Un tueur dans la foule
Un grand merci à Elephant Films pour m’avoir permis de découvrir et de chroniquer le blu-ray du film « Un tueur dans la foule » de Larry Peerce.

« Sous peu, il y a un mec qui va se faire étendre ! »
Plus de 90 000 spectateurs sont rassemblés au Memorial Coliseum à Los Angeles, pour assister à une finale de football américain historique : même le Président des Etats-Unis est là ! Personne ne se doute qu’un tireur s’est embusqué derrière le panneau d’affichage des scores, prêt à faire feu. Lorsque les forces de l’ordre le repèrent, ils doivent faire face à une situation est très délicate : avec une telle foule un mouvement de panique serait tout aussi dangereux…
« Il faut agir et le neutraliser. Je n’attendrai pas de voir ce qui se passera s’il passe à l’acte »

L’assassinat de JFK à Dallas puis le scandale des écoutes du Watergate près de dix ans plus tard marquent durablement l’opinion américaine qui connait en cette décennie des 70’s une profonde crise morale, doutant alors de ses valeurs démocratiques fondamentales. Ainsi, si au cours des années 50 l’ennemi était sans nul doute le méchant communiste soviétique, ces scandales à répétition font naitre dans l’opinion l’idée que la principale menace pour le pays pourrait finalement bien venir de l’intérieur. Un sentiment de paranoïa prégnant qui influence alors durablement le cinéma américain des seventies, au sein duquel se multiplient les thrillers à tendance conspirationniste, tels que « Les trois jours du Condor » (Pollack, 1975), « A cause d’un assassinat » et « Les hommes du Président » (Pakula, 1974 et 1976), « Conversation secrète » (Coppola, 1974) ou encore « La théorie des dominos » (Kramer, 1977). Avec « Un tueur dans la foule », inspiré d’un roman noir de l’américain John LaFountaine, le réalisateur Larry Peerce - connu initialement pour ses films sociaux et engagés tels que « Le procès de Julie Richards », « Goodbye Colombus » - tente de surfer sur cette tendance.
« Il y a cent mille personnes dans ce stade et mon boulot c’est de m’assurer qu’il ne leur arrive rien »

A ceci près que son film est dépourvu de tout enjeu et de toute considération politique. Le tueur, dont on ne saura finalement presque rien, semble animé par la seule volonté de satisfaire un plaisir macabre et bestial. Une absence de mobile rationnel qui tend finalement à rendre le film encore plus troublant et terrifiant. Comme si d’une certaine manière, l’Amérique avait atteint son stade de déshumanisation ultime et qu’il n’était soudain plus besoin de raisons pour perpétrer des crimes de masse. Car ce ne sont plus ici les politiciens (encore que le Président des Etats-Unis et le Maire de Los Angeles sont présents dans le stade) ni les hommes en uniforme qui sont visés, mais bien la société de consommation, de loisirs et de médias. Aux commandes du film, Larry Peerce opte pour une mise en scène particulièrement efficace qui immerge d’entrée le spectateur dans les plans du tueur, à l’image de cette formidable séquence d’ouverture où l’on suit la préparation du tueur via la lunette de son fusil. Un tueur implacable et organisé, présenté en caméra subjective, dont l’ombre plane comme une menace inéluctable tout au long du film. La construction du film s’avère également assez habile (bien que classique), faisant du stade olympique une prison à ciel ouvert, sorte de huis clos anxiogène dont on ne s’échappe pas et dans lequel le cinéaste enferme une galerie de personnages d’horizons divers, innocentes victimes potentielles liées à jamais par le destin. On regrettera toutefois quelques problèmes de rythme, Peerce s’attardant trop à filmer le match ou les petites histoires de ses personnages, occasionnant ça et là quelques (grosses) baisses de régime et retardant artificiellement l’inéluctable dénouement. Maladresses contrebalancées par un casting quatre étoiles (Charlton Heston, John Cassavetes, Gena Rowlands, Martin Balsam, Walter Pidgeon, Jack Klugman, Beau Bridges...) qui procure un plaisir de tous les instants. Plutôt efficace et spectaculaire, cette série B d’action serait plutôt réjouissante si la réalité n’avait depuis rattrapé la fiction, à Paris comme à Las Vegas.

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Le blu-ray : Le film est présenté en version intégrale restaurée, en version originale américaine (2.0) ainsi qu’en version française (2.0). Des sous-titres français sont également disponibles.
Côté bonus, le film est accompagné de deux modules d’une présentation de Julien Comelli, journaliste en culture pop, du documentaire « 97-Minute waiting » (31 min.), d’une galerie photos et de bandes-annonces. Surtout, le film propose le montage du film version TV (141 min.).
Edité par Elephant Films, « Un tueur dans la foule » est disponible en DVD ainsi qu’en combo blu-ray + DVD depuis le 5 septembre 2017.
Le site Internet de Elephant Films est ici. Sa page Facebook est ici.
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