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13 May

Idiocracy

Publié par platinoch  - Catégories :  #Comédies

« - J’ai bien envie d’aller chez Starbucks

- Je sais, on a tous envie de se faire branler, mais là on a pas le temps »

 

Dans la série des petits films comiques à l’humour franchement sous la ceinture et très corrosif, je vous présente le petit dernier sorti sur nos écrans : « Idiocracy ».

Réalisé par Mike Judge, réalisateur du déjà bien barré et subversif « Beavis et Butthead », ce film raconte une expérience militaire réalisée de nos jours, consistant à cryogéniser pendant un an un homme (Luke Wilson) et une femme (Maya Rudolph), tous deux sélectionnés parce qu’étant de parfaits beaufs. Or le programme est abandonné et tombe dans l’oubli et nos deux malheureux héros se réveillent par hasard en 2505 !!!

Et la société a énormément évolué en 500 ans : les gens les moins intelligents se sont reproduits beaucoup plus que les gens intelligents, trop préoccupés par leurs carrières, durant les 500 dernières années, au point que la société a régressé et que notre héros fait figure d’homme le plus intelligent de la Terre, rien que ça !!!

 

« Projection ce soir du film « Cul », succès cinématographique de l’année ayant remporté 8 oscars dont celui de meilleur scénario »

 

En partant d’un scénario aussi improbable que barré, Mike Judge s’est offert la possibilité de créer quelques scènes d’anthologie pour décrire la société médiocre du futur. Entre les classiques de tout film d’anticipation ou de SF qui se respecte, comme par exemple le tatouage d’un code-barre sur chaque être humain pour gérer à la fois son identité et son assurance maladie, ou les distributeurs de nourriture automatique, et de l’autre côté des scènes d’un humour potache très jouissif, comme par exemple le succès cinématographique de l’année, le film « Cul », qui représente un plan fixe sur un postérieur qui de temps en temps enchaîne quelques pets, sous les rires massifs de la salle en délire, ou encore l’émission de télévision préférée qui s’appelle « Attention mes couilles ! », où le héros finit invariablement par se faire taper dans les valseuses, Judge nous donne à voir une société inhumaine, la plus abrutie possible, et surtout d’une beauferie sans égale, où toutes les boutiques ne sont que des lieux de masturbation et les rapports hommes-femmes se limitent exclusivement au sexe.

 

Et mine de rien, derrière cet humour bien lourd, oscillant toujours franchement entre scato et sexe, le réalisateur tire violemment sur notre société et nos travers : entre notre attrait de plus en plus grand vers des occupations passives et abrutissantes qui ne nous stimulent pas intellectuellement, et des pratiques de société dangereuse, caricaturées dans le film par le problème des récoltes qui ne poussent pas, car arrosées au soda, la société de fabrication de soda ayant le monopole sur le marché et employant un humain sur deux. Outre toutes les dérives du libéralisme et de la société occidentale, ce sont aussi le culte voué par les masses au mauvais goût et à la laideur qui sont systématiquement mis à mal, faisant de cette petite comédie un vrai film subversif.

 

Car au fond, et c’est la force du film, les parallèles avec notre société sont nombreux. Il y a d’une part les problèmes d’environnement qui sont la préoccupation principale (avec les habitants qui vivent dans une décharge géante et l’agriculture qui est en panne), les problèmes politiques (le président des USA est un ancien acteur porno qui chante avec sa mitraillette lors de ses discours), et les problèmes d’ordre culturel (les habitants ne savent plus faire de phrases complexes, le héros qui s’expriment normalement est du coup constament traité de « pédé », le cinéma et la télévision sont également des moyens d’abrutissement en imposant des programmes d’une nullité crasse). Même si tout cela reste très caricatural, comment pourrait-on ignorer la violente charge faite ici contre notre mode de vie actuel et contre nos représentants?

