La fille coupée en deux
« - Tu es devenu le Seigneur du coin ? Une sorte de marquis ?
- Le Marquis de Sade, oui ! »
Lyon. Gabrielle est une ravissante jeune femme à qui la vie semble sourire. Son succès comme présentatrice météo de la chaîne locale devrait lui ouvrir rapidement dautres portes et dautres perspectives. Un jour cependant, lors dune séance de dédicace dans la librairie de sa mère, elle fait la rencontre de Charles Saint-Denis, auteur à succès reconnu, la cinquantaine épanouie, pervers, brillant et marié, qui la séduit immédiatement. Courtisé en même temps par Paul Gaudens, jeune oisif, héritier dune grande firme pharmaceutique, elle se donne corps et âme à Charles qui lentraîne dans une relation sans avenir : il refuse de quitter sa femme, et surtout il entraîne Gabrielle dans une série de jeu de plus en plus pervers. Le jour où il la quitte, elle décide de céder par dépit aux avance de Paul. Mais ce dernier nest pas non plus un modèle déquilibre
« - Tu fais lunanimité mon cher !
- Pour ou contre moi ? »
Le cinéma de Chabrol est devenu une institution depuis des années. Sa filmographie pléthorique senrichit encore de sa traditionnelle production annuelle. Autant dire que la sortie de chacun de ses films constitue en soit un petit événement. Et ce dautant plus que ses derniers films nont pas forcément fait lunanimité. A lexception faite de son dernier film en date, « Livresse du pouvoir », ses dernières productions telles que « La demoiselle dhonneur » (2004) ou « La fleur du mal » (2003), nont jamais vraiment emballé la critique ni rencontré leur public. La sortie de cette « Fille coupée en deux » était donc dautant plus attendue.
« - Je ne pensais pas vous revoir aussi vite
- Parce que vous pensiez me revoir ? »
Inspiré dun fait divers américain datant de 1906 où un dandy millionnaire assassinait en public un architecte connu qui avait été par le passé lamant de sa femme, cette histoire avait déjà fait lobjet dune adaptation sur grand écran par Richard Fleischer en 1955 avec « La fille sur la balançoire ». On comprend très bien pourquoi Chabrol sest inspiré dun tel fait divers. En effet, replacée en province, cette histoire lui permettait une nouvelle fois de dessiner et dopposer deux univers quil affectionne particulièrement, la bourgeoisie figée de province et les cercles dintellectuels. Ce qui est moins évident, cest de comprendre ce quà voulu nous donner à voir lami Chabrol. Car cest avant tout une histoire archi prévisible à laquelle on assiste. La fin est prévisible après un tiers du film, et cest sans surprises que les pseudos rebondissements finaux se mettent en place. Quil ait voulu jouer sur les apparences est une chose. Ainsi, entre cet écrivain vivant tranquille à lécart du monde, avec sa femme avec qui il semble vivre une histoire parfaite, et qui en fait fréquente les clubs échangistes et est un habitué des histoires sordides, et de lautre un jeune homme issu dune bonne famille dans laquelle tout est irréprochable, des bonnes uvres à la religion, mais où personne nest capable de saimer et ou il faut en permanence éviter le scandale, expliquant au passage son manque déquilibre, tous les personnages cachent ici une forme de perversion sous le vernis social. Comme dans tous les Chabrol. Sauf quà la différence des excellents « Que la bête meure », « Le boucher », ou encore « La cérémonie », lévolution psychologique des personnages qui faisait la qualité des films de Chabrol, est ici pratiquement absente, coulant en grande partie un film déjà lent et sans surprise.
« - Paul, tu fais la plus grosse bêtise de toute ta vie
- Et ce ne sera certainement pas la dernière »
Sur la forme, Chabrol ninnove pas énormément, se contentant de reprendre les éléments qui ont fait sa griffe visuelle, à savoir une grande lenteur et une certaine froideur dans chaque plan. Sa direction dacteurs reste cependant bonne. On saluera ainsi la prestation de Ludivine Sagnier, totalement habitée par son personnage et dont la moue ingénue correspond parfaitement au rôle quelle interprète. En outre, il y avait longtemps quon ne lavait pas vu aussi charmante dans un film. A ses côtés, Berléand est toujours globalement bon, mais joue systématiquement le même rôle de mec un peu misanthrope et intello pervers (il jouait déjà le même rôle dintello pervers dans « Romance X » de Breillat). Magimel quant à lui campe un dandy quelque peu caricatural mais finalement assez crédible dans sa folie. On notera surtout la belle présence des seconds rôles, tous impeccables, que ce soit Marie Bunel, Etienne Chicot, Didier Bénureau, ou Jean-Marie Winling. Enfin, cest avec beaucoup de plaisir quon retrouve après une longue absence la toujours magnifique Mathilda May.
« Je viens de tuer lhomme qui a perverti ma femme »
Avec cette « Fille coupée en deux », Chabrol se contente du minimum syndical. Certes meilleur que sa « Demoiselle dhonneur », ce film se contente malgré tout de jouer pour la énième fois sur les apparences des deux milieux que lauteur adore titiller, à savoir la bourgeoisie de province et lintelligentsia. Avec une histoire prévisible, où lévolution psychologique des personnages se limite au strict minimum, les deux heures que durent le film paraissent vite interminables. Reste le jeu des acteurs qui dans lensemble est irréprochable et rattrape un tout petit peu lensemble. Ce dernier Chabrol est encore une déception.
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