Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
29 Mar

A bord du Darjeeling Limited

Publié par platinoch  - Catégories :  #Drames

« Je vous remercie d’être venu. Vous êtes les personnes les plus importantes pour moi. Ce voyage est l’occasion de changer nos vies. On en a bien besoin. »

Trois frères qui ne se sont pas parlés depuis la mort de leur père, décident, à l’invitation de l’un, de faire un grand voyage en train à travers l’Inde, afin de retrouver et de renouer les liens qui les unissaient par le passé. Pourtant, leur « quête spirituelle » va dérailler, du fait des trop nombreuses rancœurs, des non-dits, et du caractère de chacun, laissant les trois frangins sur le bord de la voie ferrée avec leur montagne de valises. Dans ce pays si différent du leur, si riche en imprévu, chaque rencontre et chaque événement va les pousser à faire un travail intérieur qui leur permettra de se retrouver et de faire la paix entre eux mais aussi avec la vie en général…

 

.

« - On ne sait pas où on est. On arrive pas à se localiser. Le train s’est perdu…

   - Impossible : il est sur les rails »

.

 

Petit prodige du cinéma indépendant américain, Wes Anderson a su se construire un univers bien à lui, mélange de créativité d’un visuel joyeusement coloré et décalé qui contraste avec les problèmes existentiels et relationnels auxquels ses personnages sont en proie. Après avoir signé quelques films remarqués, comme « La famille Tenenbaum » (2001) ou « La vie aquatique » (2004), il nous revient avec son cinquième long, « A bord du Darjeeling Limited ». Un film qui confirme la fidélité du réalisateur envers une petite famille de comédiens présents jusqu’ici dans la quasi totalité de ses films, comme Jason Schwartzman, Owen Wilson, Bill Murray, ou encore Anjelica Huston. Conformément aux souhaits du réalisateur, le film aura été tourné dans sa très grande majorité en Inde, dans la région du Rajasthan. Refusant de reconstituer en studio l’intérieur du train, le tournage aura constitué un défi constant pour l’équipe technique, devant aménager les espaces pourtant contigus du train pour y placer caméra, lumière, et tout le matériel sans que cela ne se voit à l’écran, tout en tenant compte du fait que l’extérieur du train n’était pas modulable en raison des arbres et autres pylônes longeant de près la voie ferrée et empêchant tout aménagement technique extérieur. A noter que le film a été présenté en compétition à la Mostra de Venise 2007.

« - C’est quoi ton problème ?

   - Je vais y réfléchir. Promis, je te redis ça la prochaine fois »

Il y a quelque chose de créatif, de coloré, et de généreusement loufoque qui fait qu’on a une envie folle d’aimer chaque nouveau film de Wes Anderson. Et pourtant, à chaque fois, on en arrive au même constat mitigé, où pointe une petite déception quant au fait que l’on ai pas réussi à pénétrer pleinement dans l’univers du cinéaste. Ce voyage initiatique « A bord du Darjeeling Limited » ne fait hélas pas exception à la règle. Pourtant, entre les personnages cabossés, décalés et profondément attachants, la tonalité particulière du film, alternant séquences franchement humoristiques et séquences beaucoup plus mélancoliques, voire dramatiques, et cette vision chatoyante de l’exotisme, entre réalisme (pauvreté, mort) et fantasme (train façon Orient-Express, image d’un luxe suranné), tous les éléments semblaient ici réunis pour que l’ensemble fonctionne. Mais à l’image d’un préquel parisien – « Hôtel Chevalier » - parfaitement inutile bien que joli et sensible (qui montre le personnage de Jack en proie à une histoire d’amour qui ne marchera pas mais dont il ne peut se résoudre à mettre fin), le film se perd dans des flots d’élitisme et de nombrilisme, qui laissent une bonne partie des spectateurs en dehors du train, sur le bas coté de la voie ferré. Comme si le but d’Anderson était de faire des films « jolis » et branchés, privilégiant les private jokes avec ses potes, sans y convier les spectateurs. Ainsi les séquences les plus absconses s’enchaînent (la séquence interminable de la voiture paternelle au garage, ou celle des danses en pleine nature précédant l’improbable cérémonie du la plume de paon), venant ternir et alourdir un ensemble profondément mélancolique, où quelque scènes font figures de petits bijoux émotionnels (la scène où Owen Wilson retire ses bandages, ou celle de la mort de l’enfant dans la rivière). Sans sombrer dans le pathos, le film, qui est de surcroit beaucoup trop long, aurait gagner à voir ces scènes considérablement réduites, pour se recentrer sur l’essentiel, à savoir les retrouvailles entre ces trois frères, et la route qu’ils font pour retrouver leur mère.

