Les disparues
« Quand mon frère est tombé malade, jai prié pour que tu reviennes. Quand jai du le mettre moi-même en terre, jai prié pour que tu crèves. »
1886, Nouveau-Mexique. Maggie Gilkeson vit dans une ferme isolée avec ses deux filles, Lilly et Dot, ainsi quavec deux chasseurs, dont le beau Brake qui nest autre que son amant. Fermière, soigneuse, Maggie travaille dur, sans rien demander à personne, mais peine à sortir de sa situation précaire. Un jour, un vieil homme débarque à la ferme pour des soins. Ce dernier, un blanc habillé en indien, nest autre que le père de Maggie, quil la abandonné alors quelle nétait quune enfant pour partir vivre avec les indiens. Profondément blessée, cette dernière refuse la main tendue. Pourtant, quelques heures plus tard, lors dune attaque dun groupe dindiens renégats, Brake et son collègue seront assassinés et Lilly sera enlevée, comme dautres jeunes filles de la région, pour être revendue à des proxénètes mexicains. Le shérif refusant de partir à la poursuite des assaillants, Maggie na dautres choix que de demander à son père de laider à libérer Lilly. Une longue course poursuite commence alors
« Lesprit inquiet ne rend pas lhomme heureux »
Sil est certainement lun des réalisateurs les plus prolifiques de sa génération avec pas moins dune vingtaine de longs métrages réalisés depuis 1977 et son « Lâchez les bolides », Ron Howard se sera également distingué par la grande variété des genres quil aura abordé. Ainsi, de la comédie (« Splash » en 1984, « En direct sur Ed TV » en 1999) au drame (« Backdraft » en 1991), en passant par la science-fiction (« Cocoon » en 1985), lHéroic fantasy (« Willow » en 1988), le film daventure (« Apollo 13 » en 1995, « Da Vinci code » en 2006) ou encore le biopic (« Un homme dexception » en 2002, « De lombre à la lumière » en 2005), Howard sest montré relativement à laise dans tous les domaines, et profondément inclassable. Pas étonnant dès lors de le retrouver aux commandes dun western, en loccurrence « Les disparues », sorti en 2004. Dautant quavant de devenir réalisateur, Ron Howard sest illustré en tant que comédien dans ce genre, avec des participations aux séries « Gunsmoke » et « Bonanza », mais surtout en jouant aux côtés des stars vieillissantes du genre, comme John Wayne et James Stewart dans « Le dernier des géants » (Siegel 1976), ou encore Lee Marvin dans « Du sang dans la poussière » (Fleischer 1974). Un retour aux sources en quelque sorte, qui aura été très préparé par toute léquipe, Tommy Lee Jones apprenant même les rudiments dun dialecte apache. Ce qui naura pas empêché le tournage dêtre particulièrement mouvementé, léquipe ayant du subir des tempêtes de glace et de neige, ainsi que plusieurs jours de rafales de vents de sable. Des imprévus renforçant le parti pris de réalisme quant à lhostilité du milieu et de rudesse de la vie des pionniers voulu par le réalisateur. Le film a été présenté en compétition officielle au Festival de Berlin 2004.
« Il y a deux chiens en toi : lun est le bien lautre le mal. Et les deux sentredévorent en permanence. Lequel gagne ? »
Genre phare du cinéma américain des années 30 à 60, le western semblait sêtre franchement essoufflé depuis ses derniers feux des années 70, sans pour autant totalement disparaître des écrans (« Pale rider », « Impitoyable » dEastwood, « Young guns » de Cain, « Silverado » de Kasdan, ou encore « Danse avec les loups » et « Open Range » de Costner). Mais suffisamment en tout cas pour rendre le projet de Howard atypique et curieux. Et très vite, on sent que le bonhomme a des références en la matière, reprenant des thèmes prisés du genre. A commencer par lenlèvement de la jeune femme par des indiens et la course poursuite qui sen suit, tout droit inspiré de John Ford et de sa « Prisonnière du désert » (1956). De même avec ce personnage ambigu de blanc ayant adopté le mode de vie des indiens, quon retrouve dans de nombreux western comme « Little big man » (Penn 1971), « Un homme nommé Cheval » (Silverstein 1969), ou encore « Danse avec les loups » (Costner 1991). Seule la présence dun personnage central féminin forte, rebelle, et sachant faire parler la gâchette pouvait sembler quelque peu original, à condition de ne pas avoir vu les séries B « Mort ou vif » et autres « Belles de louest ». Et cest dailleurs là que se situe le principal défaut du film dHoward, dans ce trop plein de références, faisant de son western un film terriblement balisé et sans aucune originalité. Ce qui ne veut pas dire que son film ne soit pas efficace. Au contraire, lensemble se suit sans réel déplaisir, et les scènes dactions, comme les deux fusillades finales sont assez énergiques. Mais Howard se perd trop dans un scénario très manichéen (les méchants demeurent les indiens, postulat ayant disparu des scénarios depuis la moitié des années 60 et la réhabilitation de ceux-ci, tout comme la rédemption le sacrifice du mauvais père vient préserver une petite morale pas très audacieuse), laissant une place trop importante au surnaturel (comme le coup du shamanisme, aussi chiant et inutile que de le « Blueberry » de Kounen), qui empêche le film dacquérir une certaine crédibilité.
« Tu as vécu comme un blanc. Tu auras droit à une mort dindien »
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Le côté référencé du film se ressent également dans la mise en scène de Ron Howard. En recherche permanente dune certaine forme dacadémisme propre aux westerns de lâge dor, Ron Howard ne peut sempêcher de faire par moment de la surenchère (le coup de la crue subite de la rivière) quand les chef duvre du genre jouaient au contraire sur lépure. Néanmoins, à linstar de ses modèles, il réussit parfaitement à capter laspect grandiose des paysages, et à en faire un personnage à part entière. De même, le soin apporté à la photographie et à léclairage semble particulièrement léché, donnant à lensemble une apparente authenticité, renforçant également tant lhostilité du milieu quune sensation anxiogène. La direction dacteurs savère également très satisfaisante, notamment grâce à la prestation de la toujours impeccable Cate Blanchett. Tommy Lee Jones se montre également à la hauteur de son personnage, bien que celui-ci savère trop stéréotypé et prévisible pour avoir une aura plus importante. Les autres seconds rôles se montrent également à la hauteur avec notamment les belles prestations dAaron Eckhart, dEvan Rachel Wood, ou encore de Val Kilmer. Pour conclure, Ron Howard renoue ici avec le genre du western, en signant un film un peu trop académique, référencé, et manquant un poil doriginalité. Néanmoins, si le film ne marquera clairement pas les esprits, il nen est pas moins un divertissement honnête, bien ficelé et efficace. Sans plus, mais cest déjà pas si mal !
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