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13 Dec

American gangster

Publié par platinoch  - Catégories :  #Films noirs-Policiers-Thrillers

« L’Amérique a un problème : tout est devenu trop grand. Plus personne ne trouve son chemin. On ne sait plus où trouver le cœur pour planter son couteau »

 

New York, début des années 70. Bumpy Johnson, le légendaire parrain noir de Harlem, meurt terrassé par une crise cardiaque. Dans son ombre depuis plus de vingt ans, Franck Lucas, qui officiait comme chauffeur, garde du corps et homme de confiance, reprend discrètement la direction des affaires laissées par son mentor. Alors que dans les rues, les petites frappes tentent de s’imposer pour tenter de se faire la part du lion, Lucas, qui a appris énormément durant ses vingt années d’homme de l’ombre, fait preuve d’un sens aigu des affaires et d’un esprit particulièrement rusé. Alors que le trafic de drogue local est clairement établi selon un circuit stricte (drogue coupée, les grandes familles se concurrencent loyalement, sans être inquiétées par une police corrompue qui se sert au passage), Lucas décide de se mettre à son propre compte en contournant tous les circuits actuels afin de devenir le numéro un de la drogue new-yorkaise. Par ses contacts en Thaïlande, et grâce à l’appui de quelques militaires américains sur place à qui il graisse la patte, il organise ainsi l’approvisionnement vers New York de l’héroïne la plus pure qui soit qu’il vend à des prix imbattables. Un trafic qu’il organise également avec la complicité de ses frères et cousins, seules personnes en qui il a confiance. Mais l’arrivée de cette nouvelle drogue à bas prix dérègle totalement le marché, et Lucas se fait des ennemis, tant dans les autres familles de la maffia, qui ne peuvent rivaliser et perdent le marché, que dans la police qu’il refuse de soudoyer. L’homme est d’autant plus insaisissable que de nature discrète, personne ne sait qui il est ni que c’est lui qui organise ce vaste réseau de drogue. Mais l’inspecteur Roberts, flic réputé incorruptible et fraîchement nommé à la tête d’une nouvelle équipe de choc de lutte contre le trafic de stupéfiants, décide de mener l’enquête afin de démanteler ce réseau qui fait tant de ravages…

 

« Bumpy ne possédait pas son business, même s’il le dirigeait. Il appartenait aux blancs. Moi je n’appartiens à personne »

 

Célèbre pour avoir été l’un des plus gros parrains des années 70 et surtout le premier véritable grand parrain noir, Franck Lucas restera une figure emblématique des seventies américaines. Une figure liée également à l’histoire du pays, puisque sa chute préfigure un grand nettoyage des institutions dans les années qui suivirent et qui mirent fin à la corruption généralisée qui y régnait. Pas facile dès lors de s’attaquer au portrait cinématographique d’une telle figure. L’idée de ce projet est né d’un article du magazine New-York, retraçant, entretiens avec l’intéressé à l’appui, la vie du célèbre malfrat new-yorkais. Paru en 2000, les droits de l’article ont aussitôt été acheté par Universal qui confiât l’écriture du scénario à Steven Zillian, scénariste à succès (« La liste de Schindler » de Spielberg en 1994, « Mission : Impossible » de De Palma en 1996, « Gangs of New York » de Scorsese 2003) et réalisateur à ses heures (on lui doit entre autres « Préjudice » en 1999 avec Robert Duvall et John Travolta). Après plusieurs versions pas totalement satisfaisantes retravaillées par d’autres scénaristes, Zillian signa la dernière et bonne version du scénario. Film de commande doté d’un gros budget, la réalisation devait être confiée un temps à Antoine Fuqua (« Training day » en 2002, « Le Roi Arthur » en 2004), avant de revenir à Ridley Scott. Ce dernier adapte donc pour la troisième fois un scénario de Zillian à l’écran, après « Hannibal » (2001) et « La chute du faucon noir » (2002). C’est également pour Scott l’occasion de revenir à un cinéma d’envergure après sa parenthèse « Une grande année » (2007). A noter que pour ce film retraçant une histoire vraie, les vrais Franck Lucas et Richie Roberts ont officié en tant que consultants sur le tournage du film.

 

« Un nègre ne peut pas réussir là où les italiens et les autres ont échoué ! »

 

