Comment tuer un juge
Un grand merci à Artus Films pour m’avoir permis de découvrir et de chroniquer le blu-ray du film « Comment tuer un juge » de Damiano Damiani.
/image%2F1492925%2F20241003%2Fob_b0aaec_comment-tuer-un-juge.jpg)
« Je ne veux pas que le public dénigrer la justice, mais qu’il apprenne à l’aimer et à l’exiger »
Le cinéaste Giacomo Solaris décide d’enquêter sur l’assassinat d’un juge sicilien soupçonné de corruption : il se trouve que, par une étrange coïncidence, cette mort est survenue dans des circonstances identiques à une scène de son dernier film.
« D’un côté vous demandez la vérité, de l’autre vous fermez les yeux pour ne pas la voir »
/image%2F1492925%2F20241003%2Fob_7c9e1e_comment-tuer-un-juge-1-2.jpg)
Décorateur de formation puis scénariste, Damiano Damiani accède à la réalisation à la fin des années 50 en signant quelques drames (« L’île des amours interdites » primé au Festival de San Sebastian ou encore « L’ennui et sa diversion, l’érotisme », d’après Alberto Moravia dans lequel il dirige la grande Bette Davis). Au milieu des années 60, il amorce cependant un tournant, en s’affirmant progressivement comme un cinéaste courageux et engagé, qui n’aura de cesse de dénoncer de film en film les injustices sociales, les luttes de classe, et la collusion entre pouvoir politique et mafia. Si son célèbre western « El Chuncho » laisse déjà entrevoir sa fibre contestataire et son esprit subversif, les années de plomb lui offriront un terreau fertile pour développer des brûlots politiques absolument géniaux (« La mafia fait la loi » en 1967, « Seule contre la mafia » en 1970, « Confession d’un commissaire de police au procureur de la république » et « Nous sommes tous en liberté provisoire » en 1971) dans lesquels il dénoncera avec force la corruption qui gangrène la société et les institutions italiennes. Une période faste pour le cinéaste, qui prendra en partie fin en 1975 lorsqu’il réalisera le western humoristique « Un génie, deux associés, une cloche » en remplacement de son ami Sergio Leone. Juste avant, il réalise encore un film accrocheur et corrosif, « Comment tuer un juge » (1974).
« Un citoyen a le droit de juger ses propres juges, non ? »
/image%2F1492925%2F20241003%2Fob_ff7d7d_comment-tuer-un-juge-5.jpg)
Pour autant, « Comment tuer un juge » diffère des précédents films du cinéaste en ce qu’il n’est pas véritablement un thriller policier. D’ailleurs, le héros n’est pour une fois ni un policier ni un magistrat, mais un cinéaste engagé et intègre, dont le dernier film montre l’assassinat d’un juge, selon des modalités qui seront reprises pour assassiner un véritable juge sicilien. Hasard ou coïncidence, toujours est-il que la réalité rejoindra la fiction, poussant le cinéaste, au cœur d’une tourmente médiatique, à mener sa propre enquête. D’une certaine manière, Damiano Damiano aborde le sujet de la corruption et de la mainmise de la mafia de façon un peu moins démonstrative et frontale qu’à l’accoutumée. Son scénario, plus malicieux, est finalement construit à la manière d’un reportage d’investigation. Le héros suivant ainsi toute une série de personnages appartenant à des milieux sociaux différents (un entrepreneur, un policier, un repenti, un député, des banquiers…) pour mieux montrer l’omniprésence de la mafia et de ses ramifications dans toutes les strates de la société, ainsi que ses méthodes d’intimidation (filatures, présence ostensible et menaçante, assassinat au grand jour) pour mieux garder la mainmise sur la vie économique, politique et judiciaire locale. Le tout faisant ressentir une certaine ambiance de malaise, comme si, au fond, il n’existait pas de refuge pour œuvre sans être vu de la mafia. Mais de façon très maline, au bout de sa démonstration, le cinéaste conclut l’enquête sur l’assassinat du juge par une sorte de pirouette. Comme si au fond, l’amoralité était partout et qu’il ne fallait vraiment se fier à personne. Ce qui prime est ailleurs, dans l’œil du personnage du cinéaste, sorte de double fictionnel du réalisateur, dont la mission et le rôle social sont plus que jamais de maintenir les consciences éveillées pour les guider dans une certaine quête de vérité. Un film militant, puissant, porté par un Franco Nero flamboyant et une formidable Françoise Fabian, ambigüe à souhait, qui trouve sans doute là un de ses meilleurs rôles.
/image%2F1492925%2F20241003%2Fob_a7c5af_comment-tuer-un-juge-3.jpg)
****
Le blu-ray : Le film est présenté dans un Master restauré 2k et proposé en version originale italienne. Des sous-titres français sont également disponibles.
Côté bonus, le film est accompagné d’une présentation par Curd Ridel (12 min.) et d’un entretien avec le monteur Antonio Siciliano (25 min.), ainsi que d’un Diaporama d’affiches et photos et d’une Bande-annonce.
Édité par Artus Films, « Comment tuer un juge » est disponible depuis le 2 mai 2023 au sein du formidable coffret blu-ray + DVD « Justice. Politique. Corruption - la trilogie de Damiano Damiani : Nous sommes tous en liberté provisoire + Comment tuer un juge + Goodbye & Amen », qui contient également un passionnant livret Damiano Damiani, un cinéaste se rebelle rédigé par Emmanuel Le Gagne (98 pages).
/image%2F1492925%2F20241003%2Fob_cbf0f4_image-1492925-20230707-ob-597c1c-coffr.jpg)
Le site Internet de Artus Films est ici. Sa page Facebook est ici.
Commenter cet article