L'éventail de Lady Windermere
Un grand merci à ESC Editions pour m’avoir permis de découvrir et de chroniquer le DVD du film « L’éventail de Lady Windermere » d’Otto Preminger.
« Vous vous souvenez de Lady Windermere car vous l’avez aimé. Autant que son mari. »
A Londres, juste après la guerre, Mrs Erlynne, une vieille dame assiste à la mise aux enchères d’un éventail lui ayant appartenu.
Souhaitant le récupérer, elle va demander de l’aide à une ancienne relation, Lord Darlington.
Mais qui est donc la mystérieuse Mrs Erlynne ?
Grâce à plusieurs flash-backs, nous revivons le drame qui s’est joué quelques années plus tôt.
« Cet éventail est le parfait hommage d’un homme charmé à son épouse charmante »
Né au tout début du 20ème siècle dans l’Empire d’Autriche-Hongrie, Otto Preminger mène une première carrière théâtrale dans la Vienne fastueuse et effervescente de l’entre-deux guerres. D’abord comédien, il intègre la prestigieuse troupe de Max Reinhardt au sein de laquelle il franchit les échelons jusqu’à devenir metteur en scène puis directeur. En parallèle à ses activités scéniques, il réalise également son premier film en Autriche en 1931. Débauché par la 20th Century Fox, il quitte l’Autriche pour les Etats-Unis au milieu des années 30. Mais ses premiers films à Hollywood sont des échecs et il part quelques années se refaire une santé professionnelle à Broadway. De retour à Hollywood au début des années 40, il s’impose rapidement comme l’un des maitres du film noir hollywoodien, enchainant alors les succès comme « Laura » (1944), « Femme ou maitresse » (1947), « Mark Dixon détective » (195) ou encore « Un si doux visage » (1952). Souhaitant se diversifier, il réalise en 1949 « L’éventail de Lady Windermere », libre adaptation de la célèbre pièce éponyme d’Oscar Wilde (créée en 1892), qui avait déjà fait l’objet d’une adaptation muette très réussie par Lubitsch en 1925. Le film, qui connait un tournage un peu compliqué dans la Londres en reconstruction de 1948, est finalement un échec lors de sa sortie. Il annonce cependant l’évolution du réalisateur vers plus d’éclectisme et surtout vers des fresques plus complexes et fastueuses auxquelles il se consacrera durant les deux décennies suivantes (« Rivière sans retour », « Exodus », « Sainte Jeanne », « Le cardinal »...).
« On ne parle d’une femme que trois fois dans sa vie : à sa naissance, à son mariage et à sa mort »
« L’éventail de Lady Windermere » est une pongée satirique au cœur de la bonne société de l’Angleterre victorienne. Là, un jeune couple heureux et bien sous tout rapport se retrouve perturbé - et menacé - par l’interruption d’une mystérieuse inconnue manipulatrice et jouissant d’une réputation sulfureuse. Construit à la manière d’un vaudeville autour de quatre personnages principaux, le récit - théâtral à souhait - donne lieu à de nombreux rebondissements et à quelques situations particulièrement savoureuses. Toutefois, comme toujours chez Wilde, la légèreté n’est qu’une façade masquant le plus souvent des situations beaucoup plus dramatiques. Dans le cas présent, les secrets, les mensonges et les manipulations finiront par créer un gigantesque quiproquo de nature à menacer l’avenir du couple Windermere. A travers ce récit, l’auteur brocardait la cruauté et l’hypocrisie de la bonne société anglaise qui, derrière sa morale pudibonde et rigide, se livrait à la calomnie, à la rumeur et à la délation pour faire et défaire la réputation des uns et des autres (et surtout des femmes). Prenant quelques libertés avec le texte original, Preminger transpose ici le récit dans la Londres en reconstruction de l’immédiat après-guerre. Il opte ainsi avec beaucoup d’intelligence pour une construction en flashbacks, enjolivée par la fluidité de sa mise en scène, qui lui permet in fine de respecter l’articulation du récit en quatre actes distincts. D’une certaine manière, son parti pris - audacieux - d’adapter l’intrigue à l’époque contemporaine ajoute au récit une dimension tragique et crépusculaire : Preminger filme ainsi le crépuscule d’un monde désormais révolu dont Darlington et Erlynne, tout comme l’éventail, ne sont plus que des reliques ou des témoins en voie de disparition. A ce jeu là, l’élégance de Georges Sanders et de Madeleine Carroll (dont il s’agit de la dernière apparition au cinéma) fait merveille, de même que le charme de Richard Greene et de la jolie Jeanne Crain. Sans être une de ses œuvres majeures, Preminger signe là un film soigné, délicat et d'une grande finesse.
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Le DVD : Le film est présenté en version restaurée en haute définition. Il est proposé en version originale américaine (2.0) avec sous-titres français.
Côté bonus, le film est accompagné de « Redécouverte d’un Preminger méconnu », présentation du film par Olivier Père, Directeur du cinéma d’Arte France (20 min.).
Edité par ESC Editions, « L’éventail de Lady Windermere » est disponible en DVD depuis le 14 mars 2017.
Le site Internet de ESC Editions est ici. Sa page Facebook est ici.
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