Fantasia
Projet à part dans luvre de Walt Disney, « Fantasia » est une suite de huit dessins-animés, illustrant chacun un morceau de musique classique. Lensemble est interprété par lOrchestre de Philadelphie, dirigé par le chef dorchestre Leopold Stokowski. Dans lordre du film, sont ainsi interprétées « Toccata et fugue en ré mineur » de Bach, « Casse-Noisette » de Tchaïkovski, « Lapprenti sorcier » de Dukas, « Le sacre du printemps » de Stravinsky, « Symphonie pastorale » de Beethoven, « La ronde des heures » de Ponchielli, « La nuit sur le Mont Chauve » de Moussorgski, et l « Ave Maria » de Schubert. A lexception des deux derniers morceaux qui senchaînent directement à la suite, tous les autres morceaux sont séparés par un intermède montrant des plans des musiciens et de lorchestre en ombres chinoises, durant lesquels une voix-off annonce et présent le dessin-animé et le musique qui vont suivre. Sorti sur les écrans new-yorkais pour la première fois en 1940, Walt Disney voulait faire de « Fantasia » un film évolutif, de durée plus courte que la version finale que nous connaissons, et présentée à intervalles réguliers, avec de nouvelles séquences illustrant de nouvelles musiques, remplaçant au fur et à mesure les séquences déjà existantes, au gré de leur succès. Présenté ainsi au départ comme un spectacle itinérant, le film ne rencontra pas son public et fut contraint dêtre présenté dans une version définitive, avec une sortie simultanée pour lensemble du territoire américain. Le film bénéficie (et sera pour toujours lunique bénéficiaire) dun format sonore révolutionnaire pour lépoque, le Fantasound, procédé stéréo ancêtre du Surround. Malmené par la critique presse qui lui reprochera la qualité de lorchestration et de linterprétation des morceaux, ainsi que la qualité des dessins-animés, trahissant pour certains la beauté des musiques, le film recevra malgré tout deux Oscars honorifiques, lun au titre de sa grande contribution de lutilisation du son dans un film de divertissement, et lautre pour Leopold Stokowski, pour la création dune nouvelle forme de musique visuelle dans un film de divertissement. Pour la petite histoire, Igor Stravinsky, le seul des huit compositeurs vivant à la sortie de ce « Fantasia », proposera à Walt Disney de composer un morceau original pour le film, sans que cette proposition se concrétise. De son propre avis, linterprétation faite dans le film de son morceau sera « détestable ». A noter que sous limpulsion du neveu de Walt Disney, désireux de reprendre la volonté de son oncle de faire de « Fantasia » un projet évolutif, une suite composée de nouveaux morceaux et de nouveaux dessins-animés est sortie en 1999 : « Fantasia 2000 ». Un troisième volet, « Musicana », devrait également voir le jour en 2011.
uvre atypique, artistiquement très novatrice pour son temps, « Fantasia » est avant tout un film musical et poétique, inventant son propre langage, plus quun dessin animé grand public auxquels Disney nous avait habitué jusque là. En outre, il se distingue aussi des autres productions Disney par ses intentions, purement éducatives (faire découvrir aux plus jeunes et aux masses les grands morceaux de musique classique) et artistiques (illustrer ces grands morceaux par des dessins-animés, visuellement calqués sur la musique, tels des ballets). Si lintention semble louable, et bien quil soit devenu culte au fil des décennies, ce « Fantasia » est cependant une uvre imparfaite. Et le principal reproche quon puisse lui faire, cest avant tout sa longueur : 1h57 ! Autant le dire, pour des oreilles peu éduquées et habituées à la musique classique, le film paraît assez vite interminable et soporifique. Une donne dont les équipes des Studios Disney ont tenu compte pour « Fantasia 2000 », ramenant sa durée à un format beaucoup plus confortable de 1h15. Lautre défaut, à mon sens, de ce film, cest son inégalité. Inégalité qui concerne en premier lieu le choix des musiques : si, bien entendu, « Fantasia » se devait de proposer un choix assez large de musiques très différentes, certains morceaux paraissent cependant mal adaptés à ce genre de projet, car déjà trop pointus ou demandant une culture musicale trop fouillée pour être vraiment appréciées comme il se doit. Cest le cas, par exemple, du « Sacre du printemps » de Stravinsky, ou de « La nuit sur le Mont Chauve » de Moussorgski, qui sont des uvres compliquées et peu accessibles. Ce sentiment est aussi renforcé par linégale qualité des dessins-animés. Si « Lapprenti sorcier », le segment le plus connu aujourdhui (car le seul à mettre en scène un personnage récurent de Disney, en loccurrence Mickey), semble vraiment au-dessus du lot, tous ne sont pas logés à la même enseigne. Ainsi, « Casse-Noisette » est dune grande légèreté, « La Symphonie pastorale » est assez charmante, bien que proposant une illustration particulièrement naïve de luvre de Beethoven, « La ronde des heures » propose quant à elle une version assez décalée et amusante dun ballet gracieux dansé par des animaux réputés pour leur lourdeur. Pour le reste, les dessins-animés, malgré une image léchée et souvent assez poétique, restent quand même assez peu captivants. La palme revenant sans doute à limprobable combat de dinosaures illustrant le « Sacre du printemps », ainsi quau défilé dans la forêt pour l « Ave Maria ». Malgré cela, on doit reconnaître une certaine beauté formelle à lensemble, dans ses images poétiques et oniriques qui arrivent à épouser parfaitement le rythme et lintensité des musiques, leur légèreté, et à leur donner une nouvelle sensibilité. Il est dailleurs évident que les réalisateurs se sont inspirés des ballets et du cinéma muet pour leurs dessins-animés. Et à ce niveau le résultat est étonnement surprenant et réussi.
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Au final, sans remettre en cause la pertinence et lintérêt artistique de la démarche, « Fantasia » apparaît malgré tout comme une uvre légèrement surestimée. Tenant plus de limperfection que du réel défaut, la durée beaucoup trop longue du film, et un certain nombre de choix, notamment certains morceaux de musique très particuliers et difficiles, restent quand même assez discutables. Car bien que lanimation - très poétique et incroyablement bien calquée sur le rythme des musiques - ne souffre daucune contestation possible, le format du film, quasi muet et illustrant des thèmes musicaux plus ou moins accrocheurs, fait de « Fantasia » une uvre difficilement accessible, parfois rébarbative, et même par moments assez soporifique. Certains accrocheront cependant peut-être davantage à la poésie particulière de ce film, qui, je lavoue, ne ma pas touché outre mesure. A voir, par curiosité.
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