Un été avec Coo
« Je ne peux pas rester avec vous : papa ma dit que kappas et humains ne peuvent pas vivre ensemble »
Kôichi, jeune écolier en quatrième année de primaire, découvre une pierre bien étrange dans le lit asséché d'une rivière et la rapporte à la maison. Alors qu'il décide de laver ce précieux trophée, un étrange animal en sort. Surprise, c'est un kappa, un esprit de l'eau.
La famille de Kôichi appelle ce kappa Coo et décide d'en prendre soin. Toutefois, la rumeur de la présence de Coo ne tarde pas à se propager et toute la ville ne parle plus que de lui. Coo, inquiet d'ennuyer la famille de Kôichi, décide de partir. L'aventure de Coo à la recherche d'autres kappa commence.
« Je dois partir. Si joublie le mode de vie des kappas, jaurai honte de retrouver les miens quand je mourrais. Et si je reste plus longtemps avec vous, ce sera trop dur de vous quitter »
Réalisateur reconnu et apprécié au Japon, multiprimé, Keiichi Hara doit son succès à la création de la série animée télévisée « Shin-chan ». Une série à ce point populaire quHara en réalise un nouveau long-métrage chaque année. Pour son premier long de cinéma hors de la série des « Shin-chan », Hara a décidé dadapter à lécran luvre de lauteur Masao Kogure. Et plus particulièrement une trilogie de romans datés des années 80, centrée sur un kappa (« Tumulte autour dun kappa », « Létonnant voyage dun kappa »), petite créature des marais issue de la mythologie japonaise. Succès surprise de lété 2007 au Japon, le film a valu a son réalisateur dêtre plébiscité par ses pairs, et notamment par Isao Takahata, réalisateur du formidable « Tombeau des lucioles ».
« Les humains nous volent notre eau et notre terre. Bientôt ils nous volerons notre vent et notre ciel. Ils ne savent pas quen contrepartie ils perdent leur âme »
Lanimation japonaise surtout à destination du jeune public est friande dun certain nombre de thèmes récurrents : lécologie, la tolérance, et surtout une remise en question du concept de progrès comme unique moyen datteindre le bonheur. Dans un registre similaire, on se souvient notamment du mélancolique « Pompoko » qui sinterrogeait déjà sur la bonne évolution de nos sociétés. De ce point de vue donc, « Un été avec Coo », petite chronique écologiste autant que conte initiatique, ressemble beaucoup à ses prédécesseurs, basant son récit sur limprobable amitié liant un enfant humain à un enfant Kappa, dernier survivant dune espèce disparue depuis plusieurs centaines dannées. Deux êtres que tout oppose à travers lesquels se cristallisent la confrontation de deux mondes, de deux époques, et qui évoquent la difficulté de dépasser ses différences, de vivre ensemble, loin des siens et de son milieu naturel. Mais là où ses prédécesseurs navaient pas réussis à nous convaincre totalement, le réalisateur parvient ici à transcender son sujet. Tout dabord en jouant à fond la carte de lémotion : une émotion non factice, non feinte, reposant sur un petit héros trop mignon (Coo) et hyper attachant. De plus, le film trouve son rythme et sa tonalité, alternant avec beaucoup de fluidité les moments de pure drôlerie (les combats de sumo) et les passages nettement plus dramatiques, rendant le film plus accessible et intéressant tant pour les petits que pour les grands. Mais le réalisateur donne surtout une dimension supplémentaire en sinterrogeant avec intelligence et pertinence sur lévolution de la société actuelle. Une société qui semble ne plus tourner très rond, guidée par des médias tout puissants et ayant renoncés à toute forme de déontologie et à toute éthique pour obtenir un scoop, et portée par une population sans recul prête à détruire le petit kappa juste pour pouvoir lapprocher, comme par effet de mode. Sans parler de cette notion de progrès qui a pour conséquence une uniformisation extrême des êtres, passage obligatoire si lon souhaite survivre dans ce monde intolérant où il ne fait pas bon être différent. Une vision alarmiste peut-être un poil extrême (encore que), qui fait forcément ressurgir en nous tout un tas dimages et de faits divers récents qui illustrent parfaitement lévolution de ce monde un peu fou (on pense par exemple au massacre cruel des requins montré dans « Les seigneurs de la mer »). Le tout pour se conclure sur une note doptimisme modéré, montrant que si lhomme est capable du pire (comme détruire la planète), ces derniers sont capables de redonner vie, de protéger et de se lier damitié avec des êtres différents. Après, les mauvaises langues diront que sur la forme, les graphismes et lanimation ne sont pas à la hauteur de ce que nous ont proposé ces dernières années les studios Ghibli ou le maitre Miyazaki. Mais cette simplicité (les paysages restent quand même très soignés) confèrent encore plus de sympathie à ce film extrêmement attachant et qui restera longtemps en mémoire. Un très joli film qui simpose sans conteste comme le meilleur de septembre et lun des meilleurs de lannée.
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