Louise Michel
« Et surtout dites leur bien que je les aime. Que je les aime énormément »
Quelque part en Picardie, Louise, ex-taularde un peu mutique, travaille comme ouvrière dans une usine de cintre. Jusquau jour où son patron vide sans prévenir son usine dans la nuit pour la délocaliser. Abattues et désabusées, les ouvrières préparent demblée une action en justice. Alors quelles réfléchissent à la façon la plus judicieuse dutiliser leur maigre dédommagement, Louise propose de mettre leur argent en commun et dembaucher un professionnel afin de tuer leur ex-patron. Ne reste plus quà trouver un tueur à gages professionnel, digne de ce nom et pas trop cher, afin dexécuter le contrat
« Putain Michel ! Soit un homme au moins une fois dans ta vie ! »
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Piliers de lémission satyrique « Bienvenue au Groland », Benoit Delépine et Gustave Kervern co-réalisent leur troisième film en quatre ans après « Aaltra » (2004) et « Avida » (2006). Si le titre du film est ouvertement une référence à lanarchiste Louise Michel, figure emblématique de la Commune de Paris, il ne sagit pas pour autant dun biopic lui étant dédié. A lorigine du projet, on retrouve un fait divers survenu dans la région dAngoulême il y a quelques années, où un patron peu scrupuleux avait offert de nouvelles tenues de travail à ses ouvrières avant de déménager son usine vers lEurope de lest le week-end suivant. A linstar de ses deux prédécesseurs, « Louise Michel » est produit par Mathieu Kassovitz. A noter que le film a été présenté dans de nombreux festivals (Rome, Londres) où il a été primé (meilleur scénario au Festival de San Sebastian), et quil sera présenté au prestigieux Festival de Sundance.
« Si vous en avez marre, vous navez quà buter votre patron vous-même, je ne suis pas Robocop moi ! »
Quand deux trublions issus de la meilleure émission satyrique de la télé (Groland) sattaquent à un sujet dactualité brûlant (la délocalisation sauvage), ça donne forcément un film alléchant et méchant. Dautant quavec lesprit provocateur quon leur connaît, ils baptisaient leur film du nom de la plus célèbre communarde, comme un clin dil malicieux pour nous rappeler que la lutte entamée près dun siècle et demi plus tôt nétait pas terminée. Mais cétait sans se rappeler que les deux réalisateurs avaient déjà par le passé réalisé deux films encensés par la presse mais dont labsurdité les rendaient irregardables. Respectant à merveille cette vieille règle des séries (jamais deux sans trois), cest avec la plus grande déception que nous assistons donc à un film qui avait tout pour être une bombe et qui accouche dun pétard mouillé. Car au fond, aussi absurde soit-elle, la réflexion du film savérait plutôt pertinente (il y a plus dhumanité chez un tueur à gages pataud et chez ses commanditaires désespérées et désabusées que chez ce patron voyou et sans éthique). Mais ce qui peut paraître drôle dans un format très court de type sketch ne sadapte clairement pas ici à un format de long métrage. Bien sûr, le cynisme affiché fait parfois sourire (le patron et son DRH qui se foutent de la gueule des ouvrières avec une condescendance hallucinante). Mais jouant la carte de labsurdité à fond, les deux réalisateurs mettent ainsi au supplice les spectateurs, obligés dassister à dinterminables scènes sans queue ni tête et dune bêtise sans nom (la partie ciseau-pierre-papier, le contremaitre qui hurle « maman » en tenant une poignée de porte tout en observant Louise plumer un pigeon, ou encore le rire débile de Louise regardant « Aglae et Sidonie »). Le tout couronné par un niveau général dinterprétation au ras des pâquerettes, les acteurs en faisant des tonnes dans labsurde et la surenchère, à lexception peut-être de Boulli Lanners. Sans parler de lesthétique volontairement laide et glauque de lensemble, qui narrange rien. On attendait vraiment mieux de cette fresque sociale engagée, quon espérait tonitruante et politiquement incorrecte. Une très très grosse déception.
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