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21 Oct

C'est dur d'être aimé par des cons

Publié par platinoch  - Catégories :  #Documentaires

« « Scream » quand c’est vu par des cons, ça pose problème. C’est pareil pour les caricatures »

Pour avoir reproduit les douze caricatures danoises ayant déclenché la colère des musulmans aux quatre coins du monde, Philippe Val, le patron de Charlie Hebdo, journal satirique français, est assigné en justice. Un procès hors norme que Daniel Leconte suit en temps réel. Pour décrypter, avec les acteurs clés, les enjeux politiques internationaux, médiatiques et idéologiques. Avec, en images : avocats, témoins, médias, conférences de rédaction, manifestations de soutien. Avec aussi les prises de positions des intellectuels et des hommes politiques, les réactions de l'accusation et des pays musulmans. Une réflexion sur l'Islam, sur la presse, sur l'état de l'opinion dans la société française mais aussi une tentative de réponse aux défis lancés par l'intégrisme à toutes les démocraties.

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« L’enjeu est énorme : il s’agit de stigmatiser les dangers de l’islamisme sans heurter les croyants »

Journaliste et réalisateur de plusieurs documentaires, Daniel Leconte s’était manifesté très tôt sur l’affaire des caricatures, signant une tribune de soutient dans Libération intitulée « Merci Charlie ». Une prise de position qui valait à son auteur de se faire contacter par Philippe Val, rédacteur en chef de Charlie Hebdo qui lui demanda s’il accepterait de témoigner au tribunal en faveur du journal satyrique. De là est venue l’idée au journaliste de faire un documentaire sur cette affaire, finalement universelle puisque s’inscrivant pleinement dans le climat de confrontation et d’incompréhension opposant monde Islamique et monde Occidental. Le film a été présenté en séance spéciale lors du Festival de Cannes 2008, en présence du réalisateur/documentariste américain Michael Moore.

« Avec ces gens : si tu parles tu meurs, si tu te tais tu meurs. Alors parle et meurs. »

Tel était le titre – ultra provocateur – du numéro de Charlie Hebdo consacré aux caricatures de Mahomet qui ont défrayées la chronique. Des caricatures également relayées par France-Soir et l’Express. Pourtant c’est bel et bien l’hebdomadaire satyrique qui se retrouvera seul sur le bac des accusés après les plaintes conjointes de diverses associations musulmanes. Et si le procès a tant défrayé la chronique, c’est avant tout parce qu’il touchait à des notions essentielles de notre République et des valeurs qu’elle défend et représente. En premier lieu desquelles la liberté d’expression. « On peut rire de tout mais pas avec tout le monde » disait Desproges. Voilà qui résume bien le problème. Car jouant sur la seule limite « contraignante » de la liberté d’expression – l’incitation à la haine raciale ou religieuse – ce procès n’était pas simplement intenté à un simple journal satyrique mais à la République et à la société elles-mêmes, posant la question de la compatibilité entre Religion d’une part et valeurs républicaines de l’autre. Une question d’autant plus sensible et fondamentale qu’elle tendait à remettre en cause le principe de laïcité, parmi les fondamentaux de notre Constitution. Mais la grande réussite de ce reportage, c’est de réussir à rendre ce documentaire vivant et ludique. Tout d’abord en nous montrant les dessous politiques très complexes de l’affaire (selon le film, le Recteur de la Mosquée de Paris était « téléguidé » par l’état Algérien, avec la bénédiction du gouvernement français de l’époque qui voulait à ce titre éviter tout débordement civil). On assiste alors à un chassé croisé de personnages plus ou moins célèbres venant témoigner en faveur ou non de Charlie. Des personnages tantôt cocasses (le professeur d’université dont le témoignage profite à la partie adverse), tantôt antipathiques (le vieux prêtre facho, l’avocat des plaignants qui se permet un commentaire très déplacé et sexiste contre une journaliste de Charlie), tantôt émouvants (Elizabeth Badinter, le journaliste algérien menacé de mort), le tout bercé par les confrontations d’anonymes des deux camps qui s’invectivent dans la salle des pas perdus. On se prend même à rire en entendant le récit de la plaidoierie finale de la défense, anciens numéros provocateurs de Charlie Hebdo à l’appui, demandant aux plaignants s’ils voulaient être aussi (mal)traités que les autres religions ont pu l’être dans ce journal. Dans tous les cas, on reconnaitra un grand mérite à ce film, celui de rappeler – en osant traiter d’un sujet sensible et encore un peu tabou – qu’il faudra toujours être vigilant face aux montées des extrémismes, qui menaceront toujours les principes de notre Démocratie, qui ne seront jamais totalement « acquis » et qu’il faudra toujours défendre. On regrettera juste que les beaux principes défendus par Charlie Hebdo aient été contredits depuis par l’affaire Siné. Il n’en demeure pas moins que ce film est essentiel.

  



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M
J'ai très envie de le voir et après ta critique, encore plus !
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B
Oui, très bon documentaire sur un sujet aussi sensible, et qui devrait être vu par le plus grand nombre. Ce procès, a mis en exergue certains maux qui ne cherchent qu'à abbatre la démocratie, pas seulement chez nous, mais dans le monde entier. Il a montré aussi le vrai visage des extrêmistes cachés derrière une façade de respectabilité et de "modération". Mais aussi, le courage d'hommes politique et certaines lachetés d'autres.
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Le site sans prétention d'un cinéphile atteint de cinéphagie, qui rend compte autant que possible des films qu'il a vu!