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28 Apr

Jeux de dupes

Publié par platinoch  - Catégories :  #Comédies

« - Le football professionnel n’existe pas : ce ne sont que des mineurs et des fermiers qui composent les équipes. Comment voulez-vous faire ?

   - Il faut investir. Et insuffler de la vie »

1925, Etats-Unis. Le football professionnel n’en est encore qu’à ses balbutiements, encore très dépendant des petits entrepreneurs locaux qui financent les équipes du cru. De matches en terrain vague devant des publics restreints en passant par les fins de parties tournant au pugilat général faute de règles fermes et d’arbitres capables de les faire respecter, l’entreprise sent encore l’amateurisme à plein nez. Pourtant, il est pratiqué par des hommes passionnés par leur sport, et qui souhaitent par ce biais éviter la vie morose et difficile en usine à laquelle la majeure partie d’entre eux est destinée. La situation est d’autant plus paradoxale qu’à la même époque, les stades du championnat universitaire font le plein tous les week-ends. Mais le jour où la petite équipe de Duluth est lâchée par son principal investisseur, tous ses membres sont contraints de mettre la clé sous la porte et de reprendre sa petite vie monotone et laborieuse. Mais les temps sont difficiles, et le capitaine de l’équipe, Dodge Connolly, la quarantaine, qui a consacré sa vie au sport, n’arrive pas à retrouver d’emploi faute de qualification. Fauché mais déterminé, il décide d’aller convaincre la star montante du football universitaire, Carter Rutherford, de rejoindre son équipe, afin de profiter de la popularité de ce dernier pour trouver de nouveaux investisseurs à même de relancer l’équipe. Mais une jeune journaliste ne l’entend pas de cette oreille, voulant prouver que Carter, jouissant d’un statut de héros national depuis un fait d’arme courageux lors de la Grande Guerre, n’est en fait qu’un imposteur…

« Peu importe la tactique, l’essentiel c’est la victoire »

Après une série de films à message politique (« Good night and good luck », « Syriana ») et de films plus sombres (« The good german », « Michael Clayton »), George Clooney revient à un registre beaucoup plus léger avec ce « Jeux de dupes ». Troisième réalisation du comédien après « Confessions d’un homme dangereux » (2003) et « Good night and good luck » (2006), ce « Jeux de dupes » est un projet ancien qui a bien failli ne jamais voir le jour. En effet, Duncan Bratley, célèbre chroniqueur sportif américain, se lance dans des recherches sur le football des années 20 dès la fin des années 80. Séduit et inspiré par la galerie de joueurs hauts en couleur de l’époque, il décide de se lancer dans l’écriture d’un scénario, qu’il termine en 1993 et qu’il propose à Steven Soderbergh. Ce dernier, emballé, décide de se lancer dans le projet, proposant le rôle principal à son ami George Clooney. Jusqu’à ce qu’un jeu de chaises musicales chez Universal (qui devait produire le film) ne remette en cause le projet qui est donc resté en stand-by durant tout ce temps. Finalement, plus de dix années après, c’est George Clooney qui a relancé le projet, en assurant lui-même la production via sa société de prod. A noter que le personnage de Dodge Connolly est inspiré d’un véritable joueur de cette époque, John McNally.

« Je ne suis pas un gentleman, je suis un footballeur »

