L'inexorable enquête
Un grand merci à Sidonis Calysta pour m’avoir permis de découvrir et de chroniquer le DVD du film « L’inexorable enquête » de Phil Karlson.
« Je ne suis pas de la police. J’ai seulement dit que j’avais quelques questions à poser... »
Mark Chapman est éditeur d’un grand journal qui vend la violence, la sueur et le sang. Pour faire monter les ventes, il a instauré une politique de sensationnalisme.
Il a pris sous son aile un jeune loup, McCleary, dont la devise est « Les grands reporters fabriquent leurs affaires quand l’actualité chôme ». Ce que n’avait pas prévu Chapman, c’est de commettre un meurtre et de devoir lancer McCleary à ses trousses…
« J’aimerai savoir comment un journal comme celui-ci qui fut autrefois respecté a pu devenir un tel torchon »
Fils d’une actrice irlandaise, Phil Karlson s’intéresse très tôt aux arts et en particulier à l’univers du spectacle vivant. En parallèle à ses études de droit – qu’il suit pour faire plaisir à son père – il étudie également la peinture. Mais c’est bien par le droit qu’il intègre les studios hollywoodiens d’abord comme juriste dès le début des années 30, avant d’évoluer rapidement vers des fonctions de technicien le rapprochant davantage des questions artistiques. De fil en aiguille, il devient assistant réalisateur, apprenant le métier auprès de metteurs en scène prestigieux tels que Tay Garnett (sur « La maison des sept péchés ») ou encore René Clair (sur « La belle ensorceleuse »). Accédant finalement à la réalisation en propre en 1944, il mènera alors une prolifique carrière longue de plus de trente ans durant laquelle il s’imposera comme l’un des spécialistes du film noir, grâce à des films comme « Le quatrième homme », « The Phenix City Story » ou « Les frères Rico ». Plus volontiers éclectique sur la fin de sa carrière, il s’illustrera encore avec « Un direct au cœur » porté par la star Elvis Presley ainsi qu’avec le film de guerre « L’assaut des jeunes loups ». En 1952, alors dans la période la plus faste de sa carrière, il signe « L’inexorable enquête » (« Scandal sheet »), adaptation du roman « The dark page » écrit par le scénariste et futur réalisateur Samuel Fuller durant ses années de guerre. Un projet dont il hérita après la défection d’Howard Hawks, qui devait initialement le réaliser avec John Payne et Orson Welles dans les rôles principaux.
« Les gens t’ennuient dès lors qu’ils ne te servent plus »
Lors de sa sortie en salles, Samuel Fuller avait vertement critiqué le film, pointant notamment le scénario trop édulcoré à son goût qui ne respectait pas selon lui l’esprit de son roman. Pourtant, force est de constater que « L’inexorable enquête » est un très bon film noir. Il faut dire que celui-ci s’appuie sur un scénario machiavélique à souhait. Ou comment le rédacteur en chef d’un journal à sensations spécialisé dans les affaires criminelles se retrouve à commettre un meurtre qui va passionner ses propres reporters. Dès lors, la tension ne cessera de monter à mesure que le piège se refermera inéluctablement sur celui qui passera peu à peu de la posture du chasseur à celle de la bête traquée, assurant ainsi un spectacle haletant. Forcément, l’ironie du la situation donnera une saveur toute particulière au film, renforcée par le cynisme extrême dont font preuve les personnages. A l’image de ce jeune reporter qui fait croire aux victimes qu’il est de la police afin d’obtenir force détails racoleurs et photos macabres. En arrière plan, « L’inexorable enquête » dresse ainsi une critique acide à l’encontre d’une certaine presse sans scrupules et en quête permanente d’un sensationnalisme malsain, à la seule fin de vendre du papier et de faire du chiffre. Une charge acerbe envers une industrie qui traverse alors une crise morale, tiraillée entre obligation déontologique et business, qui suscite une vive inquiétude chez les cinéastes qui n’auront de cesse à cette époque de la dénoncer. En cela, « L’inexorable enquête » s’impose comme un cousin pas si lointain du « Gouffre aux chimères » de Wilder (1951), de « Violences à Park Row » de Fuller (1952) ou de « Bas les masques » de Brooks (1952). Mais la réussite du film tient également beaucoup à la qualité de ses interprètes, et notamment au charisme du génial Broderick Crawford, fraichement oscarisé pour « Les fous du roi » de Robert Rossen, et dont l’imposante stature se fait tour à tour bienveillante et inquiétante.
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Le DVD : le film est présenté en version restaurée. Il est proposé en version originale américaine (2.0) ainsi qu’en version française (2.0). Des sous-titres français sont également disponibles.
Côté bonus, il est accompagné de présentations effectuées respectivement par Bertrand Tavernier, François Guérif et Patrick Brion.
Edité par Sidonis Calysta, « L’inexorable enquête » est disponible en DVD depuis le 13 juin 2017.
Le site Internet de Sidonis Calysta est ici. Sa page Facebook est ici.
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