Kim Kong
Un grand merci à Elephant Films pour m’avoir permis de découvrir et de chroniquer le DVD de la minisérie « Kim Kong » de Stephen Cafiero.
« Adressez-vous au Commandeur en le regardant droit dans les yeux mais sans jamais le fixer directement. Un peu comme si vous regardiez le soleil »
Mathieu Stannis, réalisateur aigri et frustré de films d’action à succès sans âme, est kidnappé par les agents d’une dictature asiatique. Le leader de ce pays est un grand amateur de 7ème art, excédé par la nullité des productions cinématographiques locales, qui va exiger de Mathieu qu’il mette en scène une nouvelle adaptation de King Kong, dont il a personnellement écrit le scénario et qui vise à chanter les louanges de sa patrie.
« On est en train de tourner une merde, tu ne vas pas me jouer ton Kubrick »
Et si Kim Jong-Un n’était au final qu’un personnage de comédie ? En ces temps tourmentés de relations géopolitiques tendues et de poker menteur nucléaire entre la Corée du Nord et les Etats-Unis, Stephen Cafiero et son scénariste Simon Jablonka veulent désamorcer la situation par le rire et imaginent une farce totalement délirante, inspirée d’un fait divers vieux de 40 ans. A l’époque, le régime de Pyongyang avait organisé l’enlèvement du cinéaste sud-coréen Shin Sang-ok et de son actrice d’épouse Choi Eun-hee dans le but de réaliser des films à la gloire du régime du Royaume ermite. Dans la série de Cafiero, c’est un réalisateur français qui se retrouve kidnappé par les agents d’une dictature asiatique indéterminée dont la ressemblance avec la Corée du Nord est tout sauf fortuite. Sauf que, triomphe de la médiocrité oblige, ledit cinéaste n’est ni Truffaut ni Godard mais plutôt un vulgaire tâcheron semblant tout droit sorti de l’écurie Besson et de ses films d’action standardisés et impersonnels.
« Un leader aimé de son équipe est un bon leader »
Tout le sel de cette comédie satirique repose ainsi sur la confrontation entre le cinéaste occidental privilégié et l’univers étriqué et contraint de son pays « d’accueil ». Mais en se moquant d’une forme de snobisme artistique bourgeois, sorte de syndrome de Stockholm déguisé, par lequel le héros finira par prendre goût à sa détention et aux conditions de tournage archaïques qui le poussent à sortir de sa zone de confort et à réinventer son cinéma, la série pose en creux la question de la création artistique dans un régime de censure et d’asservissement. D’ailleurs, c’est dans les moments où l’on s’y attend le moins que le réalisateur vient nous rappeler justement et avec beaucoup d’à-propos la folie et la cruauté de ce type de régime (excellente scène du couteau de Rambo !). Si Jonathan Lambert se révèle excellent dans un registre de sobriété plutôt éloigné de ses personnages habituels, c’est surtout le formidable Christophe Tek qui excelle par son interprétation flippante d’un avatar de Kim Jong-Un. Reste une dernière scène pleine de malice, qui nous rappelle que l’art, bien souvent, est un vecteur d’émotions et de transgressions plus puissant que les discours politiques. Si la fable est belle, la satire artistico-politique se révèle, elle, aussi brillante qu’hilarante.
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Le DVD : La minisérie, composée de trois épisodes d’une cinquantaine de minutes chacun, est présentée en version originale française (2.0). Aucun sous-titrage n’est prévu.
Côté bonus, la série est accompagnée de « La création sous la contrainte » (20 min.), ainsi que d’entretiens avec l’équipe de la série : Jonathan Lambert, Audrey Giacomini, Christophe Tek (acteurs) ; Thomas Bourguignon (producteur) ; Simon Jablonka (scénariste) ; Stephen Cafiero (réalisateur). Une galerie photos complète les bonus.
Edité par Elephant Films, « Kim Kong » est disponible en DVD depuis le 14 février 2018.
Le site Internet de Elephant Films est ici. Sa page Facebook est ici.
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