Les noces funèbres
« De ma main, je chasserais votre peine, votre coupe ne sera jamais vide car je serais votre vin. Avec cette bougie, jéclairerais votre chemin dans lobscurité. Avec cette alliance je vous demande dêtre mienne »
Europe de lest, XIXème siècle. Dans une petite bourgade de province, on sapprête à célébrer les noces de Victor et de Victoria. Mariage purement arrangé entre deux jeunes gens qui ne se connaissent pas, celui-ci doit permettre à la famille Van Dort, riches commerçants et parents de Victor, daccéder à un rang social supérieur, et à la famille Everglott, parents de Victoria et accessoirement nobles sans un sous, de retrouver une certaine santé financière. Sil semble que le coup de foudre sempare de nos deux futurs mariés, Victor, quelque peu stressé et maladroit avec le protocole finit par aller répéter ses vux dans la forêt. Mais en passant lalliance à une branche en guise dentraînement, il ne pensait pas se retrouver marié à une défunte suite à un mauvais sort. Entraîné dans le monde des morts, il y découvre un monde coloré et joyeux. Mais il ne parvient pas à oublier Victoria
« Un toast à Emily, toujours le témoin, jamais la mariée »
Tim Burton est définitivement lun des réalisateurs les plus atypiques dHollywood. Alors quil est en plein tournage de « Charlie et la chocolaterie », il supervise en même temps la conception dun autre de ses films, « Les noces funèbres ». Pour son deuxième long en « Stop motion » (technique danimation consistant à prendre des clichés de chaque position du sujet, ici des marionnettes, et de les mettre à la suite de manière accélérée pour créer un mouvement) après « Létrange Noel de Monsieur Jack » (1994), il a choisit de porter à lécran un conte dont il est lauteur, inspiré dune légende russe sur un prince qui épousa une défunte.
« Ne vous inquiétez pas, vous nendurerez ce mariage que jusquà ce que la mort nous sépare ! »
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On y retrouve une thématique forte chez Burton, à savoir le passage de la vie à la mort (« Beetlejuice »), avec toujours une certaine vision de la mort, plus colorée et délirante que le monde des vivants. Dans un mélange des genres phénoménal, brassant entre autre conte, romance, et comédie musical, Burton signe un film très abouti, qui ne sombre jamais dans aucun cliché moraliste ou dans les sentiments faciles, caractéristiques de lanimation pour enfants. Dans un univers en perpétuelle innovation visuelle, Burton dessine deux univers en opposition, le monde des vivants, sinistre, froid, et aux couleurs ternes, et le monde des morts, chatoyant, coloré, et toujours enclin à la fête. Cest dans ce mélange des genres, dans la coexistence des univers oniriques et gothiques, que la force poétique de ce film réside. Les personnages principaux, sont aussi présentés de manière très attachante, que ce soit Victor, le timide maladroit, Victoria, lamoureuse discrète, ou la Mariée, personnage du monde des morts mais ô combien solaire, caractérisé par une joie de vivre et daimer qui cache une mélancolie plus profonde.
« - Alfred vous êtes mort depuis quinze ans
- Franchement ma chère, en cet instant précis, cest le cadet de mes soucis ! »
Les acteurs prêtant leur voix à ces personnages sont excellents. A commencer par Johnny Depp, dont le personnage semble avoir été écrit pour lui, tant le visuel même de Victor lui ressemble. A ses côtés, Helena Bonham-Carter offre tout son côté pétillant au personnage de la Mariée, alors que Emily Watson offre son petit filet de voix à une timide et romantique Victoria. On retiendra également la grosse voix grave de Christopher Lee, comme toujours parfait, qui résonne dans le rôle du vieux prêtre. Avec beaucoup dintelligence, Burton distille des jolis moments dhumour et de tendresse pour dédramatiser un sujet où la mélancolie est toujours latente. Les personnages du ver ou des squelettes qui chantent ou celui de Napoléon, sont là pour ça. On appréciera également les jolis passages musicaux, signés Danny Elfman. Tels des moments de bravoure, les chansons, tantôt truculentes, tantôt mélancoliques, ajoutent encore au magnifique écrin qui nous est offert. La musique intervient ici comme une liberté, comme un moment de partage. Il ny a quà voir la main de la Mariée, qui semballe toute seule sur un duo au piano, pour voir combien cette musique est vecteur dun romantisme échevelé.
« Un cur qui a cessé de battre peut-il encore se briser ? »
Avec une réalisation des plus soignées, une animation superbe et prodigieuse, Burton signe ici un de ses meilleurs films. Intelligent, brillant, son scénario mêle habilement poésie, rêve et univers gothique. Thématique joyeusement sombre, la confrontation du monde des vivants et de celui des morts permet à Burton de renouer avec un sujet quil affectionne particulièrement. Linteraction entre les vivants sinistres comme des morts, et les morts parfaitement joyeux et plein de vie, permet un joyeux spectacle visuellement très créatif. Tour à tour drôle, romantique, et émouvant, ces « Noces funèbres » sont un véritable régal. A voir absolument !
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