Deux soeurs pour un roi
« Toute famille acquiert de lavancement grâce à ses filles. Et notre fille mérite mieux quun fils de marchand »
Angleterre, 16ème siècle. La rumeur court selon laquelle le Roi Henri VIII ne partage plus la couche de sa femme, celle-ci narrivant pas à lui donner un héritier mâle. Voyant là loccasion inespérée de se rapprocher du Roi et dobtenir ses faveurs, Sir Boleyn et son beau-frère, le Duc de Norfolk, veulent à tout prix faire la fille du premier, Anne, la favorite du Roi. Mais la rencontre organisée tourne mal suite à quelques maladresses de cette dernière, et le Roi jette contre toute attente son dévolue sur leur fille cadette, Mary. Celle-ci, fraîchement mariée à un fils de commerçant, est cependant poussée par sa famille dans le lit royal. Si les choses semblent se passer pour le mieux, la grossesse de Mary risque cependant de compromettre les espoirs de sir Boleyn. En effet, désormais alitée et ne pouvant plus satisfaire les besoins du Roi, ce dernier risque daller voir ailleurs et de se désintéresser de Mary. Sir Boleyn décide alors de faire revenir son aînée, Anne, dexil, afin doccuper du Roi, le temps que Mary lui donne un héritier mâle. Mais Anne, ambitieuse, manipulatrice, et forte dun esprit de revanche sur sa sur, nentend pas jouer les doublures temporaires
« Durant votre exil en France, apprenez des femmes de la cour la façon dont elle contrôlent les hommes non pas en frappant du pied, mais en leur faisant croire que ce sont eux qui dirigent. Tel est le pouvoir des femmes. »
Décidément, la famille royale britannique, peu importe lépoque, aura toujours inspiré les cinéastes. Que ce soit la Reine actuelle, avec le multiprimé « The queen » de Frears (2006), ou la saga « Elizabeth » de Kapur (1998 et 2007). Au tour cette fois-ci des surs Boleyn, dont lHistoire na pas encore révélé tous les secrets, dêtre transposée sur grand écran. Plus exactement, ce film est ladaptation du roman « The other Boleyn girl » de lécrivain Philippa Gregory, publié en 2001. Un roman qui avait déjà fait lobjet dune première adaptation pour la télévision en 2003. Produit par la BBC, le téléfilm était notamment porté par Natascha McElhone. Ce coup-ci, cest Justin Chadwick qui sy colle. Scénariste et comédien, il navait jusquici réalisé que des séries et des téléfilms pour la télévision britannique. Ce « Deux surs pour un roi » est donc son premier long métrage pour le cinéma. Il bénéficie notamment dun scénario écrit par Peter Morgan, spécialiste du genre qui avait notamment signé ceux de « The queen », ainsi que dun téléfilm sur Henri VIII. « Deux surs pour un roi » a été présenté en Sélection Officielle, hors compétition, lors du Festival de Berlin 2008.
« Ne te réjouis pas trop vite. Il te fera ce quil ma fait. »
Bien que retraçant lhistoire des surs Boleyn de manière romancée et hypothétique, « Deux surs pour un roi » sannonçait intéressant sur bien des points. Tout dabord, le film devait nous plonger dans lépoque trouble de lAngleterre du 16ème siècle, période du terrible règne du Roi Henri VIII, connu pour avoir été particulièrement cruel envers ses épouses et sa progéniture, et qui aura surtout été à lorigine de la rupture anglaise davec le Vatican. Dautre part, après le succès de la très réussie saga « Elizabeth », le film allait mettre en lumière le règne précédent celui de cette grande Reine. Malheureusement, faisant fi de la réalité historique, le novice Gregory a opté pour un récit principalement centré sur la superficielle et tumultueuse relation de rivalité entre les deux surs Boleyn, plutôt que sur les troubles politiques de lépoque et du règne de Henri VIII à proprement parlé. Dès lors, les belles ambitions sévaporent, le souffle de luvre également, et lintérêt historique est relayé au second plan. Reste deux portraits de femmes au cur dune tragédie, plutôt bien écrits avec à la clé une critique de la vénalité et de lambition démesurée, mais trop mélodramatique pour réussir à emporter pleinement notre adhésion. On ne pourra que regretter que Gregory nait pas su prendre exemple sur le flamboyant « Elizabeth », un film bénéficiant dun incroyable souffle et qui arrivait à dresser un portrait fort de la Reine, tout en donnant une place centrale au contexte politique de lépoque et aux intrigues de cour.
« Cest ma sur. Elle est une partie de moi-même. »
Car sur le plan de la réalisation, « Deux surs pour un roi » manque clairement denvergure. Pas assez rythmé (on sent vraiment passer les deux interminables heures), tourné dans des décors en carton-pâte assez kitsch (les châteaux en intérieurs font faux, tout comme ce parti pris de propreté absolu, en inadéquation avec lépoque), la réalisation mollassonne et sans grand génie de Gregory ne permet jamais au film de prendre une dimension supplémentaire, ni de gagner ce souffle qui lui fait tant défaut. Finalement, le seul atout du réalisateur réside encore dans sa direction dacteurs. Si le monoexpressif Eric Bana est dentrée out par son absence criante de charisme pour interpréter un tel personnage et par son manque de subtilité dans son jeu, Scarlett Johansson et Natalie Portman sont bel et bien au rendez-vous et assurent lessentiel. Toute en séduction, chacune dans son registre va laisser finalement apparaître des émotions et une fragilité à fleur de peau. Le choix davoir inversé les rôles habituels en donnant le rôle de la « gentille et fragile » à Johansson et de la « méchante et calculatrice » à Portman savère judicieux, et les deux actrices font étalage de toute leur classe ainsi que dune belle complicité et complémentarité. En cela, elles sont certainement les deux plus prometteuses (pour ne pas dire les meilleures) de leur génération. Dommage cependant pour elles (et pour nous) que le projet ne soit pas tout à fait à la hauteur de ce quil aurait du être et quil se cantonne à étudier la relation mi-amour mi-haine des deux frangines. Un tel sujet aurait mérité un bien meilleur traitement, ainsi quun peu plus de chair, de souffle, et dintrigue, afin de dépasser le stade du simple mélo dramatique pour atteindre celui de fresque historique digne de ce nom. Dès lors, le film reste sympathique et distrayant. Sans plus.
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