Vendeur
Un grand merci à BAC Films ainsi qu’à l’Agence Darkstar pour m’avoir permis de découvrir et de chroniquer le DVD du film « Vendeur » de Sylvain Desclous.
« La vente c’est un vrai métier. C’est pas juste encaisser des chèques. »
Serge est l’un des meilleurs vendeurs de France. Depuis 30 ans, il écume les zones commerciales et les grands magasins, garantissant à ses employeurs un retour sur investissement immédiat et spectaculaire. Il a tout sacrifié à sa carrière. Ses amis, ses femmes et son fils, Gérald, qu’il ne voit jamais. Et sa santé. Quand Gérald vient lui demander un travail pour financer les travaux de son futur restaurant, Serge hésite puis accepte finalement de le faire embaucher comme vendeur. Contre toute attente, Gérald se découvre un don.
« Moi je n’entube personne : je vends quelque chose à quelqu’un qui en a besoin. »
Après plusieurs années passées à chercher sa voie en enchainant les petits boulots, Sylvain Desclous se lance finalement dans la réalisation de courts-métrages au milieu des années 2000. Ainsi, durant près de dix ans, il apprendra les rudiments du métier en réalisant pas moins de cinq courts-métrages. Un travail payant puisque son dernier court-métrage, « Mon héros » (2014), lui vaudra une nomination au César du Meilleur court-métrage. Une reconnaissance tardive mais importante, qui lui permettra de réaliser dans la foulée son premier long-métrage, « Vendeur ». Inspiré par un documentaire télévisé, le film s’intéresse au monde des vendeurs dits « extra », à savoir ces professionnels de la vente « haut-de-gamme », qui enchainent les missions de magasin en magasin et de salons en salons. « Vendeur » a ainsi nécessité un important travail de documentation et de préparation en immersion parmi ces professionnels de la vente et du coaching. Un temps attaché au projet, Gérard Lanvin fut finalement remplacé dans le rôle principal par Gilbert Melki, qui, hasard de la vie, fut lui-même dans sa jeunesse vendeur de vêtements dans le Sentier.
« Je crois que je ne sais pas faire autre chose comme métier. C’est peut-être pour ça que je le fais bien. »
Avec « Vendeur », Sylvain Desclous nous plonge dans l’univers méconnu et impitoyable de la vente. Un univers où tout n’est qu’apparences – à commencer par l’amabilité et la bienveillance du vendeur – et qui cache en réalité un monde de requins, ultra-concurrentiel et violent, uniquement mu par l’objectif de vendre, de faire du résultat et par l’appât du gain. Le réalisateur renoue ainsi avec les thématiques sociales liées au monde de l’entreprise qui lui sont chères et qui apparaissaient déjà en filigrane de ses courts-métrages. Car au fond, pour le réalisateur, le monde de la vente est à l’image des maux de la société occidentale actuelle, à savoir amorale et sans pitié. Peu importe les besoins et les moyens du client, il faut lui vendre au prix fort, quitte à ce qu’il souscrive un crédit à la consommation. Mais pour Desclous, le film est aussi l’occasion pour une étude sociologique d’un monde qu’il décrit comme pétri d’individualisme et de solitude. Certes, Serge, le roi de la vente vieillissant gagne très bien sa vie. Certes, il roule dans une belle berline allemande, porte de beaux costumes, dine dans de beaux restaurants. Mais l’envers du décor se révèle beaucoup moins glamour, la vie du héros se résumant à un enchainement de routes, de zones commerciales impersonnelles et d’amours tarifées. Sans parler de la pression, du stress permanent de ne pas atteindre ses objectifs ou de se faire doubler par des jeunes aux dents longues. Un job qui s’avère éreintant et pour lequel Serge use sa santé, surconsommant tabac, alcool et cocaïne pour tenir. Une description un peu excessive de cette descente aux enfers qui apparait sans doute comme l’un des points faibles du film. Toutefois, celui-ci est clairement contrebalancé dès lors que l’étude des relations père-fils prend le pas sur le récit. Et notamment lorsque le héros, voyant son fils marcher dans ses propres pas, prend alors conscience de la vacuité de son existence et décide d’empêcher son fils de reproduire ses erreurs. Porté par un Gilbert Melki toujours magistral, Desclous signe là un drame social à hauteur d’homme plutôt bon même si on pourra regretter quelques maladresses et notamment son atmosphère un peu austère.
**
Le DVD : Le film est présenté en version originale française (5.1). Des sous-titres optionnels pour malentendants sont également proposés. Côté bonus, BAC Films nous gâte en nous proposant un édition très riche et très intéressante, qui comprend notamment « Mon héros » (2014 – 30 min.) et « Le monde à l’envers (2012 – 37 min.), deux courts-métrages du réalisateur, ainsi qu’un entretien en sa compagnie (10 min.).
Edité par BAC Films, « Vendeur » est disponible en DVD à compter du 7 septembre 2016.
Commenter cet article