Herbes flottantes
Un grand merci à Carlotta Films pour m’avoir permis de découvrir et de chroniquer le blu-ray du film « Herbes flottantes » de Yasujiro Ozu.
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« Il est drôlement vieux pour jouer les vedettes masculines, non ? »
Une troupe de théâtre retourne dans un petit village de pêcheurs au sud du Japon. L’acteur principal, Komajuro, s’y découvre un fils, Kiyoshi. La maîtresse de Komajuro, se voyant délaissée profit de ce dernier, charge Kayo, une jeune actrice de la troupe, de séduire Kiyoshi…
« Tu ne te sens pas un peu seul en pensant à lui ? »
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En cette fin des années 50, Yazujiro Ozu aborde la dernière partie de sa longue et prolifique carrière. Une ultime ligne droite marquée par son passage tardif à la couleur (pour ses six derniers films) et par une obsession perfectionniste qui le pousse alors à procéder à plusieurs remakes - ou du moins à des relectures - de ses propres œuvres antérieures. Il tourne ainsi « Bonjour » en 1959 qui est un remake de « Gosses de Tokyo » (1932) et « Fin d’automne » (1960) qui est une libre relecture de « Printemps tardif » (1949). Entre ces deux films, il tourne en 1960 « Herbes flottantes », lui-même remake de « Histoires d’herbes flottantes » qu’il avait réalisé en 1934. A noter qu’il s’agit de l’un des très rares films qu’il n’a pas tourné pour son studio historique et attitré de la Shochiku.
« Le monde est une roue. La chance ne dure pas. »
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Au Japon, pays de tradition théâtrale ancienne s’il en est, les « Herbes flottantes » sont ces comédiens itinérants qui sillonnent le pays de villes en villages afin de s’y produire dans l’anonymat provincial, loin du faste et des lumières de Tokyo et d’Osaka. Un métier ingrat, difficile et surtout considéré comme méprisable selon les mœurs locales. Pour Komajuro, le vieillissant chef d’une petite troupe de théâtre, l’arrivée dans cette petite ville côtière de province écrasée par la canicule estivale ne représentant pas tout à fait une étape comme les autres. C’est en effet là qu’il a laissé, jadis, une femme et un fils illégitimes à qui il n’a pas voulu imposer cette vie âpre et peu honorable. Mais entre les aléas de la compagnie, la jalousie de son actuelle maitresse et les relations complexes avec son fils qui ignore son identité, leurs retrouvailles ne se passeront pas tout à fait comme il l’espérait… Comme à son habitude, le cinéaste interroge ici les fondements même de la structure familiale dans un Japon alors en pleine mutation sociétale et économique. Une querelle des anciens et des modernes symbolisée par l’opposition naissante entre Komajoru, vieux phallocrate tenant d’un Japon séculaire (voir sa brutalité avec sa troupe et avec les femmes) et son fils, aux idées et aux mœurs plus pondérées. Deux visages d’une même société résolument incapables de communiquer. Avec beaucoup de délicatesse, Ozu filme ainsi l’effondrement intérieur de cet homme en fin de course, vestige d’un Japon traditionnel appelé à disparaitre. Et l’avènement de cette jeunesse de l’après-guerre, moins rigoriste vis-à-vis des usages et qui s’occidentalise. Une génération qui chasse l’autre. Mais comme toujours chez Ozu, les grandes révolutions se font dans une certaine douceur et se terminent de façon apaisée. Du grand art.
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Le blu-ray : Le film est présenté dans une nouvelle restauration 4k, en version originale japonaise (1.0). Des sous-titres français sont également disponibles.
Côté bonus, le film est accompagné d’une préface de Pascal-Alex Vincent, cinéaste et enseignant et de « Herbes flottantes » par Takashi Shimizu (7 min.). Une Bande-annonce vient compléter les suppléments.
Édité par Carlotta Films, « Herbes flottantes » est disponible en blu-ray ainsi qu’en DVD depuis le 18 novembre 2020. Il est également disponible depuis cette même date dans le très beau coffret « Ozu - 6 films en couleurs » du même éditeur.
Le site Internet de Carlotta Films est ici. Sa page Facebook est ici.
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