Loin de la science-fiction ou des épopées historiques anciennes, Ridley Scott s’offre ici un véritable film de gangsters. Mais loin des nanars où l’action se tisse la part belle (du type « Miami Vice » ou « Heat » de Mann), il renoue plutôt avec les films qui s’attachent davantage à la description du milieu et des hommes qui le composent (façon « Les affranchis » de Scorsese, « Scarface », ou encore « Il était une fois en Amérique » sans le souffle romanesque et poétique de Léone). A ce titre, force est de constater que le film bénéficie d’un scénario très abouti. Ultra documenté tant sur ces personnages qui ont réellement existé que sur les dessous du trafic (l’approvisionnement en drogue mais aussi la corruption de la police), il s’attache à dresser les portraits hauts en couleurs de deux personnages que tout oppose et qui se retrouvent pourtant liés l’un à l’autre dans une intrigue où chacun représente le prédateur pour l’autre. Une intrigue qui s’épaissit d’une charge dramatique dans l’ascension puis dans la chute programmée et inéluctable de ce parrain si peu ordinaire, ainsi que de l’ambiance d’un thriller dans sa manière d’exposer ses personnages à des dangers de plus en plus pressants. Reste que les personnages sont particulièrement bien dessinés, loin de tout manichéisme, le flic modèle et incorruptible s’avère avoir une vie privée et sentimentale catastrophique, larguée sa femme qui lui retire son fils, et accumulant les coucheries, pendant que le parrain peut fréquentable est tout le contraire, avec une vie privée des plus réussie, avec famille soudée et mariage d’amour. Mais la vraie force de ce film, c’est d’aller au-delà de la simple confrontation de ces deux personnages hors normes. Car « American gangster » dresse avant tout le portrait d’une époque peu reluisante de la société et des institutions américaines. En effet, loin des idéaux de justice et de respect des lois, le scénario pointe du doigt les affres d’une période où le pays était embourbé dans ses contradictions, perdu dans le bourbier vietnamien d’une part,  et rongé par la corruption de l’autre, avec ces policiers et autres représentants de la loi qui se servaient allégrement sur tout ce que la ville comptait de trafic, parrains et dealers étant de mèche avec la police. A son niveau, par son scénario brillant, le film retranscrit donc l’ambiance tendue d’une époque trouble qui sera aussi marquée par le racisme ambiant et les grandes marches des droits civiques (à ce titre, le film montre bien à quel point un parrain comme Franck Lucas est une figure identitaire pour la communauté noire de Harlemn, pour qui il représente un modèle d'ascencion sociale et un protecteur local d'une population abandonnée par les pouvoirs publics), les peu reluisants assassinats politiques et autres écoutes du Watergate.

 

« Abandonner quand on a réussit n’est pas un échec »

 

Sur la forme, Ridley Scott étonne en adoptant un style plus épuré, direct, et sobre, loin de ses mises en scènes plus visuelles, et de ses gros effets habituels. Néanmoins, ses choix s’avèrent parfaitement judicieux, et contribue à donner cette impression de nervosité au film. Un classicisme dans la forme qui s’imposait donc. Par ailleurs, bien que de facture assez classique, le montage, alternant les séquences des deux protagonistes, permet de développer intelligemment l’histoire et la personnalité des deux héros, et maintient un niveau d’intérêt permanent. En outre, la longue durée du film (2h30) ne se fait jamais ressentir et le film semble passer assez rapidement. Pour le reste, on ne pourra que souligner le joli travail de reconstitution (décors, costumes, accessoires), qui restitue parfaitement l’époque du tout début des années 70. La photographie et l’éclairage, rappelant par ses teintes tirant un peu dans les ocres les films d’époque (« Meurtre d’un bookmaker chinois » ou « French connection »). On appréciera également l’impeccable direction d’acteur, pour lesquels la sobriété est également de mise. S’offrant un face à face entre deux comédiens parmi les plus importants du moment, Scott se montre en permanence à la hauteur. A sa décharge, il faut dire qu’il commence à bien connaître Crowe (qui a joué pour lui dans « Une grande année », et surtout dans le phénoménal « Gladiator » pour lequel il a obtenu l’Oscar du meilleur acteur). D’ailleurs, c’est bien Russel Crowe qui impressionne le plus, révélant une facette beaucoup plus sobre qu’on ne lui connaissait pas. A ses côtés, Denzel Washington (les deux hommes ont déjà partagé l’affiche de « Programmé pour tuer » en 1996), même s’il en fait parfois un peu des caisses, livre une très grande prestation. Les seconds rôles, Josh Brolin en tête, ne sont pas en reste, et contribuent grandement à la belle impression d’ensemble.

 

« J’ai défendu Harlem. Harlem me défendra »

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 Plus classique et plus sobre, Ridley Scott nous surprend avec ce polar aux allures de grande fresque maffieuse. Porté par l’impressionnant face à face de deux personnages hors norme, la grande force du film réside dans sa capacité à dépasser les simples portraits de personnages, mais aussi à dresser un instantané d’une époque, où les valeurs fondamentales de la société américaine était assez généralement bafouées, et l’autorité corrompue. Nerveux, racé et passionnant, « American gangster » renoue avec la grande tradition des films de mafia américains, qui semblait un peu avoir disparus. Dirigé de main de maitre, le film bénéficie également de l’interprétation magistrale de deux comédiens prodigieux, Russel Crowe et Denzel Washington, au meilleur de leur forme. Un très grand film, qui pourrait bien faire un malheur aux prochains Oscars. 

    



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J
Un film décevant. On m'en avait dit tellement de bien. Le film n'arrive pas à la hauteur de mes attentes.
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