A la croisée des mondes: la boussole d'or
« Le Magisterium est essentiel. Il dit aux gens quoi faire et quoi penser »
Quelque part existe un monde parallèle ressemblant au notre. Un monde où les humains vivent avec leur « daemon », animal de compagnie avec lequel ils ne font quun et qui est une représentation de leur conscience et de leur esprit. Cest dans ce monde que vit Lyra, jeune orpheline de 12 ans, placée dans un pensionnat par son oncle, scientifique et explorateur, lintrépide Lord Asriel. Rebelle et insoumise, la fillette mène une vie de garçon manqué, loin des rumeurs et des manuvres politiques du Magisterium, sorte dorganisation gouvernementale autoritaire et fascisante, qui resserre son emprise sur la société, et dont on dit quil fait enlever des enfants à de sombres fins scientifiques. Mais alors quelle est confiée malgré elle à la mystérieuse et dangereuse Miss Coulter, Lyra apprend la disparition de son meilleur ami, Roger. Séchappant de sa prison dorée, Lyra décide donc de partir à la recherche de son ami
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« Le sage sait quil faut mieux ignorer certaines choses. Il est des sujets dont on ne parle pas »
Fort du succès de la trilogie du « Seigneur des anneaux » (Jackson 2001), qui avait relancé lintérêt cinématographique pour le genre de lheroïc fantasy, sest développé en parallèle un sous-genre, celui de lheroïc fantasy pour enfants. Inspirés principalement de la littérature daventures enfantine, ces films bénéficient souvent de budgets et de moyens techniques colossaux tant le potentiel public est important, et ont fini par écraser totalement le genre. En attestent les succès des sagas en cours « Harry Potter », « Narnia », et des autres films plus ou moins réussis et rentables tels que « Stardust » (Vaughn 2007), « Les portes du temps » (Cunningham 2007), « Eragon » (Fangmeier 2006), ou encore « Les secrets de Terabithia » (Csupo 2007). Cette nouvelle franchise est une adaptation de la saga littéraire multiprimée de Philip Pullman, « Les royaumes du nord », dont les différents romans qui la composent sont parus entre 1995 et 2000. Le projet de cette adaptation a été lancé par le réalisateur Chris Weitz ("American Pie", "Pour un garçon"), fan de la première heure de ces romans, et qui a signé également ladaptation scénaristique, travail quil a réalisé dans le grand nord Norvégien où il a voulu simprégner au maximum du paysage qui deviendra le décor principal du film. Si le film annonce le début dune trilogie, les épisodes suivants ne seront mis en chantier quen cas de succès de ce premier volet. En effet, produit par la même équipe que la saga du « Seigneur des anneaux », ce film bénéficie dun budget pharaonique de 180 millions de dollars, soit deux fois le budget du premier volet de la saga de Peter Jackson « La communauté de lanneau » (doté « seulement » de 93 millions de dollars de budget). De quoi faire de ce « A la croisée des mondes : la boussole dor » le blockbuster des fêtes de fin dannée.
« Tu rejoins toi aussi ce combat perdu davance ? »
Malheureusement, « A la croisée des mondes : la boussole dor » prouve quun budget phénoménal ne suffit pas pour faire un grand film. Loin de là. La faute en premier lieu à un scénario manquant cruellement doriginalité. Entre lhorripilante gamine intrépide, orpheline en pensionnat (« Harry Potter », « Narnia »), la maléfique magicienne (issue tout droit de « Harry Potter », « Stardust » ou de « Narnia »), la véritable nature des parents de Lyra (« Star Wars »), lours roi qui a été banni de son trône (comme Aragorn, du « Seigneur des anneaux »), ou le pirate des airs (« Stardust »), tout ici semble déjà archi vu et rabâché. Du coup, ce nest pas cette trame de fond des enfants quon enlève pour pratiquer des expériences sur eux (« La cité des enfants perdus »), ni cette guerre larvée entre Magisterium et minorités résistantes et rebelles (« Le seigneur des anneaux », « Star Wars », « Harry Potter »), ni lusage grotesque, peu expliqué et peu spectaculaire de la boussole dor, qui apportent un peu de piment à cette histoire. Sans compter cette fin tronquée, appelant dans le meilleur des cas une suite, qui narrange rien à laffaire. Tout juste ces éléments sont-ils bons à prouver que Pullman et Weitz ont des références, et quils ont su platement les recoller les unes aux autres pour créer de toutes pièces une histoire en forme dénorme plagiat sans intérêt et sans saveur. Et également sans maîtrise du rythme, le film souffrant de grands passages à vide, et ses deux heures semblant ainsi parfaitement interminables.
« Jaurais honte de faire preuve de moins de courage que la petite. Je ne veux plus vivre dans la honte »
Si le fond de ce film sonne particulièrement creux, sa forme est quelque peu décevante également, surtout compte tenu de son budget phénoménal. Bien sûr, on reconnaîtra la qualité des animations de lensemble, les animaux (daemons) étant particulièrement réussis. A un degré moindre, les ours semblent quand même tout droit sortis dune pub pour coca-cola datant dil y a quelques années. La photographie est aussi un grand point de satisfaction de ce film. Cependant, dautres effets semblent un peu cheap, comme la bataille finale, où le nombre de figurants a été réduit au minimum syndical, ou encore les scènes de visions via la boussole, dont la laideur nest pas sans rappeler les ennuyeux délires shamaniques du « Blueberry » de Kounen. Côté interprétation, on reste là aussi sur notre fin. La jeune héroïne Dakota Blue Richards, à linstar du daemon de Miss Coutler, fait figure de petit singe savant insupportable. A ses côtés, malgré les nombreuses stars qui composent le casting, cest la Berezina. A lexception dun Daniel Craig énigmatique et sobre (hélas, il napparaît que dix minutes à lécran), les autres comédiens sont dans les choux : Nicole Kidman en fait des caisses dans le battement de cils machiavélique, et son cabotinage vite insupportable ne trouve dégal que la monocorde voix de Ian McKellen (Gandalf dans le « Seigneur des anneaux ») qui prête ses cordes vocales à lours. Le fade Sam Elliott souffre quant à lui de la comparaison avec le personnage similaire et déjanté de pirate de lair interprété par De Niro dans le récent « Stardust ». Enfin, Eva Green se fait massacrée par lhorrible réalisation de Weitz (et pour la rendre laide, il faut vraiment y aller de bon coeur!). On regrettera également que les apparitions de Christopher Lee et Simon McBurney se limitent à de lanecdotique. Sans doute leurs personnages seront amenés à être développés dans une éventuelle suite.
« On réglera tout. Quils essaient seulement de nous en empêcher »
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Au final, « A la croisée des mondes : la boussole dor » est le prototype même du film raté et inutile. Raté parce quil ne captive jamais les spectateurs, tant par linertie et le peu dintérêt de son intrigue, que par les aberrants oublis scénaristiques (quest-ce que la poussière ?) que se permet le réalisateur pourtant menacé de ne pas voir se réaliser sa trilogie. Inutile parce que le film ne propose rien de nouveau, ne réinvente pas un genre déjà usé jusquà la corde ces dernières années. Tout juste se contente-t-il de reprendre en moins bien ce que les autres ont déjà fait avant. Si on ajoute à cela la calamiteuse interprétation générale, ne reste que la qualité visuelle de lensemble pour sauver le film. Un joli écrin en forme de coquille vide pour lun des plus mauvais films de lannée.
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