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13 Oct

Montgomery Clift, l'étoile filante

Publié par platinoch  - Catégories :  #Hommage

Edward Montgomery Clift est né le 17 octobre 1920 à Omaha, Nebraska. Fils d’un père banquier et homme d’affaires, et d’une mère issue de la haute société, il a un frère et une sœur jumelle. Malgré une enfance aisée, durant laquelle sa mère veut faire de ses enfants de parfaits petits aristocrates, Montgomery n’aura pas une enfance heureuse. Sa mère, qui ne supporte plus son mari, part avec ses enfants pour l’Europe, pendant que ce dernier part fructifier son capital à New York. De ce long voyage et de cette longue séparation, Montgomery gardera des facilités pour les langues (il parle à peu près français, italien et allemand), et surtout un caractère renfermé et solitaire, ayant du mal à se faire des amis.

                                                      

 

La crise de 29 et les difficultés financières de M. Clift obligent la petite famille à rentrer au pays. Un retour qui satisfait le jeune Montgomery, qui demeure un enfant frêle à la santé fragile. Très tôt, il se découvre une passion pour le théâtre et pour les planches. Repéré très jeune par le directeur d’une troupe, il fait ses début à Broadway alors qu’il n’est encore qu’un adolescent (il joue dans « Fly away home » alors qu’il n’a même pas 15 ans). Se piquant vraiment au jeu, choisissant judicieusement ses rôles, il va connaître une période faste, devenant l’une des valeurs sûres de Broadway pendant près de dix ans. Dix années de succès critiques et publics qui attireront l’attention des studios hollywoodiens qui lui mènent une cour assidue. En vain. Prenant du plaisir sur scène et plus encore à travailler ses rôles, Clift côtoie ainsi toute une génération de comédiens et de metteurs en scène brillants, parmi lesquel Elia Kazan. Une ombre au tableau apparaît cependant en 1942, Clift étant obligé d’abandonner la pièce de Kazan en raison d’une crise de colite. Plusieurs semaines de convalescence lui seront nécessaires et c’est à ce moment-là que Montgomery commencera à prendre des quantités de médicaments.

                  

 

Humble, travailleur, fier et intègre, Montgomery Clift ne veut pas partir à Hollywood à n’importe quel prix. Il a l’ambition de faire une belle carrière mais veut choisir ses rôles et ses films sans se compromettre. Mais sous la pression d’une mère omniprésente et étouffante qui contrôle sa vie, l’obligeant un peu plus à cacher son homosexualité, et une lassitude de Broadway où son talent insolent lui valent quelques jalousies, il voit dans l’offre qui lui est faite de jouer dans le prochain film de Howard Hawks comme un signe. Bien que novice en terme de western, il se préparera avec beaucoup d’enthousiasme et donnera ainsi la réplique au déjà légendaire John Wayne dans « La rivière rouge » (1948). Sa performance sensible et fragile, loin des héros standards de l’époque, viriles et machos, impose un nouveau type de héros au cinéma. Il impose ainsi le respect à un Wayne déconcerté. Ses prestations du même calibre dans « Les anges marqués » (Zinnemann – 1948), qui lui vaut sa première nomination aux Oscars, « L’héritière » (Wyler – 1949), ou encore « La ville écartelée » (Seaton – 1950) aux côtés de Paul Douglas, l’imposent définitivement comme le jeune premier le plus talentueux du moment auprès du public et de la critique. C’est aussi le début pour lui d’une période qu’il vit mal, traqué jusque chez lui par des fans hystériques et obligé par les studios de s’afficher à toutes les occasions publiques avec une succession de starlettes.

             

 

Commence alors la période faste de sa carrière, période qui s’ouvre avec le tournage de « Une place au soleil » (Stevens – 1951), qui lui vaut une deuxième nomination aux Oscars, et sur lequel il rencontre une jeune débutante de 17 ans, qui tombe éperdument amoureuse de lui, Elizabeth Taylor. Jouant d’abord les cyniques désabusés face à elle, il se laissera prendre peu à peu gagné par la sincérité de la jeune femme, qui jusqu’au bout sera sa plus fidèle amie et son plus fidèle soutient. Le film est un énorme succès et la performance de Clift est unanimement saluée. Il inspire ainsi une nouvelle génération de jeunes comédiens qui revendiquent une sensibilité accrue et l’interprétation d’hommes qui ont enfin le droit de douter. Parmi eux, on y retrouve Marlon Brando et James Dean, ce dernier signera ses autographes « Jimmy Clift Dean ». Mais le succès montant lui fait prendre des mauvaises décisions : il accepte ainsi des rôles dans des films moyens (« Station terminus » de De Sica en 1954), ou qui ne sont pas des succès de premier plan (« La loi du silence » de Hitchcock en 1953), et refuse des premiers rôles dans des films de premier plan tel que « Sunset Boulevard » de Wylder.