 

« Eh petit, tu parles comme un pédé !!! »

 

Ce film doté d’un petit budget, ne peut s’enorgueillir d’un casting mirobolant. Car en dehors de Luke Wilson, les autres comédiens sont pour la plupart des vrais inconnus pour le grand public. Néanmoins ce dernier est, comme à son habitude, franchement excellent dans son rôle de beauf qui devient du jour au lendemain le mec le plus intelligent du monde. A ses côtés, Maya Rudolph fait preuve également d’une grande justesse de ton, pas toujours si facile dans une comédie aussi barrée et borderline que celle-ci. On s’amusera également à reconnaître quelques brèves guest-stars, comme Thomas Hayden Church, que l’on a pu voir dans « Sideways » ou « Spiderman 3 ».

 

Le reste du film fait d’ailleurs assez pauvre et cheap. Néanmoins, cet aspect visuel ouvertement laid est certainement voulu par Judge et permet de donner une consistance franchement affreuse à cette société de la bêtise et du mauvais goût.

 

On pourra faire deux grands reproches cependant à ce film. Tout d’abord, un excès dans l’humour trash et gras, qui au bout d’un moment prend le pas sur le message plus profond de ce film. Ensuite, il y a aussi la fin, trop gentille et formatée compte tenu du ton général du film et de sa volonté affichée d’être un brûlot (certes comique) contre notre société.

Mais quand on voit comment les producteurs de ce film (en l’occurrence la Fox), apparemment jugé trop acide, ont tout fait pour l’étouffer (des critiques acerbes et unanimes aux USA, une diffusion minimum dont 10 copies seulement pour la France et encore aucune salle à Paris), on ne peut qu’avoir envie de lui offrir une tribune méritée pour le mettre en valeur et pour souligner les bonnes velléités de son réalisateur.



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V
Tiens, je l'ai vu y'a pas longtemps : j'ai trouvé que la pertinence du message se noyait dans l'exagération du situationisme comique. Certes, le monde a regressé mais problème, le film est regressif. Plus de hauteur et de distance auraient à mon sens rendu le film bien plus cinglant.<br /> Ca reste quand même rigolo, surtout les vannes sur l'accent gay du bro Wilson !
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B
Enfin vu ! j'avoue avoir eu du mal à entrer dans l'ambiance, tant je ne sais s'il le ton est juste. Je ne savais pas s'il falait le prendre dans l'humour à la Apatow, ou trop au sérieux. Au final, le message est super plus flagrant pour les américains, mais nous sommes concerné aussi. Grand film sans qu'il y paraisse cr il reste présent dans la tête longtemps après. Très bon film.
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P
Tu as une façon d'écrire que j'aime beaucoup. Je trouve cet article très juste, même si pour ma part Idiocracy a directement intégré la liste de mes films cultes -je ne m'attendais pas à tant. C'est vrai que cet humour est poussé jusqu'à l'extrême, mais ce jusqu'au-boutisme contribue aussi à faire d'Idiocracy un chef-d'oeuvre comme on en voit peu. Tant qu'à la fin, elle est probablement au contraire très en continuité avec le reste, et en plus de ressembler à une parodie de vieux film reactionnaire américain, elle nous parle surtout de démagogie, de manipulation des foules... Magistral.
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E
Je n'ai pas trouvé ce film lourd du tout, c'est plutôt pour moi une vision d'horreur sur notre société. Horreur car ça reflète la réalité, en un peu exagérée mais pas beaucoup, on reconnait tout. Je trouve que c'est un très grand film, d'ailleur il a été retiré assez vite du réseau cinéma, je crois qu'ils ont fini par comprendre le message... Dur de critiquer la pub, le marketing abrutissant, d'ailleur peut-être que son distributeur a fini par le traité de "pd"...
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B
Voilà une belle critique sur un film hors des sentiers battus de supers productions en vogue. Dommage en effet qu'il ne soit plus sur nos écrans, car l'envie de savoir plus, en est d'autant plus frustrée par cette description et ces commentaires sans concession.
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Le site sans prétention d'un cinéphile atteint de cinéphagie, qui rend compte autant que possible des films qu'il a vu!