Un peu boudé par la critique, ce « Jeux de dupes » souffre notamment des mauvaises langues arguant que ce film - mineur dans la carrière de Clooney – n’est qu’un prétexte à voir ce dernier se mettre en valeur dans un énième numéro de séduction décalée façon « What else ». D’autant que pour ne rien gâcher, Clooney y apparaît la plupart du temps transpirant dans la boue. Des arguments un peu simplistes, sans doute, même s’ils ne sont probablement pas totalement réfutables. Mais peu importe, a-t-on envie de dire. L’essentiel est ailleurs. De ses propres mots, Clooney avoue volontiers avoir voulu faire une comédie « superficielle », genre de film léger qu’il affectionne. Et c’est ce qu’il s’emploie ici à faire, sans prétention, et finalement avec beaucoup de classe. Ainsi ne faut-il pas craindre le sujet (certes peu glamour et peu passionnant à priori pour un européen) du football américain. Car celui-ci ne sert que de toile de fond au tableau que peint le réalisateur. Un tableau qui s’intéresse à l’Amérique des années 20, période si particulière de l’Histoire des Etats-Unis, celle-ci se trouvant alors à la croisée des chemins, perdue d'une part entre l'euphorie de la victoire lors de la Grande Guerre et l'imminence de la crise de 29, et d’autre part entre une situation encore sauvage et sans règles, et une période de révolution économique, industrielle et sociale, qui conduira le pays dans l’ère de la modernité la plus absolue. Campant lui-même un personnage qui a le cul entre deux chaises et deux époques auxquelles il n’appartient pas entièrement (il est trop moderne pour l’une et trop en retard pour l’autre), Clooney en profite pour dresser une sorte de bilan de l’Amérique d’aujourd’hui, critiquant en vrac la manipulation des médias et des institutions qui font et défont les héros nationaux et la célebrité au gré de leurs intérêts, le pouvoir de l’argent dans la société, utilisé bien souvent sans discernement, et qui corrompt un certain nombre de gens et de valeurs, ou encore l’avalanche de règles qui régissent la société, parfois absurdes, qui transforment l’homme en un lion en cage et lui retirent son panache (son personnage est désormais trop vieux au regard des règles pour jouer en pro, les irrégularités de jeu sont sanctionnées mais privent le public d’un spectacle réjouissant). Un constat parfois amer mais pour autant jamais empreint d’un regret conservateur façon « c’était mieux avant », et toujours amené avec humour et légèreté.

« - Pour garder mon job, je dois courber l’échine

   - Bottez en touche, n’ayez pas peur, ça finira bien par rebondir »

Sur la forme, l’hommage de Clooney aux comédies des années 30-40 est évident, tant les clins d’œil sont nombreux. Ainsi, l’ombre des Cukor (on pense notamment à « Mademoiselle gagne tout » avec Katharine Hepburn et Spencer Tracy), Sturges, Hawks, ou encore Capra semble planer de manière évidente (bien que parfois de manière maladroite) sur le film. Et ce d’autant plus que les comédiens se donnent un malin plaisir à typer leur jeu à la manière de leurs aînés, Clooney se glissant parfaitement dans le registre d’un Cary Grant, tout en séduction décalée et humoristique, tandis que la pétillante et malicieuse Renee Zellweger fait ici immanquablement penser à la charmante Veronika Lake. La mise en scène est également joyeusement inventive et soignée, Clooney reprenant volontairement de nombreux éléments du burlesque et du muet pour recréer l’ambiance des années 20. Il y a d’ailleurs dans ces éléments, dans l’humour burlesque et les mimiques de Clooney, ainsi que dans la jolie photographie aux tonalités sépia, quelque chose rappelant l’ambiance du film « O’brother » des frères Coen, dans lequel il jouait. A noter également la chouette bande musicale signée par Randy Newman. Au final, avec ce « Jeux de dupes », Clooney s’offre une petite récréation dans l’univers de la comédie légère. Plus malin qu’on voudrait bien le croire, ce film sans prétentions ni complexes, s’avère être à défaut d’un grand film, un agréable divertissement séduisant et plein de fraîcheur. A voir !

  



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S
C'est léger, divertissant, sans prétention mais tout à fait agréable. Le film, bien que très brouillon, très fouilli, peut se voir comme un film engagé, qui regrette une certaine époque cinématographique (l'âge d'or) révolue et se sert du parallèle avec le football américain pour faire passer le message.<br /> <br /> Enfin, le véritable intérêt du film, c'est regarder Clooney joué au football américain avec la classe et l'autodérision qu'on lui connaît.
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B
Si je reconnais volontier m'être bien amusé dans cet excellent film, j'avoue que je me suis demandé ce qu'il a vraiment voulu dire. Le côté récré, festif, gouilleur me va bien, et vu sous cet angle, c'est réussi, d'autant qu'on ne s'ennuie jamais, c'est léger et plutrôt sympa.
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