7h58 ce samedi-là
« Puissiez-vous déjà être au Paradis avant que le Diable napprenne votre mort »
New York et sa banlieue. Tout semble se dérouler comme un samedi ordinaire pour la famille Hanson : des examens du père, la mère qui va ouvrir lentreprise familiale, et les soucis financiers et professionnels des deux fils Andy et Hank, tout semble normal. Pourtant à 7h58, le casse de la bijouterie familial va faire basculer à jamais le destin de cette famille, faisant ressortir les traumatismes, les frustrations, les remords et les regrets de tous ses membres
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« - Pourquoi tu mas appelé ?
- Pour tentraîner dans un truc barge »
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Dernier (ou presque) des grands réalisateurs de lâge dor Hollywoodien encore en activité, Sidney Lumet se sera toujours fait remarqué par son goût pour les films noirs et policiers et les sujets liés à la justice et aux institutions américaines, faisant de lui le spécialiste des films de procès. On se souvient ainsi de son premier film, « 12 hommes en colère » (1957), reconnu comme étant un classique du genre. Mais sa filmographie comporte bien dautres grands films qui ont marqué leur époque et qui aujourdhui considérés comme des références : ainsi, on peut rappeler des films comme « Le gang Anderson » (1971), « Serpico » (1973), « Le crime de lOrient express » (1974), « Le prince de New York » (1982), ou encore « Le verdict » (1983). Décevant depuis quelques années et les ratés « Gloria » (1998) ou son précédent long « Jugez-moi coupable » (2006), le réalisateur qui commence à se faire plus rare, était attendu au tournant. Dautant que son « 7h58 ce samedi-là », présenté au dernier Festival de Deauville hors compétition, était porté par une critique presse globalement enthousiaste.
« Andy, cest la boutique des parents, on ne peut pas faire ça »
La première chose à remarquer, cest que Lumet a délaissé les couloirs et les salles daudience du tribunal pour nous plonger ici dans un film noir à tiroirs. Construit autour dincessants flash-backs, qui centrent tour à tour le récit sur les différents personnages qui le composent au gré des révélations, Lumet na pas choisi la facilité scénaristique. Au contraire. Et cest là un point qui porte à débat. En effet, on ne peut que sincliner devant la grande maîtrise de Lumet qui gère admirablement son scénario et son montage si alambiqués, mais on se doit de reconnaître quun format aussi segmenté, fait pour perdre les spectateurs, fonctionne un peu trop. Car non content de brouiller les visions de ses personnages, il brouille également les cartes temporelles en remontant le temps de manière inversée (du plus récent au plus loin). Il faut donc saccrocher. Au-delà de ça, on reconnaît la grande habileté du scénario, renforcé par des dialogues percutants et des situations fortes. Et comme toujours chez Lumet, on y trouve une critique de la société assez violente en filigrane. En loccurrence, il dénonce ici une société corrompue par largent, moteur de toutes les relations, permettant dassurer à ceux qui en ont confort, pouvoir, réussites sociale et sexuelle. Largent qui fausse donc tous les rapports et qui mènerait les gens jusquau meurtre pour en posséder. Sur ce constat, le puzzle qui se forme devant nous prend des tournures de tragédie grecque, où les personnages dune même famille se retrouvent impliqués dans des actes terribles. Les trois personnages centraux (les deux fils et le père) sont étudiés avec minutie et Lumet prend un malin plaisir à les voir commettre des actes irréparables pour mieux nous plonger dans leur subconscient et leur passé afin de voir quand tout à basculé, et doù sont nés les haines, les rancurs, et le mal quils ont en eux. Il prend le même malin plaisir à les confronter à un destin qui sacharne jusquau bout sur eux, sans répits, pour mieux voir la manière dont ils vont gérer et réagir. Létude psychologique de ses personnages, loin de tout manichéisme, est dailleurs le gros point fort de ce « 7h58 ce samedi-là ».
« Tu as témoigné plus damour à Hank quà moi et pourtant il est plus paumé que moi »
Avec « 7h58 ce samedi-là », Lumet retrouve ses couleurs de grand réalisateur. Il peut ainsi sappuyer sur un scénario solide et diabolique, qui faisait défaut à ses derniers films. Mais surtout, il démontre quil a retrouvé toute son talent en ce qui concerne le découpage et le montage, et plus que tout pour la direction dacteurs. Casting intelligent et efficace, il peut sappuyer sur un duo Seymour Hoffman et Hawke qui nous livre ici deux performances géniales. Que ce soit Seymour Hoffman en frère dominateur, manipulateur et démoniaque, ou Hawke en personnage fragile, soumis, et maladroit, les deux acteurs se renvoient magnifiquement la balle et surtout se complètent formidablement. Derrière eux, on retrouve un Albert Finney vieillissant qui semble un degré en dessous des deux acteurs précédemment cités. A noter la jolie composition de la trop rare Marisa Tomei.
« On vit vraiment une époque diabolique. Certains vivent du recèle de diamants pendant que dautres en crèvent »
Avec ce « 7h58 ce samedi-là », Lumet, lun des derniers géants de la réalisation Hollywoodienne signe un retour au premier plan brillant, par un film original avec lequel il se fait plaisir. Scénario carré, réalisation et montage brillants, interprétation parfaite, sans être un chef duvre, « 7h58 ce matin-là » apparaît comme un film noir réussit et qui sort de surcroît des sentiers battus dun genre cinématographique qui narrive plus à se renouveler. Néanmoins, à linstar du « History of violence » de Cronenberg (2005), je nai pas réussit à rentrer pleinement dans le film, en raison entre autre dun postulat de départ des plus improbables, qui rend certains rebondissements assez grand-guignolesques. De même, jai regretté un certain manque de chair, de romantisme désespéré, qui faisait lémotion de films pas si éloignés comme « Quand la ville dort » (Huston 1950). Je comprends donc lenthousiasme de certains devant la belle maîtrise affichée par ce dernier Lumet. Néanmoins, à titre personnel, je tire un bilan mitigé du à un synopsis manquant de crédibilité, et à un scénario à tiroirs rendant le film un peu trop confus et difficile à suivre.
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