Boarding gate
« - Tu es là avec deux mois de retard.
- Je croyais quon avait rompu.
- Ce nest pas la première fois quon rompt »
Paris. Miles, un homme daffaires, annonce à son associé quil va revendre ses parts à une firme asiatique peu recommandable. Endetté jusquau cou suite à de mauvais placements, en instance de divorce, il voit là loccasion de solder ses dettes et de repartir à zéro. Il en profite pour revoir Sandra, son ancienne et magnifique maîtresse qui laimait passionnément autrefois, pendant que lui préférait la soumettre à des jeux humiliants. Cette dernière, ancienne droguée, travaille désormais dans limport-export. Néanmoins, elle est sur le point de partir en Asie, où elle rêve de repartir à zéro en ouvrant un club branchée à Pékin. Mais en manque de fonds, elle est prête à tout pour se donner les moyens de ses rêves. Et ce même si elle doit mouiller dans les combines les plus glauques
.
« - Je nai jamais compris pourquoi tu faisais lescort girl pour moi. La raison me dépasse.
- Parce que je taimais, Miles »
Voilà une vingtaine dannées quOlivier Assayas, ancien critique des « Cahiers du Cinéma », sest lancé dans laventure de la réalisation. Avec près dune dizaine de films au compteur (« Irma Vep », « Demonlover », « Les destinées sentimentales »), il a su se forger limage dun réalisateur original, exigent, au mises en scène toujours créatives et soignées. On se souvient ainsi de son dernier long en date, lexcellent « Clean », porté par la star asiatique Maggie Cheung, son ex-épouse. Son nouveau long, annoncé depuis quelques mois pour le prestige de son casting, a été présenté en Sélection officielle du dernier Festival de Cannes, mais hors compétition. On en retiendra laccueil plutôt glacial fait au film par les professionnels.
« Jai lu un article sur toi dans la presse économique et il tappelait « le parfait cliché dune époque révolue » »
Alors quil mettait sur les rails un projet avorté depuis, faute dinvestisseurs, Assayas a profité de ce contretemps pour écrire et réaliser un film « de série B » (selon ses propres dires), véritable film de genre, avec tout ce que cela comporte dinconvénients et davantages. Inconvénients tenant du fait que le film ne bénéficie pas dun énorme budget et que du coup le temps imparti au tournage était assez court, mais avantages car budget beaucoup plus facile à monter et surtout marge de liberté beaucoup plus conséquente pour le réalisateur. Mais si lidée de faire un film de genre était un défi intéressant, Assayas na pas su, semble-t-il, en éviter les pièges. La faute a un scénario inconsistant, dont lintrigue, dans ses grandes lignes, tient sur un timbre poste. Sur cette base, le réalisateur brode un peu, ajoutant des scènes interminables de dialogues sans intérêts dun côté (les joutes verbales damour et de haine entre Miles et Sandra) , pour mieux plaquer de grandes scènes silencieuses et contemplatives de lautre (la plupart des scènes de la seconde partie du film). En outre, Assayas tente douvrir plusieurs portes pour doper un peu une intrigue à encéphalogramme plat, mais ne considère jamais, hélas, essentiel de les refermer. On peut en dire autant de ces personnages, dont le scénario est étonnement vide lorsquil sagit de parler de leur évolution psychologique face à la manipulation dont la plupart sont lobjet. Par ailleurs, son film, au demeurant déjà lent, souffre de graves problèmes de rythme, entre inutiles courses poursuites infernales, et scènes quasi silencieuses.
« Tu sais quavant la fin de la nuit, je vais te menotter et je vais te baiser »
Il est clair que pour ce « Boarding Gate », Assayas a voulu privilégier la forme sur le fond. Et il se dégage dailleurs pas mal de chose de ces images. A commencer par un érotisme assez incandescent du à la présence de la toujours vénéneuse Asia Argento. On en retiendra, comme toujours chez lui, une mise en scène épurée, quelques jolis mouvements de caméra, un gros travail sur la photo et les couleurs, et une vision assez contemplative de lAsie. Mais si lécrin est plutôt plaisant à voir, il sonne trop creux pour quon y adhère jamais. Lensemble est finalement beaucoup trop long et lent, la microscopique intrigue reposant sur un classique rapport de séduction et de manipulation, et lensemble, à défaut de captiver, nintéresse jamais. Tout cela est dautant plus dommage quAssayas pouvait se reposer sur un casting de qualité, qui tient largement ses promesses. En tête daffiche, lomniprésente et génialissime Asia Argento, qui passe avec une grande subtilité de la poupée trash et vénéneuse à la femme blessée à qui il ne reste plus que linstinct de vengeance et de survie. Derrière, Michael Madsen et Carl Loong Ng, assurent avec tout autant de qualité.
« Jétais très amoureuse de Miles. Lui me désirait. Ce nest pas la même chose »
Grosse déception au final avec « Boarding Gate », le nouveau Assayas. Il faut dire que « Clean » avait placé la barre très haut. Mais ce film de genre, trop peu écrit, et qui devait permettre au réalisateur un exercice de style dans la forme et une expérience visuelle inédite à son répertoire, ne convainc jamais. Entre scénario inexistant, qui part dans tous les sens pour aboutir nulle part, et mise en scène contemplative et nombriliste, il est très difficile dentrer dans ce film. Dommage car quand on connaît le talent du capitaine Assayas et quon reconnaît la belle prestation de son casting de haute volée, on était en droit dattendre beaucoup mieux que ce trip expérimental, nombriliste et minimaliste. Le voyage quil nous propose est dun profond ennui.
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