Marchands d'illusions
« Largent na que la valeur quon veut bien lui donner ! »
1947. La guerre est finie, Victor Norman est démobilisé et rendu à la vie civile. Autrefois jeune publiciste talentueux, il aspire à retrouver rapidement un emploi prestigieux où il pourra mettre ses talents à profits.
Embauché dans une prestigieuse agence de publicité de la mythique Madison Avenue, il doit convaincre une veuve de guerre de devenir le nouveau visage dune publicité pour un savon de beauté. Il ne tarde pas à tomber amoureux delle. Compte tenu de leur différence de classe sociale, il met un point dhonneur à devenir indispensable. Mais il doit faire face au tyrannique M. Evans, généreux client propriétaire de la marque de savon.
« Quest-ce que lAmérique pour nous ? Un immense espace entre New York et Hollywood peuplé de potentiels clients »
Des « Révoltés du Bounty » à « Autant en emporte le vent » en passant par « New York Miami », qui lui valut son seul Oscar, Clark Gable fut le roi incontesté du Hollywood des années 30. Une ascension fulgurante, néanmoins stoppée par le décès brutal de son épouse Carole Lombard à la suite duquel il s'engage volontairement dans l'armée pendant la seconde guerre mondiale. Démobilisé en 1945, Gable est toujours une star, mais peine à revenir tout en haut de l'affiche, en acceptant des films médiocres (« L'aventure »). En 1947, il retrouve le succès grâce au réalisateur Jack Conway, qui l'a déjà dirigé à de nombreuses reprises (« Saratoga » en 1937, « Un envoyé très spécial » en 1938, « La fièvre du pétrole » en 1940 ou encore « Franc jeu » en 1941) et son « Marchands d'illusions ». Gable y trouve un rôle sur mesure, celui d'une ancienne gloire de la publicité revenant de la guerre et devant redémarrer de zéro. Satyre sociale brocardant l'hypocrisie et la futilité du milieu de la publicité, « Marchands d'illusions » s'inscrit parfaitement dans l'état d'esprit de l'immédiat après guerre. Ainsi, amoureux d'une veuve de général issue d'un milieu social plus élevé, le héros va ainsi s'employer de manière obsessionnelle à gagner ses contrats pour s'assurer de gros revenus. Quitte à escroquer, insulter ou faire chanter ses amis d'hier. Ou à subir servilement les humiliations d'un client tyrannique. Mais avec la guerre les temps ont changé (sa garçonnière romantique de bord de mer est devenue un bouge glauque). Et les hommes avec. Se rendant compte de ses excès, n'acceptant plus de se plier aux règles d'un jeu des plus hypocrites, le héros préfère finalement jeter l'éponge avec panache. Et pendant que l'Amérique enterre ses morts, sa dulcinée nous rappelle que le bonheur n'est pas affaire d'argent, mais de pouvoir être avec ceux que l'on aime. Un message finalement en avance sur son temps pour un film qui a au contraire pris un petit coup de vieux. D'autant que pour ne rien arranger, il s'avère particulièrement long. Tout juste est-il sauvé par la stature de Clark Gable, tiraillé entre la gracile et charmante Deborah Kerr et la débutante Ava Gardner (en même temps, il y a pire comme situation!), et un casting au diapason (Adolf Menjou et Sydney Greenstreet notamment).
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