Les ruelles du malheur
Un grand merci à Sidonis Calysta pour m’avoir permis de découvrir et de chroniquer le DVD du film « Les ruelles du malheur » de Nicholas Ray.
« Tenez vous éloignée de moi où je ferai votre malheur. Je suis un vaurien. Un voyou. »
Accusé du meurtre d’un policier, Nick Romano, jeune délinquant qui est né et a vécu dans le quartier interlope de « Skid Row », est défendu par l’avocat Andrew Morton, né lui aussi dans ce quartier. L’histoire de Nick est une longue suite de vols et de délits : une enfance malheureuse (son père est mort en prison), de mauvaises fréquentations ont fait de lui un voyou. Morton le suit, même s’il n’est pas toujours là pour le défendre. Un temps, Nick « se range ». Il se marie avec Emma, exerce plusieurs emplois. Emma lui annonce qu’elle est enceinte. Mais ce bonheur est de courte durée : trop faible pour lutter, Nick retombe dans l’ornière. Il commet à nouveau des vols. « Vivre vite, mourir jeune et faire un beau cadavre! » est sa devise.
« Je suis un voyou. Mais dès que j’essaye de l’oublier, on me le rappelle encore et toujours »
« Les ruelles du malheur » marque la rencontre entre deux monstres sacrés hollywoodiens : Humphrey Bogart, qui outre ses talents d’acteur fait ici ses débuts de producteur, et Nicholas Ray, ex-disciple d’Elia Kazan (qu’il assista notamment sur « Le lys de Brooklyn ») et qui tourne ici le troisième film de sa carrière après « Les amants de la nuit » et « Secret de femme » (tous trois tournés en 1949 !). Adaptation assez libre du roman « Knock on any door » du romancier afro-américain Willard Motley, le film de Ray s’inscrit dans le thème alors assez en vogue à Hollywood de la révolte et de la délinquance juvénile qui donnera lieu les années suivantes à des films comme « L’équipée sauvage », « La fureur de vivre » ou « Graine de violence ». Débutant comme un film de procès (un jeune homme se dit accusé à tort du meurtre d’un policier), « Les ruelles du malheur » se transforme cependant très vite en un drame social, construit autour d’un long flash-back par lequel son avocat nous contera la longue descente aux enfers de son client qui, livré dès son plus jeune âge à la misère, à la violence et à la rue, n’avait finalement d’autre possibilité que de glisser vers la délinquance. Mais le film de Nicholas Ray souffre d’un scénario terriblement maladroit (excès de misérabilisme notamment lors des séquences conjugales mal exploitées entre Romano et la naïve Emma) et bien trop manichéen tant il revendique une vision déterministe outrancière et un peu facile de la société (le héros serait une victime de la société, sa condition étant déterminée par son environnement). Surtout, il ne parvient jamais à insuffler une forme d’ambivalence au personnage central de Rick Romano, personnage finalement assez détestable pour lequel on ne parvient jamais à éprouver la moindre empathie. Reste la belle séquence finale du plaidoyer humaniste servie par un Bogart impérial. Et l’intention plus que louable d’attirer la caméra (et l’attention du spectateur) sur une misère sociale que Hollywood a trop souvent rechigné à filmer. Pas suffisant toutefois pour sauver véritablement le film.
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Le DVD : Le film est présenté dans une version restaurée en Haute-Définition, en version originale américaine (1.0) ainsi qu’en version française (1.0). Des sous-titres français sont également disponibles.
Côté bonus, le film est accompagné de deux présentations respectivement signées Patrick Brion et François Guérif.
Edité par Sidonis Calysta, « Les ruelles du malheur » est disponible en DVD ainsi qu’en combo blu-ray + DVD depuis le 6 mars 2018.
Le site Internet de Sidonis Calysta est ici. Sa page Facebook est ici.
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