Wendy et Lucy
« Quand notre chien se perdait, mon père laissait sa veste à lendroit où il avait disparu. Bien souvent, il revenait avec le chien »
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Wendy, accompagnée de son chien Lucy, a pris la route de l'Alaska dans l'espoir de trouver un petit boulot et commencer une nouvelle vie. Jusquà ce que sa voiture tombe en panne dans une petite ville de lOregon.
Une série dévènements malheureux commence alors entrainant inexorablement Wendy vers le fond
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« On ne devrait pas avoir de chien quand on ne peut pas le nourrir »
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Professeur de cinéma dans les prestigieuses universités de New York et de Columbia et réalisatrice à ses heures de films indépendants à petits budgets, Kelly Reichardt est une cinéaste iconoclaste dans lunivers du cinéma américain. Développant un cinéma artisanal (léquipe du film est constituée pour beaucoup damis de la réalisatrice qui travaillent gratuitement) et à très petit budget, loin de la pression des grands studios, Kelly Reichardt réalise avec « Wendy et Lucy » son troisième long métrage après « River of grass » (1994, resté inédit en France) et « Old joy » (2007). Comme pour son précédent long métrage, « Wendy et Lucy » est adapté dune nouvelle de Jon Raymond. Présenté dans de nombreux festivals (Toronto, Turin), « Wendy et Lucy » a notamment été présenté au 61ème Festival de Cannes, dans la catégorie « Un certain regard ».
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« Une nuit à la fourrière na jamais fait de mal à personne »
Les années Bush auront marqué durablement lAmérique : terrorisme, guerres mal gérées, mensonges, crise économique
Les Etats-Unis semblent se réveiller avec une sévère gueule de bois. Pour preuve, la multiplication des films (« The wrestler », « The visitor ») qui osent se pencher sur une autre réalité américaine, moins glorieuse, peuplée de paumés, de gueules cassées, de héros désuvrés et brisés, de « loosers » évoluant en marge dun système basé sur limage de la prospérité et de la réussite. Certes, le mythe américain est toujours présent (la migration pour aller conquérir de nouveaux territoires vierges où la fortune est promise), mais le rêve américain, lui, semble avoir pris du plomb dans laile. Un peu comme si lAmérique était toujours « Sur la route », mais sans Kerouac, les rencontres amicales et lesprit daventure ayant été remplacés par une immense solitude et un incroyable manque dhumanité. La pauvre Wendy, gamine paumée et désargentée, en fera la triste expérience à ses dépends. En effet, il suffira dun acte à priori sans réelle importance (le vol dune boite de Canigou) pour que le terrible engrenage du destin se mette en place et que les évènements dramatiques senchainent contre elle. Garde à vue humiliante, disparition de sa chienne, panne de voiture : autant dévènements qui vont très vite la plonger dans la clochardisation et la mouise la plus totale. Un récit qui permet à Kelly Reichardt de porter un regard sans concession et de sinterroger sur la société américaine. Une société en proie à une grave crise de valeurs autant quà une crise économique et sociale, où règne une impression de solitude plus forte que jamais, une sorte daccoutumance à la souffrance et à la misère, et où les valeurs qui priment désormais sont celles de la délation et de lindifférence. Pire que tout, il en ressort une impression de danger omniprésent, comme si il ne suffisait que de quelques évènements malencontreux, quelques heures derrements, pour se retrouver dans la misère la plus totale. Avec le renoncement à toute humanité (le chacun pour soi évoqué dans labandon du chien) comme seul espoir de survit. Constat aussi glacial que violent, ce « Wendy et Lucy » manque malgré tout dun peu de chair pour nous convaincre. Excès de misérabilisme et de pathos virant parfois au grotesque (trop dévènements catastrophiques senchainent en trop peu de temps, la coupe de cheveux Playmobil pour souligner létat de déchéance de lhéroïne), mise en scène trop démonstrative et un poil démago (volonté dafficher une certaine laideur visuelle pour coller à lunivers de lhéroïne), récit chaotique : non seulement on peine à être ému, mais en plus on sennuie ferme. Si on salue les bonnes intentions de la réalisatrice et si le constat de son film fait froid dans le dos, un tel sujet méritait néanmoins un meilleur traitement.
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