Le trésor
Un grand merci à Blaq Out pour m’avoir permis de découvrir et de chroniquer le DVD du film « Le trésor » de Corneliu Porumboiu.
« Autrefois j’avais une société d’édition. J’ai édité une fois un livre pour une église qui ne m’a rien rapporté. Par contre les dépliants publicitaires, ça marchait super bien ! »
À Bucarest, Costi est un jeune père de famille accompli. Le soir, il aime lire les aventures de Robin des Bois à son fils de 6 ans pour l’aider à s’endormir. Un jour, son voisin lui confie qu’il est certain qu’un trésor est enterré dans le jardin de ses grands-parents ! Et si Costi accepte de louer un détecteur de métaux et de l’accompagner pendant une journée, il serait prêt à partager le butin avec lui. D’abord sceptique, et en dépit de tous les obstacles, Costi se laisse finalement entraîner dans l’aventure…
« Dans mon village il y a une légende... »
Durant de nombreuses années, le cinéma roumain fut totalement étouffé par la chape de plomb et la censure du régime communiste qui ne voyait en lui qu’un instrument de propagande. Toutefois, un vent de renouveau et de liberté semble souffler sur le cinéma roumain depuis une quinzaine d’années. Portée par une nouvelle génération de jeunes réalisateurs, cette nouvelle vague roumaine, très portée par l’observation des mutations de la société de leur pays, fait les beaux jours des grands festival internationaux où elle a été régulièrement primée. Avec ses collègues Cristian Mungiu (Palme d’Or à Cannes pour « 4 mois, 3 semaines, 2 jours » en 2007) et Christian Puiu (« La mort de Dante Lazarescu », « Sierranevada »), Corneliu Porumboiu s’est imposé en quelques années comme l’une des principales figures de ce jeune cinéma roumain. Remarqué pour ses films « 12h08 à l’est de Bucarest » (récompensé de la Caméra d’or à Cannes en 2006) et « Policier, adjectif » (2009), il nous revient avec en 2016 avec « Le trésor », une œuvre de fiction inspirée d’un documentaire avorté de son ami Adrian Purcarescu, qui souhaitait suivre la véritable chasse au trésor menée par un de ses compatriotes, convaincu que son aïeul avait enterré un trésor avant l’invasion des soviétiques. Mais faute de moyens suffisants et de trésor à l’arrivée, le film demeura inachevé.
« Tu lui as parlé du trésor ? Mais imagine que je ne trouve rien... »
Etrange film que ce « Trésor », qui commence par des images d’un père lisant l’histoire de « Robin des bois » à son fils et qui, par une astucieuse mise en abyme, se retrouve à accompagner son voisin dans une improbable chasse au trésor dans la province roumaine. Une partie de campagne construite comme un conte, qui fait la part belle à un humour très décalé et pour le moins absurde. A l’image de cet improbable échange entre le héros et son patron durant lequel ce dernier veut croire que son employé a des aventures extraconjugales, motif selon lui plus excusable qu’un simple abandon de poste pour convenance personnelle. De plus, il y a quelque chose de très savoureux dans l’attitude un peu « Pieds-nickelés » des ces deux héros aux abois, aveuglés par l’espoir de trouver un trésor au point de creuser un trou de plus de deux mètres de profondeur en pleine nuit ! Mais pour Porumboiu, l’intérêt du film est ailleurs. Cette chasse au trésor loufoque n’est au fond qu’un prétexte à une relecture de la tumultueuse Histoire de la Roumanie, vue au travers de la petite maison provinciale, située dans le village d’où est partie la révolution indépendantiste de 1848. Depuis lors, la maison aura été tour à tour un repère pour l’armée allemande, une école pour les communistes puis un bordel pour le régime postcommuniste naissant. A chaque fois, un lieu d’occupation, d’oppression ou de dépravation. Et surtout, un symbole de la spoliation de la propriété et de l’identité. Au bout du compte, au terme de cette longue (et difficile) Histoire, le cinéaste dresse un portait amer de la société roumaine actuelle. Et plus spécifiquement de la classe moyenne urbaine, lourdement fragilisée par la crise économique qui l’a frappée de plein fouet et qui se retrouve aujourd’hui financièrement à la peine, entre faillite et désillusion. En pointillés, le réalisateur pointe les résurgences des époques passées (les dénonciations à la police, comme la survie d’un mode de vie de la débrouille). Reste une jolie fin (surprenante mais un tantinet maladroite), là encore relevant typiquement du conte, qui vient apporter un peu de douceur et de relativité à ce monde de brutes en nous rappelant les vraies choses simples et importantes. Un bien joli film.
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Le DVD : le film est proposé en version originale roumaine (5.1 et 2.0). Des sous-titres optionnels français sont également proposés. Côté bonus, le film est accompagné de scènes coupées ainsi que du court-métrage « Le rêve de Liviu » (2004 - 39 min.) signé du même réalisateur.
Edité par Blaq Out, « Le trésor » est disponible en DVD depuis le 16 août 2016.
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