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29 Jun

La troisième partie du monde

Publié par platinoch  - Catégories :  #Inclassables

« - Tu m’aimes pour ma coupe de cheveux ? C’est absurde ! On aime pas les gens pour ça !

   - J’ai jamais dit que je t’aimais »

Emma, une jeune femme mystérieuse, se découvre peu à peu un pouvoir étrange : à son contact, ses amants disparaissent. François, astronome spécialisé dans l'étude du phénomène des trous noirs, rencontre Emma dans un aéroport. Il tombe aussitôt amoureux de cette jeune femme belle et fascinante. Une idylle se noue entre les deux jeunes gens. Mais au bout de quelques jours, François disparaît sans laisser de traces. Avec l'aide de Michel, le frère de François, Emma cherche à percer le mystère de cette disparition - sans se douter qu'elle y est peut-être pour quelque chose…

« Un trou noir, c’est comme un tunnel qui n’aurait pas d’issue. Une fois que vous êtes dedans, c’est fini, vous ne pouvez pas en sortir »

Diplôme de Science Po Toulouse et de la prestigieuse Fémis, Eric Forestier – qui avait signé quatre courts métrages depuis l’année 2000 – réalise avec cette « Troisième partie du monde » son premier long métrage. Un film qu’il veut ouvertement placé à la croisée des genres (Romance, fantastique, scientifique, thriller) et des influences, qu’elles soient Freudiennes pour les théories relatives à l’absurdité de la vie et du monde, ou Hitchcockienne pour la construction formelle du film. Rien que ça. Reste que Forestier aura réussi l’exploit pour son premier long de réunir devant sa caméra deux des plus grands espoirs français de leur génération, en l’occurrence Clémence Poésy et Gaspard Ulliel.

« Le vrai problème des trous noirs, c’est qu’on ne sait pas ce qu’il y a au fond, ni ce qui se passe quand on est à l’intérieur »

Si l’intention de nous proposer un film évoluant hors des sentiers battus d’un cinéma largement banalisé était louable, le pari du réalisateur novice était néanmoins des plus risqués. En effet, évoluant à la lisière de plusieurs genres cinématographiques, passant coup sur coup de la romance au film à la portée plus métaphysique, « La troisième partie du monde » avait tout du défi casse gueule. Si le film lorgnait ouvertement sur « The fountain » d’Aronovski, le peu d’expérience du réalisateur sera néanmoins fatal à ce premier film. Tout d’abord, il y a ce couple qui ne fonctionne pas : outre le manque de complicité évident des deux interprètes, il y a également cette genèse de la rencontre à laquelle on adhère pas du tout, de la rencontre dans l’aéroport à la précipitation des évènements (la fuite improvisée dans la maison de campagne) et des sentiments (absurde demande en mariage au bout de quelques heures). De même que la tournure de la relation entre l’héroïne soit disant traumatisée et le frère du disparu. Mais plus que tout, le réalisateur nous propose une sorte de fil rouge centrée sur la théorie physique et scientifique des trous noirs (ici symbolisant le sexe féminin), qui sert de support à tout un tas de réflexions métaphysiques et psychanalytiques un peu fumistes. Le tout porté par des dialogues d'une rare platitude ("tu es tellement belle que ça me fait mal", "Vous êtes très profonde"). D’autant plus que l’héroïne, sorte d’Amélie Poulain d’un cinéma faussement subtil, vit ses graves évènements avec une rare et improbable désinvolture (la scène où elle vente les produits monoprix tandis que son amant est en crise vaut son pesant de cacahuètes!!!). Mais là où le réalisateur se paye clairement la tête de son spectateur, c’est bien dans son incapacité à conclure son film, achevant sa fin sans donner la moindre explication sur le phénomène, sans lever le moindre mystère (le disparu n’est pas mort, on ne sait pas pourquoi il a disparu ni s’il reviendra, ni quel étrange mal possède l’héroïne), laissant les spectateurs sur leur faim, perdus au milieu d’un néant absolu, sans leur expliquer sa démarche, sa réflexion et ce vers quoi il voulait les emmener.

« Vous croyez qu’on peut rêver qu’on fait du mal à quelqu’un et que ça lui arrive vraiment ? »

Sur la forme, le choix d’une narration déstructurée s’avère intéressante, et pour le coup semble plutôt convaincante. Mais la mise en scène, d’une symbolique bien lourdingue (le trou noir pour symboliser le sexe féminin, une porte d’appartement qui refuse de s’ouvrir pour symboliser l’entrée sur une autre dimension, qu’on peut penser plus métaphysique), et d’un paranormal de pacotilles façon Paco Rabane annonçant la fin du monde, sent à plein nez la bonne grosse fumisterie donnant à ce film un alibi de cinéma intello-poétique. Cette sensation est confortée par quelques scènes psychédéliques franchement kitschs et cheaps, comme ses images de couleurs se diffusant dans l’eau. L’interprétation n’est pas non plus au beau fixe, avec notamment une Clémence Poésy pas très à l’aise dans ce rôle de godiche évanescente, qui ne parvient à nous émouvoir que lors de la scène finale où elle pleure dans les bras d’une improbable jardinière japonaise. Gaspard Ulliel hérite d’un rôle finalement très court, mais ses minauderies et ses airs détachés restent assez justes. Les autres seconds rôles sont assez moyens, notamment Eric Ruf et Maya Sansa. Seul Jean-Luc Bideau, dans un rôle assez anecdotique, apporte une petite touche de folie bienvenue à l’ensemble. Sorte d’ovni totalement soporifique et dépourvu d’intérêt (du moins sur le fond), cette « Troisième partie du monde » n’est rien d’autre qu’une vaste fumisterie masquant son vide sidéral par des faux airs de cinéma cérébral et branché. A éviter, histoire de ne pas perdre 1h45 de sa vie devant cet étrange objet cinématographique qui s’apparente lui-même à un trou noir sans fond.

  



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Le site sans prétention d'un cinéphile atteint de cinéphagie, qui rend compte autant que possible des films qu'il a vu!