La fiancée errante
« Pourquoi me dis-tu que me regarder dans les yeux est devenu une véritable torture ? »
Mar De Las Pampas, Argentine. Dans le car qui les amène de Buenos Aires jusquà la station balnéaire, un couple se dispute. Au moment de descendre du car, Inès descend la première pensant que Miguel, son compagnon, va la suivre. Mais lorsquelle se retourne, le car repart et Miguel a préféré rester à lintérieur et ne pas la suivre. Désemparée, elle se rend à lhôtel où ils avaient réservé afin de passer quelques jours au bord de la mer. Mais dans une ambiance hors-saison dune région quelle ne connaît, Inès, dans un état second de flottement, ne peut se résoudre à la séparation inéluctable qui se présente à elle
.
« Jai limpression que pour toi, un couple, cest deux personnes assises à côté lune de lautre et rien de plus »
.
.
.
.
Présenté en Sélection Officielle au dernier Festival de Cannes, dans la catégorie « Un Certain Regard », « La fiancée errante » est le second long dAna Katz. Si, depuis quelques années, on assiste à un renouveau assez surprenant et spectaculaire du cinéma argentin, Ana Katz fait déjà, du haut de ses deux films (sélectionnés tous les deux dans des Festivals prestigieux), figure de personnalité importante de cette nouvelle génération. Malgré cela, la sortie du film sur nos écrans sest faite dans une certaine confidentialité.
« Tu me laisses seule le soir au bord de la route, et tu veux que je me taise ? »
On est frappé en premier lieu par la belle sincérité dAna Katz. Sincérité dans lécriture du scénario, qui ressemble à un instantané très naturel dune rupture sentimentale à laquelle on ne veut pas faire face. Entre une flopée de coups de téléphone, qui la mène entre dépossession blessante et mesquineries, et entre combat pour garder lautre et pour préserver sa propre dignité, Ana Katz nous livre une jolie palette des sentiments de la rupture sentimentale, avec un côté naturel qui fleure bon le vécu. Mais de la sincérité, on en trouve aussi dans linterprétation parfaite de lactrice réalisatrice, qui dans un rôle central et omniprésent nous offre une prestation dune rare justesse, sans artifices ni effets. Même constat pour la réalisation, qui cherche toujours à être au plus près de linterprète principale, et qui joue énormément sur le côté étouffant et impersonnel du vide et du calme de la station balnéaire, un endroit où il ne se passe quasiment rien, pour encore mieux nous faire ressentir labsence de cet autre. Un autre qui napparaît visuellement que dans les premières minutes, et dont labsence est omniprésente durant tout le reste du film.
« Je me dis que si tu étais là avec moi, on serait en train de faire la fête, de trinquer »
Si ce travail de mise en scène est totalement défendable et pertinent, il peut être, à mon sens, lobjet également des principaux reproches que lon peut faire à ce film. Car cette mise en scène minimaliste, qui repose également sur un dépouillement des dialogues et donc de grandes plages de silences contemplatifs, est assez déroutante. Ainsi, et ce malgré la relative courte durée de ce film (1h25), on regrettera un manque évident de rythme, un aspect contemplatif beaucoup trop présent, pour un résultat finalement très peu passionnant. Certaines scènes, comme celles où le personnage principal reste sans parler à écouter le silence de son compagnon dans le téléphone, sont symptomatiques de ce film pénalisé par de réelles longueurs. De même, le jeu de mouvements dInès, qui revient inlassablement sur ses pas, pour mieux nous montrer son agitation psychologique et ses doutes, pour finir par une grande scène de calme, dapaisement après lacceptation de la séparation, repose quand même sur un symbolique un peu facile et lourdingue.
« Ça me rend très triste ce qui se passe »
Malgré cela, cette « Fiancée errante » remplie son objectif, qui était de réaliser un film personnel, intime et sensible. A ce titre, on saluera le gros travail dAna Katz, scénariste, réalisatrice et actrice principale du film. Mention particulière pour la sincérité de son scénario et surtout pour sa très grosse performance de comédienne. En revanche, on sera moins convaincu par la forme de ce film, trop minimaliste et trop lent, pour nous plonger complètement dans cette banale histoire de rupture sentimentale.
Commenter cet article