Les randonneurs à Saint Tropez
« Mon groupe de cons du GR20 ! Jai pas que des bons souvenirs mais ça me fait plaisir de vous voir ! »
Dix ans se sont écoulés depuis leur chaotique randonnée sur le GR20 de Corse. Toujours très liés, Cora, Nadine, Mathieu et Louis, décident de partir en vacances tous ensemble. Cette fois, ils ont opté pour un séjour tranquille dans une résidence de la Côte dAzur. Entre les mésaventures de Cora, désormais mariée et souffrant de la routine de son couple, et celles de Nadine, toujours embarquée dans des histoires sans lendemain avec des hommes mariés, ces vacances sont loccasion idéale pour se couper de la morne réalité, et se retrouver entre amis. Une sorte de petite parenthèse où tout semble permis et possible. Même de retrouver par le plus grand des hasards Eric, lex de Nadine qui avait officié comme guide lors de ladite randonnée, et quils sétaient jurés de ne plus fréquenter. Sauf que ce dernier a beaucoup changé. Ayant visiblement eu beaucoup de réussite dans les affaires, connaissant tout le gratin du coin, il semble être devenu lun des rois de la fameuse station branchée. Suffisamment pour devenir à nouveau le guide de la petite bande dans lunivers VIP de la petite cité balnéaire
« Tu veux rentrer en stop ? Tes resté un poète, toi ! »
Onze années après le succès surprise de ses « Randonneurs », qui avaient réunis près dun million et demi de spectateurs, Philippe Harel remet donc le couvert, en réunissant de nouveau toute sa petite équipe pour un second opus. Une occasion pour lui de tenter de donner un second souffle à une carrière un peu moribonde dans les années 2000. En effet, si Harel sest pourtant montré prolifique (« Extension du domaine de la lutte » en 1999, « Le vélo de Ghislain Lambert » en 2001, « Tristan » en 2003, « Tu vas rire mais je te quitte » en 2005), aucune de ses réalisations na cependant réussis à rencontrer un réel succès. De plus, si le film pouvait compter sur le thème fédérateur du film de potes (« Un éléphant ça trompe énormément » de Robert, « Mes meilleurs copains » de Poiré, « Le cur des hommes » dEsposito), et sur la reconnaissance obtenue par Poelvoorde et Viard devenus bankables, pour attirer le public dans les salles, sa sortie dans la foulée du gigantesque succès « Bienvenu chez les chtis » et du succès annoncé « Disco » nétait pas pour lui faciliter la tâche. Restait également à savoir si le film ne souffrirait pas du syndrome « Saint Tropez », synonyme déchec ou de bêtise pour tous les films mentionnant le nom du célèbre petit port varois (« Le gendarme de Saint-Tropez » de Girault, « Les branchés de Saint-Tropez » et « Deux enfoirés à Saint-Tropez » de Max Pécas, ou encore « Le curé de Saint-Tropez » de Balducci).
« - Cétait le roi de la téléphonie mobile. Un milliardaire.
- Je pouvais pas deviner, il était en tongs !
- Jai pas dit quil était le roi de la godasse ! »
Autant le dire, je navais pas garder un souvenir impérissable des « Randonneurs » première version. Je ne mattendais donc pas à grand chose en allant voir lacte deux. Et la surprise na hélas pas été au rendez-vous. Et pour cause, sans être totalement raté ou mauvais, le film narrive quasiment jamais à être à la hauteur de ce quon est en droit dattendre dune grosse comédie populaire. La faute à un scénario inégal et inabouti, qui nexploite pas assez tous ses personnages, se focalisant sur deux dentre eux (Viard et Poelvoorde), aux détriments des autres (principalement Pailhas et Harel). Un déséquilibre qui pénalise lensemble. De même, la trame et les situations du scénario manquent cruellement doriginalité : les affres des vacances azuréennes, avec ses embouteillages, ses plages surchargées et ses tarifs prohibitifs, ça a déjà été fait et refait. De même que la plongée dans le milieu bling bling et superficiel de la jet set locale, avec son lot de lieux communs tels que les mafieux (forcément russes), les arnaqueurs et les putes, largement déjà-vu. Sans parler des improbabilités scénaristiques (pour des « pauvres » comparés à la jet set, nos camarades dépensent des sommes hallucinantes avec une légèreté confondante), et des personnages caricaturaux à souhait (Harel en râleur invétéré, Poelvoorde en goujat grossier débitant des vannes sur un rythme de mitrailleuse). Du coup, au final, Harel ne peux nous proposer mieux quune gentille et facile apologie de la beaufitude (quel plaisir de se taper deux heures dembouteillages pour aller bouffer une glace sur le port de St Trop en regardant les riches bouffer sur leurs bateaux), se terminant par une chute toute aussi convenue (nos amis ont voulu vivre dans le rêve de la jet set, mais se retrouvent rattraper par la réalité en payant cher les pots cassés à leur réveil). De toute évidence, lensemble trop lisse et balisé, manque cruellement daudace et de peps pour convaincre.
« Forcément, pour toi, un pauvre, il peut pas réussir sans enculer les autres »
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Côté réalisation, Harel se contente dassurer le minimum syndical, tant sur le plan de lesthétique quau niveau du montage, paresseux, qui manque clairement de rythme et de dynamisme. Dès lors, les bons points viennent des interprètes : Karin Viard est proprement géniale dans ce rôle de femme insatisfaite revigorée par son nouveau statut de poule de luxe. En outre, très à laise dans un registre à la fois très sexy et drôle, cest elle qui est clairement le plus en vue. A ses côtés, si Poelvoorde fait une nouvelle fois du Poelvoorde, cest un registre quil connaît bien et quil maîtrise, assurant là aussi quelques bons moments. Vincent Elbaz est également très bon en imbécile insouciant. Les déceptions viennent finalement de la douce Géraldine Pailhas, cantonnée à sa décharge dans un rôle secondaire et trop peu développée pour lui permettre de faire parler son talent, et de Philippe Harel, enfermé dans un rôle de râleur pessimiste un peu trop caricatural. En bref, si le retour des « Randonneurs » se laisse regarder sans réel déplaisir, il souffre quand même dun manque flagrant doriginalité et de punch pour convaincre. Sans être bon ou mauvais, ce film est surtout trop terne. Dommage.
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