Le code a changé
« Mon Dieu : donnez moi la force daller à ce diner qui me fait chier »
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Un dîner, c'est la dictature de l'apparence : on se fait beau, on rit, on raconte, on frime, on partage souvenirs et projets. Les angoisses sont cachées sous l'humour et les chagrins étouffés par les éclats de rire. Et pour quelques heures, on y croit ! C'est ça le principal...
Si on a le bon code et que l'on respecte les autres, cordialité, hypocrisie, bonne humeur, on risque de passer une bonne soirée... Mais les masques tombent dès le chemin du retour.
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« Cest une malédiction, je suis toujours en retard quand je vais chez eux »
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Scénariste de renom (« Cousin, cousine », « La grande vadrouille », « La boum », « La reine Margot »), Danièle Thomson sest lancée dans la grande aventure de la réalisation il y a dix ans, avec « La bûche ». Après « Décalage horaire » et « Fauteuil dorchestre », « Le code a changé » est sa quatrième réalisation. Comme pour ses réalisations précédentes, « Le code a changé » a été écrit à quatre mains avec son propre fils, Christopher Thomson. Un projet qui est né dans linspiration de la réalisatrice peu de temps avant la sortie de son précédent long, « Fauteuil dorchestre », et qui lui permettait de revenir à un univers plus « réaliste ». Néanmoins, le tournage a été marqué par quelques morceaux de bravoure, comme la scène du dîner, tournée en quatre semaines.
« Cest pas les trompes qui faut lui ligaturer à elle, cest les cordes vocales »
« Jveux pas aller à ce dîner (
) on sen fout on y va pas » disait la chanson de Bénabar, que les radio ont matraqué jusquà lécurement. Il nempêche, bien nous aurait pris découter ce conseil sage et avisé tant ce « Code a changé » est dun ennui profond. Pourtant, avec sa distribution pléthorique et plutôt prestigieuse, le film était forcément alléchant. Cétait sans compter sur lincapacité de la réalisatrice à se renouveler. Car contrairement à ce que le titre pouvait laisser croire, le code na pas tellement changé, la réalisatrice semblant refaire à chaque fois le même film. Traitant toujours des mêmes thèmes (la comédie sociale du paraître dans laquelle tout le monde triche et ment, limpossibilité de communiquer avec les autres), on y retrouve les sempiternels mêmes personnages de bourgeois, issus des mêmes sempiternelles professions libérales forcément "intelectualisantes" (avocats, artistes, médecins/chercheurs). Sauf que cette fois, plus encore que dans « Fauteuil dorchestre », la mayonnaise ne prend pas. Serait-ce leffet de la crise ? Toujours est-il que les préoccupations futiles et nombrilistes de cette pseudo élite totalement déconnectée des préoccupations du peuple (il ny a quà voir la maison du couple Viard/Boon en plein Paris), ne passionnent jamais. Pire, cette surenchère de fric et de privilèges (qui peut se permettre aujourdhui de prendre une année sabbatique pour réfléchir à la suite quil veut donner à sa vie ?) ôte toute possibilité dempathie envers ces personnages pédants. De plus, le film de Danièle Thomson souffre dun scénario bâclé, prévisible, et manquant surtout de folie et doriginalité. Construit à la manière dun vaudeville bien franchouillard (autrement dit, tout le monde couche avec tout le monde, ou presque), la réalisatrice ne parvient jamais à faire fonctionner les situations comiques (Laurent Stocker et ses phrases à double sens) ni les situations plus émouvantes (la relation DanyBoon/Emmanuelle Saigner ; lannonce de la guérison de la prof de flamenco), alourdissant lensemble de détails inutiles (laccident de Marina Foïs) et de poncifs sur la mort (lhistoire de la mère décédée) et lamour. De même, la temporalité décousue, faite dallers-retours incessants entre le dîner un an plus tôt et le temps présent, complique inutilement un récit déjà dépourvu de toute tension et de tout enjeu dramatique. Reste une brochette de comédiens réputés mais visiblement pas au mieux de leur forme (à part peut-être Marina Foïs ?). En ce sens, on notera les contre performances de Emmanuelle Saigner, Christopher Thomson, Laurent Stocker, Marina Hands ou encore de linénarrable Pierre Arditi, qui semblent tous à côté de leurs pompes. Alors certes, ce nest (et ce ne sera à coup sûr) pas le pire film français de lannée, mais le résultat demeure tout de même aseptisé et très décevant, à limage dun cinéma français qui peine à se renouveler et à nous surprendre depuis de nombreux mois. Voilà donc clairement un dîner chiant et sans saveur quon aurait pu éviter. A moins de vouloir faire une bonne sieste.
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