Infidèlement vôtre
« Certains hommes vous évoquent naturellement du Champagne, et dautres du jus de pruneau »
Sir Alfred Carter est un célèbre chef dorchestre. De grande réputation, il sillonne avec un flegme et une légèreté tout autant britannique que lui les quatre coins du pays pour diriger des concerts. Mais suite à quiproquo, durant son absence pour cause de représentation, son beau-frère décide dengager une détective privé pour suivre sa femme Daphné. Lorsque Alfred revient de voyage, il reçoit le rapport de ce dernier, laissant planer des doutes sur la fidélité de cette dernière. En outre, Alfred la soupçonne de le tromper avec son jeune et élégant secrétaire, Tony. Au cours de la représentation quil donne le soir même en ville, il imagine trois scénarios lui permettant de se débarrasser de sa femme
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« - Tu nes pas tombée amoureuse dun autre homme que moi en mon absence ?
- Comment aurais-je pu ? Tu avais emporté mon cur avec toi »
Réalisateur un peu tombé dans loubli aujourdhui, Preston Sturges, avant tout connu pour son travail de scénariste, a réalisé une dizaine de comédies essentiellement dans les années 40. On lui doit notamment « Les voyages de Sullivan » (1942), porté par la belle Veronica Lake. Sous contrat de longue date avec la Paramount, cet « Infidèlement vôtre » sera le premier film du réalisateur pour les studios de la Fox, pour lesquels il réalisera également quelques mois plus tard « Mamzelle mitraillette ». Pour son avant avant-dernier film, Sturges a notamment subit lintrusion dans son travail de Daryl Zanuck, le célèbre producteur de la Fox, qui a imposé un certain nombre de coupures au montage. Si le personnage central est en partie inspiré dun véritable chef dorchestre anglais, Sir Thomas Beecham (dont le papa est le célèbre inventeur dune pilule laxative, dont léquivalent américain sappelle Carter, doù le nom du personnage), cest le comédien britannique James Mason qui était tout dabord pressenti pour obtenir le rôle, tandis que le personnage de son épouse fut proposé en vain à Gene Tierney. A la place, ce sont donc Rex Harrison et Linda Darnell qui hériteront des rôles, se retrouvant à laffiche dun film deux ans seulement après sêtre donnés la réplique dans « Anna et le roi de Siam » (Cromwell). Gros échec commercial, ce dernier sexplique en partie par le choix délibéré des studios de minimiser toute campagne de promotion, suite au suicide de la comédienne Carole Landis, alors maîtresse du pourtant marié Rex Harrison. Un fait divers trop proche du synopsis du film, qui ne pouvait que lui nuire. A noter que le réalisateur Howard Zieff en a signé un remake, intitulé en français « Faut pas en faire un drame », sorti sur nos écrans en 1984 et porté par le tandem Dudley Moore et Nastassja Kinski. .
« Moi, je ne laurai pas fait suivre. Quoi quelle ai fait, je me serai contenté de ce quelle avait à me donner »
Comédie assez vaudevillesque, cet « Infidèlement vôtre » fait penser, par sa légèreté, son intelligence, et son sens des dialogues qui font mouche, aux comédies américaines des années 40 signées Capra ou Hawks. Pourtant derrière ses alternances de bons mots et de scènes burlesques, Preston Sturges touche à des sujets plus profonds et plus sombres, comme la jalousie et la vengeance, dressant au passage une satyre sociale peu reluisante. Avec talent, il sintéresse donc à ce personnage de célèbre chef dorchestre, homme sûr de lui pour ne pas dire arrogant, qui aime se montrer et quon le regarde, vaciller et seffondrer lorsquil se met à soupçonner son épouse dinfidélité. Une étude psychologique assez fine et intelligence, parfois sombre, mais toujours désamorcée par la causticité dun scénario sur mesure. Dans ce sens, les trois plans échafaudés par le héros pour se débarrasser de sa femme, prennent la forme de parfait exutoire à la colère du mari blessé. Mais dans un long final totalement burlesque où ce dernier tente en vain de mettre ses plans à exécution, Sturges nous rappelle également combien il est difficile de passer à lacte, et ce dautant plus que son héros aime trop sa femme pour pouvoir vivre sans elle. Mais malgré lintelligence du propos et le flegme subtil avec lequel la réflexion est traitée, lensemble semble quand même avoir beaucoup souffert des affres du temps qui ont rendu le résultat particulièrement désuet.
« Qui comprend la musique comprend le cur humain »
Si le film souffre en effet dun côté vieillot terriblement marqué et de quelques problèmes de rythme, la mise en scène de Sturges est remarquable de maîtrise. Ainsi, le réalisateur ira plus loin que lapparent classicisme de sa mise en scène en tentant quelques effets symbole dun esprit profondément créatif et innovant. On pourra citer le calquage des trois scénarios rêvés par le héros sur trois morceaux de musique classique (Rossini, Wagner, et Tchaïkovski) quil dirige en plein concert, la violence de chacun de ces scénarios correspondant à lintensité du morceau. Si le phénomène peut sembler banal aujourdhui, il semble quil fut lun des tout premiers à sy essayer. De la même manière, on pourra également mettre au crédit de sa belle mise en scène quelques plans de caméras audacieux, comme ce long travelling avant inquisiteur, allant de lorchestre jusque dans lil du héros avant chacun des scénarios. Sturges peut également sappuyer sur la remarquable interprétation du grand Rex Harrison. De tous les plans, ce dernier fait létalage de toute sa classe très british et de son énergie, aussi à laise pour débiter des réparties assassines que dans des numéros burlesques proches du muet. Face à lui, la très belle Linda Darnell fait un fabuleux objet de désir tout aussi mystérieux que vénéneux. Mais malgré toutes ses belles qualités, le film, qui souffre dun côté franchement suranné, narrive jamais vraiment à passionner. A voir cependant, par curiosité et pour sa belle mise en scène.
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