Idiocracy
« - Jai bien envie daller chez Starbucks
- Je sais, on a tous envie de se faire branler, mais là on a pas le temps »
Dans la série des petits films comiques à lhumour franchement sous la ceinture et très corrosif, je vous présente le petit dernier sorti sur nos écrans : « Idiocracy ».
Réalisé par Mike Judge, réalisateur du déjà bien barré et subversif « Beavis et Butthead », ce film raconte une expérience militaire réalisée de nos jours, consistant à cryogéniser pendant un an un homme (Luke Wilson) et une femme (Maya Rudolph), tous deux sélectionnés parce quétant de parfaits beaufs. Or le programme est abandonné et tombe dans loubli et nos deux malheureux héros se réveillent par hasard en 2505 !!!
Et la société a énormément évolué en 500 ans : les gens les moins intelligents se sont reproduits beaucoup plus que les gens intelligents, trop préoccupés par leurs carrières, durant les 500 dernières années, au point que la société a régressé et que notre héros fait figure dhomme le plus intelligent de la Terre, rien que ça !!!
« Projection ce soir du film « Cul », succès cinématographique de lannée ayant remporté 8 oscars dont celui de meilleur scénario »
En partant dun scénario aussi improbable que barré, Mike Judge sest offert la possibilité de créer quelques scènes danthologie pour décrire la société médiocre du futur. Entre les classiques de tout film danticipation ou de SF qui se respecte, comme par exemple le tatouage dun code-barre sur chaque être humain pour gérer à la fois son identité et son assurance maladie, ou les distributeurs de nourriture automatique, et de lautre côté des scènes dun humour potache très jouissif, comme par exemple le succès cinématographique de lannée, le film « Cul », qui représente un plan fixe sur un postérieur qui de temps en temps enchaîne quelques pets, sous les rires massifs de la salle en délire, ou encore lémission de télévision préférée qui sappelle « Attention mes couilles ! », où le héros finit invariablement par se faire taper dans les valseuses, Judge nous donne à voir une société inhumaine, la plus abrutie possible, et surtout dune beauferie sans égale, où toutes les boutiques ne sont que des lieux de masturbation et les rapports hommes-femmes se limitent exclusivement au sexe.
Et mine de rien, derrière cet humour bien lourd, oscillant toujours franchement entre scato et sexe, le réalisateur tire violemment sur notre société et nos travers : entre notre attrait de plus en plus grand vers des occupations passives et abrutissantes qui ne nous stimulent pas intellectuellement, et des pratiques de société dangereuse, caricaturées dans le film par le problème des récoltes qui ne poussent pas, car arrosées au soda, la société de fabrication de soda ayant le monopole sur le marché et employant un humain sur deux. Outre toutes les dérives du libéralisme et de la société occidentale, ce sont aussi le culte voué par les masses au mauvais goût et à la laideur qui sont systématiquement mis à mal, faisant de cette petite comédie un vrai film subversif.
Car au fond, et cest la force du film, les parallèles avec notre société sont nombreux. Il y a dune part les problèmes denvironnement qui sont la préoccupation principale (avec les habitants qui vivent dans une décharge géante et lagriculture qui est en panne), les problèmes politiques (le président des USA est un ancien acteur porno qui chante avec sa mitraillette lors de ses discours), et les problèmes dordre culturel (les habitants ne savent plus faire de phrases complexes, le héros qui sexpriment normalement est du coup constament traité de « pédé », le cinéma et la télévision sont également des moyens dabrutissement en imposant des programmes dune nullité crasse). Même si tout cela reste très caricatural, comment pourrait-on ignorer la violente charge faite ici contre notre mode de vie actuel et contre nos représentants?
« Eh petit, tu parles comme un pédé !!! »
Ce film doté dun petit budget, ne peut senorgueillir dun casting mirobolant. Car en dehors de Luke Wilson, les autres comédiens sont pour la plupart des vrais inconnus pour le grand public. Néanmoins ce dernier est, comme à son habitude, franchement excellent dans son rôle de beauf qui devient du jour au lendemain le mec le plus intelligent du monde. A ses côtés, Maya Rudolph fait preuve également dune grande justesse de ton, pas toujours si facile dans une comédie aussi barrée et borderline que celle-ci. On samusera également à reconnaître quelques brèves guest-stars, comme Thomas Hayden Church, que lon a pu voir dans « Sideways » ou « Spiderman 3 ».
Le reste du film fait dailleurs assez pauvre et cheap. Néanmoins, cet aspect visuel ouvertement laid est certainement voulu par Judge et permet de donner une consistance franchement affreuse à cette société de la bêtise et du mauvais goût.
On pourra faire deux grands reproches cependant à ce film. Tout dabord, un excès dans lhumour trash et gras, qui au bout dun moment prend le pas sur le message plus profond de ce film. Ensuite, il y a aussi la fin, trop gentille et formatée compte tenu du ton général du film et de sa volonté affichée dêtre un brûlot (certes comique) contre notre société.
Mais quand on voit comment les producteurs de ce film (en loccurrence la Fox), apparemment jugé trop acide, ont tout fait pour létouffer (des critiques acerbes et unanimes aux USA, une diffusion minimum dont 10 copies seulement pour la France et encore aucune salle à Paris), on ne peut quavoir envie de lui offrir une tribune méritée pour le mettre en valeur et pour souligner les bonnes velléités de son réalisateur.
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