Nahid
Un grand merci à Memento Films pour m’avoir permis de découvrir et de chroniquer le DVD du film « Nahid » d’Ida Panahandeh.
« On peut parler à une femme sans avoir de compte à rendre dans ce pays ? »
Nahid, jeune divorcée, vit seule avec son fils de 10 ans dans une petite ville au bord de la mer Caspienne. Selon la tradition iranienne, la garde de l’enfant revient au père mais ce dernier a accepté de la céder à son ex-femme à condition qu'elle ne se remarie pas. La rencontre de Nahid avec un nouvel homme qui l'aime passionnément et veut l’épouser va bouleverser sa vie de femme et de mère.
« Vous voulez une véritable épouse ou un mariage temporaire qui ressemble à un abonnement ? »
Pays considéré comme étant plutôt fermé et replié sur lui-même depuis la Révolution islamique il y a près de quarante ans, l’Iran surprend depuis quelques années par la qualité de sa production cinématographique, et notamment de son cinéma d’auteur, qui fait le bonheur des grands festivals internationaux. En effet, si pendant de nombreuses années, le cinéma iranien semblait – sur la scène internationale du moins – limité à l’œuvre du regretté Abbas Kiarostami (décédé ces derniers jours), une nouvelle génération de jeunes réalisateurs semble émerger de son ombre tutélaire depuis une dizaine d’années. Avec comme point commun de porter un regard acerbe et critique sur la société iranienne actuelle. A l’image des films d’Ashgar Farhadi et notamment du succès international de son film « Une séparation » (2010). Mais l’industrie cinématographique iranienne a aussi la spécificité de compter de nombreuses femmes dans ses rangs, qu’il s’agisse de réalisatrices (on pense notamment à Hana Makhmalbaf, réalisatrice du film « Le cahier ») ou de scénaristes. Nouvelle venue sur la scène cinématographique iranienne, la jeune réalisatrice Ida Panahandeh signe avec « Nahid » des débuts remarqués. Présenté à Cannes dans la catégorie « Un certain regard », son premier long a été primé du Prix spécial.
« Mon problème ? Tu as foutu en l’air dix ans de ma vie, le voilà mon problème ! »
Comme la plupart des films iraniens qui arrivent sur nos écrans, « Nahid » est avant tout une chronique sociale qui s’intéresse à un phénomène méconnu, à savoir le mariage temporaire, une spécificité de la société iranienne. Reprenant un peu les mêmes thèmes que ceux qui étaient développés dans « Une séparation » d’Ashgar Farhadi, le film d’Ida Panahandeh pose ainsi un regard critique et sans concession sur la société iranienne et notamment sur la condition de la femme au travers du personnage de Nahid, mère célibataire autant que mère courage, tiraillée entre les deux hommes de sa vie : celui qu’elle aime et qu’elle ne peut épouser sous peine de perdre la garde de son fils, qui reviendrait alors à son ex-mari comme le prévoit la loi. L’occasion pour la réalisatrice de pointer du doigt les hypocrisies d’un système et d’une société largement machiste et dure envers les femmes, et où les médisances et le jugement permanent des autres empêchent toute possibilité d’accéder au bonheur. Un système d’autant plus hypocrite que, comme le montre la réalisatrice, ce sont beaucoup les femmes qui travaillent et qui servent pendant que les hommes fument, jouent, parient et critiquent. A l’image de ces femmes peinant pour monter un canapé par les escaliers sous le regard goguenard des hommes qui ne proposent pas leur aide. A ce titre, « Nahid » est un joli portrait de femme, à la fois forte, battante et insoumise, interprétée avec grâce par la comédienne Sareh Bayat. Un film à la résonance féministe forte, qui sonne comme un vibrant plaidoyer pour la liberté des femmes. Mais « Nahid », c’est aussi une jolie (et néanmoins tumultueuse) histoire d’amour entre une femme divorcée et un veuf progressiste, symbole de l’espoir de la réalisatrice en des lendemains meilleurs. Souvent âpre, le film se révèle souvent touchant et bénéficie à ce titre d’un scénario très bien écrit, très humain, qui donne lieu à quelques moments particulièrement poignants (la scène dans la cuisine avec le couteau, celle où Nahid ne peut réprimer un rire à l’enterrement de sa mère). Intelligent et audacieux, « Nahid » est un joli moment de cinéma.
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Le DVD : Présenté dans un élégant digipack, le film est proposé en version originale perse (5.1) avec des sous-titres français.
Côté bonus, le film est accompagné d’un entretien avec la réalisatrice Ida Panahendehet son actrice principale Sareh Bayat. L’édition est complétée d’une bande annonce.
Edité par Memento Films, « Nahid » est disponible en DVD depuis le 5 juillet 2016.
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