Rencontre à Wicker Park
« - Les trois sont très belles
il ne me reste plus quà prendre la bonne décision
- Dans ce genre de cas, cest toujours le cur qui décide »
Chicago. Matthew, jeune cadre prometteur, est sur le point de se marier. Alors quil sapprête à partir quelques jours en Chine le soir même pour raisons professionnelles, il croit reconnaître dans la cabine téléphonique dun bar la voix de Liza, quil a éperdument aimé deux ans plus tôt et qui avait disparue du jour au lendemain sans laisser ni explications ni traces. Hanté par cette improbable réapparition et par les souvenirs que celle-ci a fait ressurgir, Matthew na plus quune idée en tête : retrouver Liza
« Il faut que je sache pourquoi elle est partie je sais quelle maimait »
Une fois nest pas coutume, surtout quand il sagit dhistoires originales, « Rencontre à Wicker Park » est le remake dun film français, en loccurrence de lexcellent « Lappartement » de Gilles Mimouni, sorti en 1996. Film très réussi et original, à lambiance mystérieusement onirique, le film de Mimouni était passé injustement inaperçu lors de sa sortie en salles. Il était de ce fait étonnant quHollywood veuille en faire un remake. Néanmoins le projet aura attisé les convoitises de plusieurs réalisateurs. Longtemps attaché au projet, Joel Schumacher (« Batman forever », « Le nombre 23 », « Phone game ») était très intéressé par ce projet dont il souhaitait confié le rôle principal à Brandan Fraser (« La momie »), avant de renoncer. Le réalisateur Danny Cannon (« Souviens-toi lété dernier 2 ») fut également un temps attaché au projet. Mais cest finalement le britannique Paul McGuigan (réalisateur depuis de « Slevin ») qui héritera définitivement du bébé. Côté acteur, cest Paul Walker (« Fast and Furious », « Bleu denfer ») qui avait été initialement choisi pour le rôle principal, mais ce dernier a du jeter léponge pour des raisons dincompatibilité demploi du temps, étant déjà engagé sur le film « 2 fast 2 furious ». Pour la petite histoire, si laction est supposée se déroulée à Chicago, le film a pour autant été tourné à Montréal, et, petit clin dil au film original, le café dans lequel Matthew croit apercevoir Liza sappelle le « Bellucci », en hommage à Monica Belluci qui y tenait ce même rôle. A noter également que Gilles Mimouni a participé sur lélaboration du scénario.
« On me propose une belle opportunité à New York, mais jai pas envie de te laisser pour aller là-bas. Je préfère rester ici avec toi »
Il est toujours difficile daborder le remake dun film quon a beaucoup aimé. Exercice souvent casse-gueule, comparaisons obligatoires, on ne peut également sempêcher de remettre en question les motivations dun tel exercice. Autant le dire tout de suite, ce « Rencontre à Wicker Park » ressemble beaucoup à son modèle. Il faut dire que McGuigan ne sest pas fait cassé outre mesure, reprenant la plupart des scènes de loriginal - à lexception notable de la fin, seul passage qui diffère scénaristiquement dun film à lautre sappliquant simplement à les filmer à sa sauce. Et cest peut-être ça finalement le plus gros point négatif de ce film. Car Mimouni avait placé la barre très haut en arrivant à donner vie à ce tourbillon obsessionnel, cette course effrénée entre fantasme et souvenirs, avec une ambiance si particulière, à la fois glaciale, extraordinairement romantique et teintée donirisme. Et cest bien là où pêche McGuigan, dans son incapacité à rendre cette ambiance si personnelle et particulière. Pire, il opte (comme toujours avec Hollywood) pour une ambiance très lisse, très convenue, trop chaleureuse, qui dessert finalement assez lhistoire. Difficile dès lors pour « Wicker Park » de soutenir la comparaison avec loriginal. Là où Cassel faisait danser avec folie et passion Bellucci sur « Le temps » dAznavour, McGuigan ne sait faire quune gentille réplique, sur un air salsa balisé, sans passion et sensualité entre ses deux héros. Et, à lexception dun final assez touchant et réussi pour qui aime les comédies romantiques, on ne pourra que déplorer le manque de passion de ce remake. Reste quen changeant totalement la fin, McGuigan propose un film dun tout autre genre, une comédie romantique classique mais intéressante et fréquentable, qui compense en partie par sa dernière et jolie scène ce quil perd en originalité, en force et en poésie par rapport au film de Mimouni.
