics en juillet 2021 (2 min.), « Un univers parallèle toujours présent » : entretien avec Stéphane du Mesnildot, essayiste, spécialiste du cinéma asiatique (20 min.), Un déluge d’effets spéciaux » : analyse de Fabien Mauro, essayiste et auteur de « Kaiju, envahisseurs & apocalypse » (13 min.), ainsi que d’une Bande-annonce.

 

Édité par Carlotta Films, « L’étang du démon » est disponible en DVD ainsi qu’en blu-ray depuis le 15 février 2022.

 

Le site Internet de Carlotta Films est ici. Sa page Facebook est ici.

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Le site sans prétention d'un cinéphile atteint de cinéphagie, qui rend compte autant que possible des films qu'il a vu!