                       

 

Il retrouve la joie de jouer et le succès avec « Tant qu’il y aura des hommes » de Zinnemann (1953), où il est en tête d’affiche devant un parterre de stars comme Burt Lancaster, Franck Sinatra, Ernst Borgnine, ou encore Deborah Kerr. Sa prestation lui vaut d’ailleurs d’être nommé à l’Oscar du meilleur acteur, récompense qui lui échappe au profit de William Holden pour « Stalag 17 » de Wylder. Néanmoins, le succès revenu lui vaut de se voir proposer tous les grands films du moment. S’il refuse « Sur les quais » de Kazan, il accepte « L’arbre de vie » de Dmytryk (1956), où il partage de nouveau l’affiche avec Liz Taylor. C’est d’ailleurs en revenant de chez elle au soir du 12 mai 1956 qu’il est victime d’un terrible accident de voiture (quelques semaines seulement après l’accident fatal de son protégé James Dean, nouvelle qui l’a terriblement affecté). Laissé pour mort, il en sort totalement défiguré, son visage aux traits parfaits qui avait contribué à son succès étant totalement détruit. Protégé de la presse par ses amis Liz Taylor et Rock Hudson, il subit de nombreuses opérations prodiguées par les meilleurs chirurgiens esthétiques du pays, qui lui resculptent un visage en quelques semaines. En outre, les muscles et les nerfs du côté gauche de son visage sont morts, et sa mâchoire ne tient que par un fil métallique. Anéanti par son nouveau visage dans lequel il ne se reconnaît pas, Clift accentue encore un peu les quantités d’alcool et de médicaments qu’il consommait déjà avec excès.

                                       

 

Constamment ivre, Clift, qui croit être devenu laid et qui a perdu sa confiance et son estime en lui-même, est donné pour fini par la profession. Il arrive néanmoins à décrocher l’un des rôles principaux du « Bal des maudits » de Dmytryk (1958) et est ravi à cette occasion de partager l’affiche avec Brando. Malgré sa composition irréprochable, les penchants éthyliques de l’acteur font peur aux studios et aux assurances. Il accepte de jouer dans le dispensable « Cœurs brisés » de Donahue (1959), refuse « La chatte sur un toit brûlant » de Brooks, et obtient par le biais de Liz Taylor le rôle principal de « Soudain l’été dernier », film couronné de succès de Mankiewicz (1959). Sa remarquable prestation lui vaut d’enchaîner avec des films réussis comme « Le fleuve sauvage » de Kazan (1960), « Les désaxés » (Huston – 1961), où il livre une extraordinaire composition de cow-boy usé et désabusé, et au cours duquel il rencontre Marilyn Monroe avec qui il nouera une brève mais forte amitié, ou encore « Jugement à Nuremberg » de Kramer (1961), où sa performance intense mais brève, lui vaudra sa dernière nomination aux Oscars, cette fois-ci pour un second rôle. Devant ses dernières prestations, Huston insiste pour qu’il accepte le rôle de « Freud, passions secrètes » (1962). Mais le tournage, long et fastidieux, est un désastre, les relations entre les deux hommes étant plus que jamais conflictuelles, et Monty sombre plus que jamais dans l’alcool et la dépression. En conflit avec les studios qui le donnent pour fini, Clift n’est plus qu’une épave, alcoolique et dépressif, incapable de tenir un rôle sur la durée ni d’assurer une journée complète de tournage. La traversée du désert qui l’attend est le début de la fin. Une fin marquée par l’abandon de la plupart de ses amis. Une nouvelle fois, c’est Liz Taylor qui se battra comme une lionne pour lui obtenir un rôle à ses côtés dans « Reflets dans un œil d’or » de Huston. Mais Montgomery Clift doit pour ça refaire ses preuves devant une caméra. C’est ce qu’il fait en acceptant de jouer dans « L’espion », film sans intérêt de Raoul Levy (1966). Malheureusement il ne jouera jamais dans un quatrième film avec son amie Liz Taylor, le destin en ayant décidé autrement. Il décède, esseulé, d’une crise cardiaque, le 22 juillet 1966.

                               

 Malgré une filmographie finalement assez courte, 17 films en 20 ans, Montgomery Clift restera à jamais l’image du renouveau Hollywoodien, faisant évoluer l’image des jeunes premiers, jusqu’ici très virils et machos, vers des personnages plus fragiles et vulnérables. Ayant joué pour les plus grands de son époque (Huston, Hawks, Mankiewicz, Zinnemann, Dmytryk, De Sica, Hitchcock, ou encore Kazan), Clift, acteur au jeu si fin, aura certainement été le comédien le plus doué de sa génération. Sorte d’étoile filante dans le ciel étoilé d’Hollywood, son jeu aura inspiré les plus grands, tels que Brando, et semble faire encore des émules de nos jours, avec des comédiens au jeu fin et subtil, tels que Edward Norton ou Ryan Gosling. C’est bien là la marque des géants. 



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T
J'aime beaucoup cet acteur. Je l'apprécie plus particulièrement dans Tant qu'il y aura des hommes et dans Les Désaxés.
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F
Je n'avais pas encore vu cette bio. Je te remercie de remettre en lumière cet acteur écorché, profondément touchant comme artiste et comme homme.
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B
Y'a pas à dire, c'était un grand comédien et mérite ce bel hommage dans ce blog.
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