« Au restaurant, jaurais parié que vous étiez la fille que jai connu. Maintenant que je vous regarde, je trouve que vous ne lui ressemblez pas du tout »
Côté réalisation, McGuigan, à limage de son film, signe une réalisation trop lisse et sans personnalité. Ceci est dautant plus dommage que le film de Mimouni reposait sur un choix de décors classes et austères bien précis, qui renforçaient cette sensation impersonnelle et froide si particulière. La réalisation de McGuigan se confère ainsi pleinement aux standards hollywoodiens des films de commande en imposant une esthétique de pub et de clip, qui ne démarque pas le film des autres productions du genre. Le casting semble également discutable pour qui a vu et apprécié loriginal. Et à ce titre si Vincent Cassel y trouvait un de ses meilleurs rôles, oscillant entre fragilité et virilité, on doit reconnaître que Josh Hartnett livre une prestation étonnante, loin des rôles sans étoffe auxquels il semble habitué. Dans un rôle de jeune premier plus classique, il nous montre toute sa sensibilité et sa vulnérabilité, une facette moins connue de son talent. Mais le reste du casting, trop clinquant et standardisé, ne tient pas la distance par rapport aux acteurs originaux. En premier lieu, Diane Kruger, dont cest ici la première expérience américaine, négale jamais vraiment Monica Bellucci dans le rôle de la beauté fatale qui rend fou. Elle est très jolie, certes, mais elle semble trop fade et sans relief pour inspirer ici une telle passion. Lautre erreur de casting sappelle Rose Byrne. Lactrice australienne, qui a déjà fait preuve de son talent et de son charme est ici mal employée. Là où Romane Bohringer jouait de sa beauté si peu ordinaire et développait des trésors de charme en femme blessée dêtre ignorée pour rendre son personnage crédible, Rose Byrne est trop classiquement belle pour jouer les femmes ignorées et blessées. Du coup, malgré son talent, elle narrive jamais à rendre son personnage crédible. Reste un Matthew Lillard, jusquici habitué aux rôles médiocres (il est Samy dans les films « Scooby-doo »), il se montre trop rigolard, là où le méconnu Ecoffey montrait beaucoup dhabileté pour jouer ce personnage à la fois dragueur et amoureux peu sûr de lui.
« - Je suis retourné à son appartement, pensant trouver des réponses, mais jai découvert tout autre chose : elle mentait tout le temps
- Peut-être quelle était amoureuse de toi depuis longtemps et quand elle ta retrouvé, elle avait pas envie de te perdre une seconde fois »
Au final, « Rencontre à Wicker park » narrive pas à la cheville de son modèle original, « Lappartement ». Trop calibré, trop lisse, trop copié sur loriginal, le film ne retrouve jamais lambiance si particulière du film de Mimouni. Néanmoins, sans aucune prétention, le changement radical de la fin de lhistoire, fait passer le film dans un tout autre genre, la comédie romantique. Un changement de genre salutaire, puisquil faut reconnaître quen la matière, le film, bien que classique et convenu, savère efficace et agréable à regarder. Une surprise plutôt agréable donc, même si le film, calibré à souhait, sent un peu trop le film de commande. Pour ceux qui auront eu la bonne idée ou la chance davoir déjà vu « Lappartement », ce film sera une curiosité agréable à regarder. Pour les autres, ne vous arrêtez pas à ce « Wicker park » et dépêchez-vous de découvrir ce petit bijou méconnu et inégalé quest « Lappartement » !!!
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