« - On aurait pu être amis dans la vraie vie ?

   - Probablement. On aurait eu sans doute plus de chances »

Wes Anderson nous prouve une fois de plus qu’il a un sens inouï de la mise en scène. Ses cadrages serrés, ses mouvements de caméra très fluides, sa photographie magnifique, sa manière de mettre en valeur les paysages, sa bande musicale géniale, sont autant d’éléments qui font que cette mise en scène est léchée, inspirée et stylée. Le travail sur les couleurs, les décors et les costumes sont également l’occasion de voir l’étendu de la créativité d’Anderson. Coloré, à la fois moderne et suranné, son train totalement intemporel qui se perd dans le désert en est le parfait exemple. Ses comédiens se montrent également à la hauteur de la tâche, avec une mention particulière pour Jason Schwartzman, tout en intériorité, qui se montre comme étant probablement le plus émouvant. Le nouveau venu de la bande, Adrian Brody, confirme également l’étendu de son talent, se montrant à la fois précieux dans le registre dramatique, et nous prouvant qu’il est tout aussi performant et crédible dans les passages plus légers (genre auquel il n’est pas coutumier). Sans être mauvais, loin de là, c’est finalement Owen Wilson qui brille le moins des trois. Dans les rôles secondaires, Natalie Portman est particulièrement touchante dans le préquel « Hôtel Chevalier », tout comme Anjelica Huston, d’une parfaite justesse en mère de famille autoritaire et égoïste. Avec autant de talent, dommage qu’elle soit aussi rare au cinéma. Mais cette mise en scène de qualité, à laquelle certain reprocheront peut être un certain esthétisme un peu « bobo » (valises griffées, vision parcellaire, et par moment un peu « idyllique » ou « angélique » de la société indienne), ne parvient pas cependant à masquer l’opacité et l’imperméabilité d’un scénario qui semble trop souvent ne vouloir s’adresser qu’à ceux qui sont à l’écran. Un peu plus de générosité et d’altruisme auraient été les bienvenus pour que tout le monde puisse prendre part à ce voyage pas désagréable, mais quand même un peu surestimé et vain.

  



Commenter cet article
P
Premier Wes Anderson, j'ai adoré !!!
Répondre
P
Moi j'ai été totalement conquis par l'ambiance mi-absurde mi-mélancolique de l'ensemble. Je trouve au contraire ce film très généreux et très ouvert. Et puis il aborde le sujet du deuil d'une très jolie manière.
Répondre
M
Comme Bob Morane, exactement la même réaction à la sortie de la salle. Ce n'est pas nul mais c'est une très grande déception. D'où la seule petite étoile que je lui est mis. Je ne l'aurais pas attendu aussi longtemps, peut être qu'il en aurait eu deux ! En tout cas, on ne sait pas quoi penser en sortant de la salle, le film n'est pas nul mais on ressort sans émotions particulières...
Répondre
B
Tu m'enlèves les mots de la bouche. C'est exactement ce que j'ai ressenti en sortant du film. Je n'arrivais pas à me dire que c'était nul, sans trouver le moyen de trouver ça génial. En fait, je me suis totalement senti exclu de l'histoire, sans même être dans le rôle du voyeur. Des longueurs, souvent inutiles, cassent le rythme et gachent l'ambience. Et puis cette opacité, cette froideur entre le réalisateur et nous...
Répondre

Archives

À propos

Le site sans prétention d'un cinéphile atteint de cinéphagie, qui rend compte autant que possible des films qu'il a vu!