L'homme de nulle part
Un grand merci à Sidonis Calysta pour m’avoir permis de découvrir et de chroniquer le DVD du film « L’homme de nulle part » de Delmer Daves.
« Au fond, peut-être bien que je fuis quelque chose : la malchance. Je la traine avec moi depuis toujours. »
Jubal Troop est recueilli blessé par un fermier, Shep Horgan, qui l’engage pour travailler dans son ranch.
Très vite, Shep prend Jubal sous son aile et l’impose à la fois comme son contremaitre et son homme de confiance.
Mais les charmes de l’inconnu ne laissent pas indifférente la femme de Shep, Mae Horgan. Ce qui rend fou de rage Pinky, l’amant de Mae…
« Il y a un jour où un homme doit décider ce qu’il veut. Savoir où il va. »
Après de brillantes études de droit, Delmer Daves se destinait à une carrière d’avocat. Mais piqué par le démon du théâtre, qu’il découvrit à l’Université, il décida de tout plaquer pour partir tenter sa chance à Hollywood, dans la toute jeune industrie cinématographique. Pour autant, en dépit de quelques apparitions, sa carrière d’acteurs ne parvint pas à décoller et il du se résoudre à se diversifier. Enchainant ainsi différents métiers technique au sein des studios pendant plusieurs années, il finit par devenir scénariste au début des années 30. Doté d’un style moderne et efficace, ses scénarios rencontrent progressivement le succès. On lui doit ainsi les scénarios de « La forêt pétrifiée » avec Bogart (1937) et surtout de « Elle et lui » de Leo McCarey, énorme succès de l’année 1939 qui fera l’objet d’un remake encore plus célèbre en 1957 et qui restera comme l’un des modèles du film romantique. Fort de sa notoriété, il accède à la réalisation au début des années 40. A la faveur de la guerre, il réalise d’abord plusieurs films de propagande (« Destination Tokyo »), avant de se diversifier, se montrant aussi à l’aise dans le film noir (« Les passagers de la nuit ») que dans le film d'aventures. Mais c’est surtout dans le genre du western, auquel il se consacre quasi exclusivement à partir du début des années 50, qu’il se fera un nom. Connu pour ses idées progressistes, il est ainsi l’un des premiers cinéastes à réhabiliter le peuple amérindien avec « La flèche brisée ». Par la suite, on lui devra également de grands westerns tels que « La dernière caravane » ou « La colline des potences » . En 1956, il signe « L’homme de nulle part », adaptation du roman « Jubal Troop » de Paul Wellman, dont les écrits ont déjà faits l’objet de plusieurs adaptations au cinéma (« Bronco Apache », « La maitresse de fer »). Le film marque également la rencontre du réalisateur et de l’acteur Glen Ford, qu’il fera tourner à deux autres reprises dans le mythique « 3h10 pour Yuma » et dans « Cow-boy ».
« Homme ou bête, dans la vie, personne n’apprend sans leçon »
« L’homme de nulle part » - quel beau titre ! » - porte bien son nom. Cet homme, c’est Jubal Troop. Un mystérieux étranger laissé pour mort sur le bord d’une route et qui sera finalement secouru par un éleveur de la région, le jovial Shep Horgan. Deux hommes que tout, a priori, semble opposer (caractère, statut social...) mais qui seront vite liés par une relation de respect mutuel. Un lien quasi filial qui poussera Shep à faire rapidement de Jubal son nouvel homme de confiance. Partant de ce postulat, Delmer Daves construit un western atypique basé sur une dramaturgie inspirée des tragédies classiques. L’intrusion d’un étranger venant déstabiliser les équilibres existants au sein d’une communauté. Bien malgré lui, Jubal cristallise ainsi toutes les passions, attisant tour à tour la convoitise ou la jalousie de ses semblables. Mais plus encore, le cinéaste joue de la mise à mal de la relation quasi filiale qui unit Jubal et Shep pour donner une dimension shakespearienne - voire même quasi freudienne dans sa façon d’aborder la mort du père comme un affranchissement - à son film. Il en ressort un western nerveux, beaucoup plus psychologique que spectaculaire, qui se révèle tout à fait passionnant. Sa force réside sans nul doute dans ses personnages très bien écrits et souvent plutôt originaux. A l’image du personnage de l’épouse infidèle de Shep, d’une grande modernité, à la fois malheureuse dans son couple et hyper sexualisé, qui dénote en cette époque où s’applique encore le Code Hayes. Surtout, en ces temps politiquement troublés durant lesquels l’Amérique se remet tout doucement des traumatismes de la chasse aux sorcières, difficile de ne pas voir une dimension morale (à défaut de politique) dans ce film qui valorise les valeurs d’amitié et d’honnêteté par opposition à la rumeur, à la dénonciation et à la trahison. Enfin, pour tout amateur de western qui se respecte, il est à noter que cet « Homme de nulle part » vaut également pour son formidable casting, où l’on retrouve rien de moins que Glenn Ford, le toujours formidable Ernest Borgnine, Rod Steiger (qui campe avec excellence un salopard manipulateur et lâche) ou encore le tout jeune Charles Bronson. Une très belle (re)découverte !
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Le DVD : Le film est proposé dans un master restauré haute définition, en version originale américaine (2.0) ainsi qu’en version française (2.0). Des sous-titres français sont également proposés.
Côté bonus, le film est accompagné de deux présentations du film, l’une par Bertrand Tavernier et l’autre par Patrick Brion.
Edité par Sidonis Calysta, « L’homme de nulle part » est disponible en DVD ainsi qu’en blu-ray depuis le 23 mars 2017.
Le site Internet de Sidonis Calysta est ici. Sa page Facebook est ici.
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