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24 Nov

La main gauche du seigneur

Publié par Platinoch  - Catégories :  #Drames

Un grand merci à Rimini Editions de m’avoir permis de découvrir et de chroniquer le dvd du film « La main gauche du seigneur » d’Edward Dmytryk.

« Nos professions sont assez proches. J’ai ma propre trinité : diagnostic, pronostic et guérison. Au fond, votre profession commence là où la mienne termine »

 

En 1947, dans une province reculée de Chine, James Carmody, un ancien aviateur, est tombé sous la coupe de Mieh Yang, un seigneur de guerre local. Un prêtre missionnaire catholique, le père O'Shea, est tué par les hommes de Mieh Yang. Désireux de retrouver sa liberté, Carmody revêt la soutane du prêtre et se rend à la mission que ce dernier devait rejoindre. Pris par les villageois pour le véritable père O'Shea, Carmody prétend avoir perdu dans un torrent en crue ses objets de culte, car il ne veut pas commettre de sacrilège en célébrant la messe ou en donnant des sacrements alors qu'il ne le peut pas. Mais son attitude digne et courageuse en plusieurs circonstances force l'admiration de sa communauté, lui attire la sympathie des Occidentaux installés sur les lieux ainsi que l'amour naissant de la jeune femme responsable du dispensaire du village, laquelle n'ose déclarer ses sentiments à celui qu'elle croit prêtre.

 

« Son corps seulement est mort. Mais c’est son âme qu’un homme doit sauver »

 

Plus encore que sa longue filmographie, pour tout bon cinéphile, le nom d’Edward Dmytryk restera toujours marqué par le McCarthysme et les heures sombres de la chasse aux sorcières. En effet, alors qu’il n’est encore qu’un modeste (mais talentueux) réalisateur de films noirs de série B, Edward Dmytrykse retrouve malgré lui sous le feu des projecteurs. Nous sommes en 1949 et la célèbre commission McCarthy vient de découvrir que le réalisateur est un ancien membre du Parti Communiste. Avec neuf autres scénaristes accusés qui, comme lui, refusent de témoigner, Dmytryk fera partie de ce qu’on appellera « les 10 d’Hollywood ». Une position courageuse, qui leur vaudra même un séjour en prison. C’est là que, contrairement à ses camarades, Dmytryk finira par craquer et se décidera à témoigner devant la commission. Ce qui lui sera toujours par la suite reproché. Cela impactera également sa carrière, qui se divise aisément en deux parties : la première, avant son témoignage de 1951 est faite de petits films engagés (à l’image de « Les enfants d’Hitler » ou de « Feux croisés » dans lequel le réalisateur dénonce l’antisémitisme américain). Tandis que la seconde, après 1951, est composée de films à gros budgets, tels « Ouragan sur le Caine », « Le bal des maudits », « L’arbre de vie », ou encore « L’homme aux colts d’or », l’un des meilleurs westerns de la fin des années 50.Inspiré du roman éponyme signé William E. Barrett, « La main gauche du seigneur » devait initialement être réalisé par John Huston, sur un scénario réécrit par William Faulkner. Mais les studios, qui craignent que Huston délaisse l’aspect « film d’aventures » au profit d’un film plus introspectif, finissent par confier le projet à Dmytryk.

 

« Vous désertez encore ? Avant vous n’étiez que déguisé de cet habit. Maintenant vous le déshonorez »

 

A l’évidence, « La main gauche du seigneur » est un film un peu daté. Un film d’une époque où on ne rigolait pas avec la religion ni avec sa morale. On se souvient ainsi, à la même époque, des tourments intérieurs de la (charmante) nonne interprétée par Deborah Kerr dans « Le narcisse noir » comme dans « Dieu seul le sait ». Ou du pasteur de « Qu’elle était verte ma vallée », qui ne pouvait renoncer à sa vocation , pas même pour la flamboyante crinière rousse de Maureen O’Hara. « La main du seigneur » imagine la situation inverse, en permettant à un brigand d’endosser la soutane pour tenter d’échapper à sa condition. On dit que l’habit de ne fait pas le moine. Mais il suffit parfois aux yeux de la communauté pour être considéré comme tel. Confronté aux souffrances et aux attentes de sa communauté, le héros se retrouve ainsi seul face à lui-même et à sa conscience : doit-il poursuivre sa conduite individualiste ou au contraire faire preuve d’altruisme en tentant de sauver les villageois au péril de sa vie ? Il est aisé de comprendre combien ce drame intimiste et moral a pu intéresser un Dmytryk fortement marqué par les critiques qui ont accompagné son témoignage devant la Commission des activités anti-américaines et qui n’a eu de cesse depuis lors de signer des films en forme de fables morales nourrissant indirectement la justification de son attitude (« Ouragan sur le Caine » et « La lance brisée » notamment). Le héros n’est donc pas celui refuse de collaborer par principe mais celui qui défend la communauté contre la menace extérieure. Sur la forme, « La main gauche du seigneur » est un beau film d’aventures, peut-être un petit peu moins spectaculaire que d’autres films de la même époque (on pense obligatoirement à « L’odyssée de l’African Queen », Bogart oblige), le film ravira cependant les amateurs d’aventures et d’exotisme en Technicolor. D’autant plus que pour son antépénultième film, Bogart, qui se sait déjà malade et condamné, livre une prestation haute en couleurs et particulièrement jouissive (notamment lorsqu’il chante avec les enfants). A ses côtés, on profite du charme de la belle Gene Tirney. A noter la présence de Lee J. Cobb, autre acteur ayant été contraint de témoigner devant la Commission HUAC.

 

***

Le dvd : Le film est présenté dans un nouveau master haute définition. Il est proposé en VF et en VOST. Cette belle édition dvd propose par ailleurs deux modules très intéressants : le premier est un portrait du réalisateur Edward Dmytryk réalisé l’historien du cinéma Patrick Brion (41 min). Le second est un portrait de l’actrice Gene Tierney, « Entre l’ombre et la lumière » (26 min).

Edité par Rimini Editions, « La main gauche du seigneur » est disponible en dvd et en bluray depuis le 7 novembre 2015.

 

La page Facebook de Rimini Editions est disponible ici.

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B
Film qui met l'eau à la bouche et brule ma curiosité
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Le site sans prétention d'un cinéphile atteint de cinéphagie, qui rend compte autant que possible des films qu'il a vu!